Rock en Seine : Arctic Monkeys, Idles, Yungblud et Fontaines D.C., ambassadeurs d'un jour du rock anglais (et irlandais) en France
Sheffield, Bristol, Doncaster, et même Dublin : pour ouvrir son édition 2022, le festival Rock en Seine renoue avec ses fondamentaux. Riffs dégoulinants, voix éraillées, pogos par dizaines... En deux mots : du rock anglais.
Manquait plus qu’un fish & chips et on y était. Jeudi 26 août, les festivaliers de Rock en Seine ont voyagé musicalement outre-manche, pilotés par les rockeurs d'Angleterre (et d'Irlande). Après une première étape au Royaume-Uni guidée par le clownesque Yungblud et les électrisantes guitares d’Idles, les spectateurs ont fait escale à Dublin aux côtés des hypnotisants Fontaines D.C. Avant de rentrer, passage obligé par la grande-messe des Arctic Monkeys. On y était.
Yungblud, chouchou des Français
"Are you ready to get f*ckin crazy ?!" ("Est-ce que vous êtes prêts à devenir complètement dingues ?!"). Hurlement éraillé, uniforme d’écolier, mur d’amplis Marshall… Des airs de la dernière tournée d’AC/DC. Mais le maquillage, la teinture rouge de l’hyperactif de 25 ans et le public d’adolescents (et de quelques parents) déchaînés ne trompent pas. Pour cette première fin d’après-midi de festival, la tempête annoncée arrive tout droit du nord industriel de l’Angleterre. Et elle porte un nom : Yungblud, alias Dominic Harrison.
Pendant 60 minutes, l’énergie du punk rockeur de la génération Y infiltre puis déchaîne la foule. Disparus les accents pop de ses morceaux studio, les riffs hard rock de son batteur et de son guitariste servent de métronome au chef d’orchestre Yungblud. Dom’ (son surnom pour ses fans) saute, ses fans sautent. Dom’ demande un pogo, le public convulse. Dom’ braille le refrain de son tube anti-discrimination Parents, tout le monde reprend en chœur.
Dans la fosse, les chœurs incessants sur The Funeral, Memories... Et les quelques cœurs noirs du Black Hearts Club (son fan club) dessinés sur les joues ne trompent pas : les Français aiment Yungblud. Et le Britannique le leur rend bien. Entre ses quelques "Vive le France" et ses "Je t'aime", ou le cadeau de son nouveau morceau Tissues, il convoque la rockstar du YouTube français : Waxx, pour jammer sur Fleabag. "La France est fière d’être le meilleur public de Yungblud", tonitrue ce dernier. Ovation générale. Les adieux paraissent expéditifs, mais ils ne sont qu’un au revoir. Yunbglud sourit de son sourire si communicatif : "On joue au Zénith en mars". Et son prochain album sort ce 2 septembre.
Idles, les mauvais gamins de Bristol
Depuis 2018, le parc de Saint-Cloud n’avait pas vibré au rythme de leurs guitares. Ce jeudi 25 août, soit quatre ans plus tard, le groupe britannique Idles était de retour sur scène pour électriser la pelouse de la grande scène du festival. Après avoir accordé leurs instruments devant un public suspendu à leurs notes, le groupe de punk a ouvert le concert au lance-flammes. Les trois premiers titres ne sont pas encore passés que le guitariste Lee Kiernan bondit de la scène pour rejoindre la foule, guitare à la main. Un rituel annonciateur d’un show endiablé.
Sur scène, Joe Talbot entre dans une transe et enchaîne de sa voix rauque les morceaux du polyptyque Brutalism (2017), Joy as an Act of Resistance (2018), Ultra Mono (2020) et Crawler (2021). À ses côtés, Mark Bowen, guitariste à robe fleurie à qui il est difficile de ne pas sourire. "Ce mec me fait triper ! L’association barbe d’ermite et robe de vieille est juste excellente", lance un spectateur entre deux gorgées de bière. L'énergie est sombre, animale. Côté public, la température avoisine les 90°.
Dès les premières notes de Mother, impossible pour certains fans de résister à l’appel des pogos et du slam (pratique dans les concerts de rock, punk ou metal où une personne allongée se laisse porter par la foule). "Merci Bo-fucking-cou", lâche au micro Joe Talbot entre deux morceaux. Une façon de remercier (à sa manière) un public français visiblement ravi d'avoir sué avec les mauvais gamins de Bristol.
Les hypnotisants Fontaines D.C.
Petit détour par la Cascade, où les jeunes Fontaines D.C. sont sur le point de commencer leur concert. Le temps presse, car la fin de la représentation des Dublinois grignote sur le début des très attendus Arctic Monkeys, programmés à l’autre bout du parc. Dans le public chacun à sa technique pour ne pas passer à côté des deux représentations. "Bon, quelques minutes avant la fin, on sprinte pour les Arctic", ordonne une adolescente à son amie.
Le nom du groupe placardé en fond s’illumine. Des drapeaux irlandais flottent dans la foule. Quatre mois après la sortie de leur troisième album, Skinty Fia, l’énigmatique Grian Chatten et ses acolytes arrivent sur scène. Débardeur blanc, jogging noir aux trois bandes blanches pour le leader. Pas un mot. Comme emprisonné dans une bulle, le jeune groupe post-punk attaque dans cette urgence qui lui est si caractéristique.Yeux clos, pied de micro soudé à la main, le chanteur active ses cordes vocales, comme habité par le fantôme d'Ian Curtis par moment (chanteur de Joy Division), et ne les laissera pas se reposer de toute l’heure.
Guitares criardes, batterie rouleau compresseur, la foule vibre à une intensité croissante. Jackie Down The Line, Boys In The Better Land, I Love You… Le déluge saturé prend aux tripes. Les morceaux libérés se font de plus en plus tubesques, et Grian Chatten de plus en plus agité. Sa prestance, son énergie brute valait le coup de prendre un peu de retard sur les Arctic Monkeys.
Le jukebox Arctic Monkeys
Un nouvel album (The Car) annoncé la veille pour le 21 octobre. Un dernier passage dans l’Hexagone en 2018. Et une reprise post-pandémie de Rock en Seine à guichets fermés. Pour clôturer la première journée du festival, tous les voyants étaient au vert fluo du côté des Arctic Monkeys. Plus qu’une heure avant le retour des princes du rock anglais. La valse incessante des T-shirt "AM" ralentit son tempo pour envahir les pelouses de la grande scène. William, 26 ans, a déjà précommandé l’intégralité des goodies de The Car. Dans la nuit noire, des étoiles dansent dans ses yeux. Plus que quelques minutes avant son cinquième concert d’Alex Turner (chanteur du groupe). Sa confiance est sans faille : "Ils savent toujours se réinventer".
Sept silhouettes glissent sur scène, allure de sénateurs. Un coup, deux coups, trois coups… La grosse caisse Matt Helders lance la question la plus écoutée du groupe : Do I Wanna Know ? Quatre ans depuis le virage plus pop et plus escarpé de leur dernier album (Tranquility Base Hotel & Casino), le ton est donné : les Arctic Monkeys semblent avoir ré-enfilé leur habits de rockeurs. Jean bleu, chemise blanche, le crooner Turner crève les deux écrans géants suspendus aux scènes. L’orage Brianstorm, la douce brise Cornerstone, le zénith Knee Socks, l’éclipse 505… S’il existait une compilation "meilleurs tubes", ce serait celle-ci que les Anglais ont lancé ce soir. En lui adjoignant un nouveau morceau surprise, baignant entre funk et soul.
Aux côtés de William, les oreilles de Yoann ressortent satisfaites de l’épopée temporelle dans la discographie du groupe. "J’étais vraiment content de tous ces sons classiques, raconte le fan. Qu’ils reviennent un peu sur terre après l’odyssée du dernier album." Pourtant, "l’impression qu’ils n’étaient pas à fond" le titille. Tout au long de l’heure et demie, les Arctic Monkeys déroulent en effet parfois mécaniquement, souvent statiquement, et toujours sagement. La faute à un public déjà conquis en plein karaoké ? Ou l’attitude de trentenaires à la musique lissée de certains de ses aspérités rock du début ? Il faudra attendre le 21 octobre pour obtenir un début de réponse. Mais en attendant, l’envie de répéter à Alex Turner ses propres mots est trop forte. "Affreusement merci man".
Rock en Seine à Paris du 25 au 28 août 2022 (consultez le programme complet), avec une sélection de (re)diffusions de concerts sur la plateforme france.tv avec Culturebox à cette adresse.
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