Mort de Charles Dumont : comment sa chanson "Non, je ne regrette rien" écrite "dans la colère" est devenue une "révélation" pour Edith Piaf

Le titre permettra à la Môme d'effectuer un retour triomphant sur scène le 29 décembre 1960 à l'Olympia. On pensait la chanteuse en bout de course mais les compositions de Charles Dumont relanceront sa carrière et lui donneront même un second souffle.
Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture
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Temps de lecture : 4min
Le compositeur français Charles Dumont pose à côté d'une photo d'Édith Piaf et de lui, le 13 février 2007 à Paris. (PIERRE VERDY / AFP)

Cette chanson aura littéralement changé la vie de son compositeur, Charles Dumont, disparu dans la nuit du 17 au 18 novembre, et celle de son interprète, Edith Piaf. Ce n'est pas dans une salle de spectacle mais à la télévision que les Français ont entendu pour la première Non, je ne regrette rien. Le 2 décembre 1960, en exclusivité pour l'émission Cinq colonnes à la une, Edith Piaf apparaît petite et frêle dans son éternelle robe noire. Dès qu'elle entonne le premier couplet, l'artiste est métamorphosée, comme transcendée.

"Quand Michel Vaucaire (le parolier) et Charles Dumont (le compositeur) m'ont apporté la première fois Non, je ne regrette rien, ça a été comme une sorte de révélation en moi, c'est-à-dire que j'ai senti qu'il fallait que j'efface tout, que je recommence tout, que je me renouvelle tout à fait", confiait-elle. Charles Dumont avait alors 31 ans et ne croyait guère en ses chances, Édith Piaf lui ayant déjà refusé plusieurs titres. "J'étais dans de graves difficultés financières. J'ai écrit cette chanson dans la colère", racontait-il en 2013. C'est le parolier Michel Vaucaire, l'époux de la chanteuse Cora Vaucaire, qui insistera pour présenter cette chanson à Edith Piaf.

Une double renaissance 

Rendez-vous est pris le 20 octobre 1960. La secrétaire d'Edith Piaf appelle pour annuler, la chanteuse ne se sentant pas bien, mais les deux hommes ne reçoivent pas le message et se présentent à 17 heures à l'adresse de Piaf, 67 boulevard Lannes à Paris. La secrétaire s'apprête à les éconduire quand ils entendent la voix de Piaf crier : "Fais-les entrer puisqu'ils sont là." 

Elle les accueille en robe de chambre, chaussons aux pieds. Charles Dumont se met au piano et joue. Elle lui demande alors de recommencer, une fois, deux fois, trois fois... "Quand une chanson lui plaisait, expliquait le compositeur, elle la faisait écouter à tous ses amis. J'ai vu défiler tout le monde. J'ai commencé à cinq heures jusqu'à deux heures du matin (...) Je rentre me coucher, le téléphone sonne et elle me dit : 'Vous pouvez pas revenir me jouer la chanson?' Je me suis relevé et je suis revenu boulevard Lannes !".

Victime de graves problèmes de santé et d'addictions, la chanteuse avait quitté la scène un an auparavant, exténuée. Avec Non, je ne regrette rien, elle fait son grand retour et sauve l'Olympia, alors au bord de la faillite. Le 29 décembre 1960, le Tout-Paris s'y presse, ravi de la retrouver. Le journaliste et écrivain Jacques Pessis raconte : "Elle entre sur scène, avance vers le micro et il va y avoir 16 minutes d'applaudissements debout. Du jamais vu dans l'histoire du music-hall".

Edith Piaf chante les nouveaux titres composés pour elle par Charles Dumont parmi lesquels Non, je ne regrette rien et fait un triomphe. Pour Jacques Pessis, "Piaf avait le sens des chansons, des paroles et des musiques qui touchaient le public parce qu'elle est née dans la rue, elle y a grandi. Elle a tout de suite compris que dans cette chanson, il y avait une idée, une mélodie qu'elle pouvait chanter. C'est pour ça qu'elle se l'est totalement appropriée". Elle restera en tête du hit-parade de l'époque, la "bourse aux vedettes", pendant 48 semaines. C'est l'une des chansons d'Edith Piaf les plus connues dans le monde avec La vie en rose. 

Chanson mythique 

On a parfois dit et écrit que la môme Piaf avait dédié Non, je ne regrette rien à la Légion Etrangère. Le journaliste Jacques Pessis veut rectifier : "C'est la Légion qui s'est emparée de cette chanson pour en faire un hymne parce qu'elle correspondait à ce que pensent les soldats, ils ne regrettent jamais rien dans les combats."  On ne compte plus le nombre d'artistes qui ont un jour repris cette chanson mythique : Dalida, Johnny Halliday, Mireille Mathieu, Nicolas Peyrac, Patricia Kaas, Tina Arena... et, bien-sûr, Charles Dumont !

La môme Piaf la chantera jusqu'à la fin de sa vie en 1963. Et Jacques Pessis de conclure : "Piaf n'a jamais rien regretté et surtout pas son retour à la scène en 1960 alors que tout le monde pensait qu'elle ne pourrait pas sortir de son lit. Grâce aux trois ans qui ont suivi sur scène, elle a prolongé sa vie, elle ne vivait que pour la scène."

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