Bob Dylan, Patti Smith, The Strokes, Jimi Hendrix : huit livres sur la musique à glisser sous le sapin
En panne d'inspiration pour vos cadeaux de fin d'année ? Entre une immersion dans le renouveau rock new-yorkais du début du millénaire avec The Strokes, LCD Soundsystem et les Yeah Yeah Yeahs, ou une plongée dans le rock'n'roll made in France depuis les années 50, ses figures, ses seconds couteaux, ses lieux et militants de l'ombre, vous avez le choix. Qu'il s'agisse d'une visite au Bob Dylan Center de Tulsa (Arizona), d'un tri méthodique et réjouissant dans le foutoir de la discographie pléthorique de Jimi Hendrix, ou d'une plongée dans la vie chahutée du parrain du funk George Clinton, d'un livre de jours poétique de Patti Smith ou du recueil d'interviews remarquables de Björk, Bowie ou Daft Punk par JD Beauvallet, il y en a forcément un pour vous. Il y en a même un pour les amateurs de peinture...
"Rock La France", 60 ans de guitares et d'électricité (Editions Marabout, 39 €)
Même quand on croit connaître le rock français, il reste toujours quelque chose à apprendre sur cette épopée qui court des années 50 à aujourd’hui. Cette anthologie, qui se présente comme "un tour d’horizon passé et présent", raconte décennie par décennie comment le rock français a émergé, d’abord sous forme de parodies, puis s’est imposé et a muté, et à quel point il reste aujourd’hui bien vivace en dépit des apparences. Nous voulions faire "un livre différent, qui parle aussi bien des célébrités du rock français que des groupes moins connus qui ont fait sa richesse, mais aussi des lieux et des villes où cette scène a été la plus active, et puis des gens qui dans les coulisses ont œuvré pour qu'il existe une scène rock française", nous expliquait à sa sortie l’un des trois coordinateurs de cet ouvrage collectif. On y croise donc aussi bien Johnny Hallyday que Starshooter, Magma qu’Édith Nylon, Taxi Girl, Bérurier Noir, Shaka Ponk ou Feu ! Chatterton. Richement illustré et ponctué de nombreuses interviews réalisées pour l’occasion, ce livre grand format met en lumière le maillage de labels, de salles et de disquaires répartis sur tout le territoire, et les activistes de l’ombre qui l’ont accompagné, y compris des tourneurs, ingénieurs du son, producteurs et graphistes. À offrir aux nostalgiques comme aux curieux de 15 à 77 ans.
"Bob Dylan : Mixing Up The Medicine" (Editions Seghers, 79 €)
À Tulsa, en Oklahoma, existe un lieu où sont rassemblées depuis quelques années les archives de Bob Dylan. Ce précieux trésor baptisé le Bob Dylan Center est constitué de quelque 6000 documents originaux ayant appartenu à Mr Tambourine Man – carnets de notes, pochettes griffonnées, ébauches manuscrites de paroles de chansons, lettres, photos et des centaines d’heures d’enregistrements audio et vidéo. Pour la première fois, le contenu de ces précieuses archives, riches d’enseignements, est dévoilé dans un livre épais de 600 pages pour lequel spécialistes, collectionneurs et admirateurs de Robert Zimmerman ont été invités à analyser et commenter une partie de ce matériau exceptionnel. De façon chronologique, ce livre qui rassemble une trentaine de contributions, dont celles de Greil Marcus et Elvis Costello, raconte le processus créatif en constante évolution du Prix Nobel de Littérature 2016, depuis ses premiers enregistrements jusqu’à ses concerts les plus récents. Chaque contributeur a choisi quelque chose dans les archives et a rédigé un essai, offrant autant d’éclairages singuliers sur l’odyssée créative du poète américain âgé de 82 ans, connu pour sa réticence à analyser son œuvre – lui qui a toujours trouvé "absurde et paralysant l’idée qu’il puisse être un prophète de la contre-culture", comme le remarque l’essayiste Amanda Petrusich. Un livre-somme dont les très nombreuses photos et documents valent l’acquisition à eux seuls.
"Interviews" de JD Beauvallet (Editions Braquage, 28 €)
David Bowie, Björk, Daft Punk, Bono, Lana Del Rey, Thom Yorke, Aphex Twin, Elliott Smith, PJ Harvey, Angus Young d'AC/DC, Morrissey : JD Beauvallet, grande plume de la rock critic et ancien pilier des Inrocks, les a tous interviewés. Et tous se sont confiés longuement à son micro, dans des mises à nu passionnantes, de véritables plongées à bord de leur psyché, jamais lues ailleurs. Il faut dire que JD Beauvallet prépare méticuleusement ses entretiens : "Les interviews, je les aborde comme un jeu de piste. Je réfléchis à chaque question en ce qu’elle me permettra de rebondir et de gagner du terrain, d’ouvrir les portes une à une avant d’arriver à la porte sacrée du saint des saints", nous confiait-il lors de la parution de ce livre en juin. On y redécouvre par exemple le rapport très sain qu’entretient Björk avec la célébrité, elle qui a grandi dans une communauté hippie et est une star dans son pays depuis l’âge de 11 ans. On y lit aussi les extraordinaires confidences de David Bowie, se qualifiant lui-même tour à tour de superficiel, snob, égotique, avec une finesse d’analyse ébouriffante. Il faut donc absolument lire la vingtaine d’entretiens exceptionnels, pour la plupart réalisés dans les années 90, réunis dans cet ouvrage captivant.
"Meet Me In The Bathroom" de Lizzy Goodman (Editions Fromentin, 29 €)
De The Strokes à LCD Soundsystem, New York a été au début des années 2000 l’épicentre d’un renouveau du rock fertile qui a essaimé et inspiré des dizaines de formations à travers le monde, à commencer par The Libertines à Londres. Pour ce formidable livre choral sous-titré "New York 2001-2011 : une épopée rock", la journaliste Lizzy Goodman, qui fréquentait ce milieu, a longuement interviewé plus de 160 protagonistes de l’histoire, musiciens, producteurs, manageurs, tourneurs, roadies et journalistes, et ce sur plusieurs années. Le résultat est un document exceptionnel et passionnant, qui nous plonge tête la première dans le quotidien, la créativité et l'effervescence qui s’empara alors de la Grosse Pomme. The Strokes, donc, mais aussi Jonathan Fire Eater qui ouvrirent la voie, Interpol, The Yeah Yeah Yeahs, LCD Soundsystem, The Rapture, TV On The Radio, The Killers, Vampire Week-end et Kings of Leon se souviennent et témoignent, sans langue de bois. Ils racontent non seulement l’effervescence (plus qu'un véritable mouvement) de la jeunesse à un moment T, mais aussi en filigrane celui d’une époque, et les métamorphoses d’une mégapole, New York, dont le cœur battant se déplaça du sud de Manhattan à Brooklyn après la secousse du 11 septembre 2001. Une lecture indispensable pour tout véritable amateur de rock.
"Jimi Hendrix" par Stan Cuesta (Editions du Layeur, 36 €)
De son vivant, Jimi Hendrix n’a publié que trois albums studio (Are You Experienced ?, Axis : Bold As Love et Electric Ladyland), une compilation (Smash Hits) et un album live (Band of Gypsys). Mais il a laissé un legs sonore considérable de morceaux inédits plus ou moins aboutis, de chutes de studio, de versions alternatives, de jam sessions avec des musiciens de passage et autres enregistrements live. Sans compter les nombreuses formations dont le guitar hero a gratifié son style unique en tant que musicien de session avant de percer, comme les Isley Brothers et Curtis Knight & The Squires. Résultat : des dizaines et des dizaines de disques posthumes ont paru depuis sa disparition, plus ou moins trafiqués, contrefaits ou malhonnêtes, mais aussi de bonnes cuvées, un filon semble-t-il inépuisable. Stan Cuesta, grand admirateur du guitariste gaucher, a entrepris de tout écouter ou réécouter, y compris les groupes que Jimi a produits, et ceux des musiciens avec lesquels il a joué, et de faire le tri dans ce capharnaüm. Autant dire, un travail de titan. Pourtant, rien de docte dans son ton : le rock critic met le lecteur à l’aise en racontant dès l’introduction avec humour comment il fut happé tout jeune par la magie hendrixienne, par le biais, comme beaucoup, de disques posthumes discutables. Pour ce livre il a donc tout épluché, même les disques sur lesquels Hendrix fait juste une apparition, comme l’improbable single paru en avril 1970 du "grand manitou de la défonce" Timothy Leary en vue de réunir des fonds pour soutenir sa candidature au poste de Gouverneur de Californie. Une curiosité sur laquelle Jimi tient la basse, entouré de Stephen Stills à la guitare et Buddy Miles à la batterie. Dans cet ouvrage remarquable, et unique en son genre, qui mériterait d’être traduit en anglais, Stan Cuesta recontextualise chaque disque (plus de 130) et nous livre pour chacun son avis tout personnel mais néanmoins bourré d’informations. Une lecture aussi indispensable que réjouissante.
"Un Livre de Jours" de Patti Smith (Editions Gallimard 26,50 €)
Pour les admirateurs de Patti Smith, c’est le présent tout trouvé. Constitué de 366 photos (une par jour + une pour les natifs du 29 février) brièvement légendées, cet ouvrage au format missel, parfait en livre de chevet, mélange de vieux polaroïds, des clichés issus des archives de la chanteuse, musicienne et écrivaine, et ceux de son téléphone portable, dont elle nourrit son compte Instagram. L'autrice de People Have The Power y rend hommage aux grandes figures qui ont compté pour elle, de William Burroughs à Nico, de Jackson Pollock à Frida Kahlo. Preuve des " liens esthétiques et affectifs" qui la rattachent à la culture française, on croise également dans ce livre nombre de Français tels Jean Genet, Jean Cocteau, Simone Weil, Guillaume Apollinaire et Antonin Artaud, sans oublier le poète Arthur Rimbaud, qui l’obsède depuis ses 16 ans. Dans son panthéon personnel figurent aussi des petits riens et des objets du quotidien, comme ses lunettes auxquelles elle rend grâce comme aux grands hommes, en quelques mots choisis de son écriture lumineuse. Un livre à feuilleter en cas de panne d’inspiration, que l’on peut accompagner de la superbe réédition parue en septembre d’Une Saison en Enfer de Rimbaud, augmentée de textes personnels de Patti Smith, de photos et de dessins.
"P-Funk, l’odyssée de George Clinton" de Real Muzul (Editions Le Mot et Le Reste, 23 €)
On lui doit des classiques de funk intemporels tels que One Nation Under A Groove, Flash Light ou Atomic Dog, et l’une des pochettes de disques les plus frappantes des années 70, celle de Mothership Connection, où on le voit sortir d’une soucoupe volante. Il a été pillé par le hip-hop, à commencer par Dr Dre et Snoop Dogg, mais il n’y a vu qu’un bon moyen de faire découvrir sa musique à la jeunesse. Il ne sait pas lire une partition mais il a produit des dizaines d’albums et aimanté autour de lui des musiciens majeurs, tels Bootsy Collins, Maceo Parker et Eddie Hazel, et son influence sur la musique actuelle est considérable : George Clinton est le parrain incontesté du funk. Son groove psychédélique, futuriste et siphonné a sévi sous de multiples incarnations, en particulier les groupes parallèles Funkadelic et Parliament, toute une galaxie libre et délurée connue sous le nom de P-Funk. L’auteur, journaliste et animateur sur Clique TV, nous entraîne dans les hauts, les bas et les péripéties inouïes du parcours chahuté de ce personnage haut en couleur, 82 ans et en pleine forme, malgré sa consommation (passée) effrénée de drogues.
"Basquiat Soundtracks" (Editions Gallimard – Philharmonie de Paris et Musée des beaux-arts de Montréal, 39 €)
Tous ceux qui ont connu Jean-Michel Basquiat l’assurent : l’artiste new-yorkais peignait en musique, omniprésente dans sa vie. La magnifique exposition Basquiat Soundtracks qui s’est tenue d’avril à fin juillet cette année à la Philharmonie de Paris, explorait la place que tenait la musique dans l’imaginaire et dans l’œuvre de ce génie précoce devenu aujourd’hui l’un des peintres les plus cotés sur le marché de l’art. En voici le catalogue. Immergé dans la fertile scène arty underground de New York au début des années 1980, Basquiat avait monté un groupe inspiré de John Cage, Gray, faisait DJ à ses heures, et il produisit en 1983 un morceau de hip-hop avec Rammellzee et K-Rob. S’il a beaucoup fait référence au jazz dans ses tableaux, citant Charlie Parker, Fats Waller, Louis Armstrong ou Duke Ellington, sa collection de 3000 disques comportait autant La Callas, David Bowie, Curtis Mayfield, du blues, du reggae que Beethoven. Surtout, "ses tableaux font du bruit, du bruit visuel", nous expliquait le co-commissaire de l’exposition Vincent Bessières en avril. Ses œuvres fourmillent d’images sonores, "d’onomatopées, de bouches ouvertes, de klaxons, de chiens qui aboient, de mains qui jouent du piano". Toutes choses que l’on retrouve dans ce livre enrichi d’interviews de personnes qui l’ont côtoyé comme Fab Five Freddy, artiste et pionnier du mouvement hip-hop. Indispensable pour redécouvrir l’œuvre de Basquiat sous un jour nouveau.
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