Aux Nuits de Fourvière de Lyon, le duo Justice a fait décoller le théâtre antique avec un live explosif
Le Grand théâtre gallo-romain, situé dans les hauteurs du Vieux Lyon, où se tiennent les concerts du festival des Nuits de Fourvière, a fait le plein il y a des semaines déjà pour le concert de Justice. L’attente est forte alors que le duo parisien a sorti en avril son quatrième album, le très abouti Hyperdrama, après huit ans d’absence discographique, et n’a joué pour l’heure qu’un seul concert de cette tournée en France (au festival We Love Green). Lundi 17 juin, quatre mille deux cents personnes enthousiastes sont massées devant la scène et assises au coude à coude dans l’arène, où les vieilles pierres ont chauffé tout le jour sous un soleil de plomb.
Après un DJ set virevoltant et dansant de leur compagnon de label (Ed Banger) DJ Feadz, la nuit est tombée et la Lune s’est levée lorsque Xavier de Rosnay et Gaspard Augé prennent les commandes vers 22h30. Eclairés à contre-jour, ils saluent et démarrent lentement, sur une boucle d’arpèges légèrement orageuse, avant d’envoyer le beat de l’apocalypse annonceur de l’épique Genesis, qui ouvrait leur premier album Cross en 2007. Les restes de colonnes antiques qui agrémentent le fond de scène s’apprêtent à connaître le plus formidable décollage sonore de leurs deux mille ans d’existence. Concentrés et appliqués sur leurs machines, les deux musiciens propulsent ces vénérables ruines directement dans le futur.
Le grand mix d'un répertoire réinventé
Durant une heure quinze, le duo va entremêler, dans une furia explosive et sous une pluie de lights dantesque, nouveaux morceaux réinventés et réarrangés spécialement pour le live et classiques de leur répertoire, créant de fulgurantes chimères sonores. Un grand remix fiévreux, démontrant un art consommé de l’efficacité live, avec une science des montées qui n’en finissent jamais et un télescopage jouissif de boucles sonores où entrent et sortent régulièrement les déjà hits Neverender et One Night/All Night avec la voix divine de Kevin Parker de Tame Impala.
"Pour nous, le live est totalement différent des disques. Un live ça doit être lisible et intelligible à la première écoute", nous ont expliqué Xavier de Rosnay et Gaspard Augé quelques heures avant de monter sur scène. "Il faut que le public s’amuse immédiatement."
De We Are Your Friends à Stress, et de D.A.N.C.E. à Safe and Sound ou Audio, Video, Disco, Justice concocte une sorte de best of plus dansant que brutal – "Le son tabasse mais c’est bon !", nous glisse un voisin - tout en ménageant constamment les surprises. Le tandem, qui présente "un live très écrit", ne lâche rien et tient le public entre ses mains. Si beaucoup avaient prévu de préserver leur ouïe avec des bouchons d’oreille, il est à noter que malgré la proximité record qu’offrait ce concert, le son était réglé minutieusement, de sorte que la puissance ne nuisait pas à la qualité sonore, tout à fait confortable.
Un light-show maximaliste sur-mesure
Visuellement, le nouveau live show de Justice ne ressemble à aucun autre. Pas d’écran sur les côtés, aucune image figurative, mais un light show exceptionnel et maximaliste conçu sur-mesure pour le duo, qui en met plein les yeux. Constitué d’une quinzaine de rampes de lumière articulées, une machinerie impressionnante co-conçue et dirigée manuellement par leur éclairagiste Vincent "Lewis" Lerisson, il change et évolue tout au long du concert, épousant la musique et habillant la scène de mille feux.
"Tel qu’on a pensé ce show, rien n’est gratuit. Tout doit illustrer un truc qui se passe dans la musique", détaille le duo, deux anciens graphistes qui n’ont jamais laissé au hasard la partie esthétique et visuelle de leur musique. "C'est pour ça qu’on n’a pas un clown de 6 mètres de haut qui danse", ironise Gaspard. "L’idée c’est de faire avec la lumière un maximum de choses avec le moins d’éléments possible. On coupe toutes les images figuratives pour juste recentrer l’attention sur la scène, pas sur nous mais sur la scène."
Les rampes lumineuses descendent comme une intervention divine, remontent comme poussent les tiges des plantes, génèrent des figures graphiques, allant jusqu’à encadrer le duo dans un simulacre de plafond bas éclairé aux néons qui les fait soudain ressembler à deux savants fous dans leur laboratoire, élégants qu’ils sont, vêtus de vestes de costumes et chaussés de lunettes au look seventies. Il faut dire que ce set n’est pas dénué d’humour. On en veut pour preuve cette course poursuite accélérée à la fin d’Afterimage, pourtant basé sur une boucle vocale angélique de la chanteuse Rimon, transformée ici en cavalcade hystérique, qui nous a tiré un sourire.
Justice en live, qui se clôt immanquablement sur de longues accolades avec le public des premiers rangs, c’est une réinvention espiègle à la fois frénétique et euphorique de leurs compositions, qui semble n’avoir pour seul objectif que d’hypnotiser le spectateur jusqu’à ce qu’il rende grâce. Une rencontre du 3e type dont on sort rincés et la langue pendante.
Justice continue sa tournée des festivals cet été : le 30 juin à Glastonbury (G-B), le 4 juillet à Beauregard à Hérouville Saint-Clair, le 6 au juillet au Main Square à Arras, le 11 juillet aux Déferlantes au Barcarès, le 13 juillet à Musilac à Aix-les-Bains, le 14 juillet à Terres du Son à Monts, le 21 juillet au Dour Festival, le 17 août au Cabaret Vert à Charleville-Mézières... avant notamment deux Accord Arena Paris-Bercy les 17 et 18 décembre 2024.
Le festival des Nuits de Fourvière se poursuit jusqu'au 25 juillet à Lyon
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