Victoires de la musique : "Elles devraient récompenser l'audace mais ne font que confirmer des succès déjà évidents", selon le journaliste rap Olivier Cachin
Pour la 38e cérémonie des Victoires de la musique qui se déroule vendredi soir, il n'y a pas de catégorie rap. C'est "je t'aime moi non plus" depuis 25 ans entre le rap et les Victoires, déplore le journaliste rap Olivier Cachin.
Alors que les Victoires de la musique, qui ont lieu vendredi 10 sur France 2 et France Inter, ne distingueront toujours pas de catégorie rap cette année, le journaliste rap Olivier Cachin estime sur franceinfo que ses organisateurs "n'ont pas envie de voir des gens avec des grillz sur les dents, des paroles et des musiques un peu plus musclées que le revival disco de Clara Luciani et ses copines". Il déplore que "la musique la plus streamée" ne fasse "pas le poids contre les poids lourds de la variété" aux Victoires. "Quand on voit les nominations cette année, ils pourraient presque rediffuser le programme de l'année dernière parce que ce sont les mêmes. C'est une cérémonie qui devrait récompenser l'audace mais qui ne fait que confirmer des succès déjà évidents."
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franceinfo : Ce n'est pas le grand amour entre le rap et les Victoires de la musique ?
Olivier Cachin : C'est "je t'aime moi non plus" depuis 25 ans, c'est très clair. En 1999, pour la première année où ils ont mis une catégorie vaguement rap (rap/groove, ndlr.), il y avait Ärsenik, NTM, Stomy Bugsy, MC Solaar et... Manau. Ils n'avaient rien à voir avec la choucroute mais c'étaient les plus connus et ce sont donc eux qui ont gagné. Cette année, comme les années précédentes, quand on voit les nominations, ils pourraient presque rediffuser le programme de l'année dernière parce que ce sont les mêmes.
Comment expliquez-vous qu'il n'y ait pas de catégorie rap cette année encore ?
La stratégie des Victoires a été de réduire les catégories pour que ce soit moins long. Sauf que si on enlève les catégories hip-hop, la world music et tout ce qui est autre chose que le tout venant, ça sera évidemment toujours Julien Doré, Clara Luciani et les grandes stars de la variété qui seront sur le podium. Il n'y a pas de place pour des gens qui sont un peu moins médiatisés sur les grands médias, qui ne passent pas à la télé. Le rap a beau être la musique la plus streamée, la plus populaire, celle qui remplit les salles, il faut croire qu'aux Victoires de la musique, il ne fait pas le poids contre des grands poids lourds de la variété ou de la chanson française moderne.
Il y aurait pourtant largement de quoi faire ?
Bien sûr ! Alors, la catégorie rap a existé sous diverses dénominations, des plus ridicules aux plus acceptables, mais aujourd'hui ce n'est que dans les révélations qu'on peut espérer trouver un petit peu d'air frais. Il y a notamment Lujipeka mais c'est quelqu'un qui a dix ans de carrière et qui a cartonné avec Columbine. Qu'il se retrouve enfin nommé parmi les révélations, ça fait rire tous ceux qui ont acheté son premier album il y a dix ans.
D'après vous, quels sont les critères pour nommer des artistes aux Victoires ?
Ça dépend surtout du collège des votants. Il y a des techniciens, des gens de la télé, des journalistes, dont je fais partie, qui votent. Mais ensuite, c'est très trouble parce qu'on ne sait pas exactement quelles sont les proportions des votes. Ce qu'on sait, c'est que c'est un vote assez conservateur. C'est une cérémonie qui devrait récompenser avant tout l'audace et la nouveauté et qui, en fait, ne fait que confirmer des succès qui sont déjà évidents.
On a l'impression que ce sont les maisons de disques qui répartissent leurs artistes ?
Oui, il y a toujours des petits arrangements mais, encore une fois, je pense que la grosse erreur a été cette réduction des catégories. Par exemple, comment Gazo pourrait-il être en compétition avec Julien Doré ? C'est tellement deux univers et deux types de publics différents. Il est clair que les Victoires n'ont pas envie de voir des gens avec des grillz sur les dents, ces dentiers en or, avec des paroles un peu offensives et des musiques un peu plus musclées que le revival disco 78 de Clara Luciani et ses copines Juliette Armanet et autres. On est sur un truc moderne, qui plaît à des gens qui sont très jeunes. Je ne sais pas quelle est la moyenne d'âge de ceux qui vont regarder les Victoires mais, à mon avis, on est quand même largement sur des quadragénaires et plus.
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