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Thom Yorke de Radiohead vient de sortir "Anima", un nouvel album solo onirique

Le chanteur de Radiohead a publié dans la nuit de mercredi à jeudi son troisième album solo. Il est accompagné d'un court-métrage du cinéaste Paul Thomas Anderson. 

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Thom Yorke en concert au Cosmopolitan de Las Vegas (Etats-Unis), le 22 décembre 2018. (MEDIAPUNCH/REX/SHUTTERSTOCK/SIPA / SHUTTERSTOCK)

Décidément, Thom Yorke est très prolifique ces temps-ci. Alors qu'il présentait il y a quelques semaines ses premières compositions classiques en compagnie des soeurs Labèque et composait l'an dernier la bande originale hantée du Suspiria de Luca Guadagnino, voilà que le chanteur de Radiohead publie son troisième album solo, le premier depuis Tomorrow's Modern Boxes en 2014.

Sorti cette nuit, Anima est bien entendu un disque de chercheur. Thom Yorke y poursuit sa quête sonore en solo entamée avec The Eraser en 2006 et poursuivie avec le projet collectif Atoms For Peace (2013). Mais il semble pousser plus avant cette fois l'interaction homme-machines et viser l'émotion surgie du dérèglement des sens chez l'auditeur.

Toutes les voix de Thom Yorke s'expriment ici

Réalisées en étroite collaboration avec son fidèle complice Nigel Godrich, producteur de Radiohead, ces 48 minutes de musique marient en effet sa voix à la sorcellerie des machines : textures et nappes électroniques, cordes synthétiques, samples triturés, boucles et beats techno (même si l'on entend aussi une basse sur Impossible Knots).

Sa voix est au coeur du disque mais son expression est plurielle, multiple : toutes les voix du chanteur de Radiohead sont convoquées, de la plus féminine à la plus grave, de la plus plaintive à la plus ferme et de la plus incarnée à la plus fantômatique. Quant à la technologie, elle en prend pour son grade sur The Axe, chanson dans laquelle Thom Yorke menace avec détachement de démolir sa machine mutique à coups de hache - "God damned machinery, Why don't you speak to me ?".

Thom Yorke joue Not The News sur scène à Oakland (Etats-Unis) en décembre 2018 (vidéo amateur)

Un univers onirique et mystérieux à la lisière du cauchemar

Anima (l'archétype féminin dans l'imaginaire masculin, selon Carl G.Jung), n'est pas un album franchement gai, pas totalement plombé non plus, assez hypnotique par moments, y compris lorsque Thom semble vouloir nous emmener de l'autre côté tel un chamane sur Dawn ChorusDans cet univers sonore onirique toujours à deux doigts de basculer dans le cauchemar, on avance à tâtons, comme le chanteur qui dit devoir "trouver son chemin dans le noir" dans I Am A Very Rude Person.

Cela ne ressemble à rien de connu, à rien d'autre qu'à du Thom Yorke ou du Radiohead (version A Moon Shaped Pool), même si l'on peut penser à Björk dans la démarche ou à l'univers insaisissable de David Lynch. 

Dans ses paroles allusives et répétitives qui pourraient avoir surgi de séances d'écriture automatique, Thom est d'humeur à la fois claustrophobe et belliqueuse. "Je ne peux pas respirer, Il n'y a pas d'eau" répète-t-il sur le titre d'ouverture, Traffic. On croise au fil de l'album des "humains à taille de rats", "une fête en compagnie de riches zombies", "une voiture vide dans les bois dont on a laissé le moteur tourner" et quelques affirmations définitives du type "Je dois détruire pour créer" (cite-t-il Bakounine ou Picasso?) ou "C'est le moment où tu sais qui sont tes vrais amis".

Un court-métrage de Paul Thomas Anderson

Mais on a surtout retenu la fin de I Am A Very Rude Person, le titre le plus concis du disque : "I am breaking up your turntables/Now I'm gonna watch your party die". ("Je démolis vos platines/Maintenant je vais regarder votre fête mourir"). Gros sur la patate ou grosse plaisanterie ? Demandez à Carl Gustav Jung.

Ou bien regardez dès à présent sur Netflix le court-métrage très chorégraphié d'une quinzaine de minutes de Paul Thomas Anderson, une sorte de clip géant qui accompagne deux titres de l'album. Dans un décor urbain nu et crépusculaire, Thom Yorke évolue à contre-courant des foules en bleu de travail, puis s'offre un pas de deux avec sa compagne, l'actrice italienne Dajana Roncione. Dans ce film tout aussi onirique que l'album, la présence de Thom Yorke a la saveur burlesque, fragile et bouleversante d'un Buster Keaton. 

Anima de Thom Yorke (XL) est sorti le 27 juin 2019 en version digitale. La version double vinyle sera disponible le 19 juillet avec un titre en bonus.
Thom Yorke est en concert en solo les 7 et 8 juillet à la Philharmonie de Paris dans le cadre du festival Days Off (et le 4 juillet en Suisse au Montreux Jazz Festival)




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