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Magma et King Crimson : 2 géants aux Nuits de Fourvière à Lyon

Ces deux groupes de légende ont partagé l'affiche du festival lyonnais, le 2 juillet

Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Magma sur scène à Lyon le 2 juillet, et la formation actuelle de King Crimson (Jean-François Convert / Dean Stockings)

Hier soir le théâtre antique de Fourvière, à Lyon, a servi d'écrin à un voyage dans le temps. Certes pas jusqu'à l'époque du lieu, mais à une période où la musique pouvait s'affranchir de tout formatage, et où les frontières entre rock, jazz, musique classique et contemporaine étaient bien plus perméables qu'aujourd'hui. Magma et King Crimson ont ravivé les grandes heures des seventies et de son rock progressif flamboyant.

Un public venu autant pour l'un que pour l'autre

Quand on va à un concert de légendes du rock, forcément on tombe sur une moyenne d'âge plutôt avancée. Mais pas uniquement. La nouvelle génération ammatrice des mouvements musicaux Tribe, Trance... se retrouve dans la musique hors-norme de Magma et son côté hypnotique. Un groupe qui fête ses 50 ans d'existence cette année attire aussi les jeunes. De même, les amateurs de prog-metal à la Dream Theater ou Porcupine Tree savent que les sources du prog-rock prennent leurs racines avec King Crimson, un des derniers dinosaures du rock encore en activité, et lui aussi cinquantenaire.

Le public du Théâtre antique de Fourvière, à Lyon, le 2 juillet 2019 (Jean-François Convert)

Difficile de dire la proportion du public venu pour chaque groupe, mais ce qui est sûr, c'est qu'hier, il n'y avait pas de première partie, et de tête d'affiche. Seulement deux géants de la musique, qui ont livré, chacun à leur manière, un show impressionnant.

MAGMA : une musique habitée

Fidèle à son style si particulier et indéfinissable, entre jazz-rock virtuose et new age hypnotique, le groupe de Christian Vander a interprété deux albums parmi les plus célèbres de son répertoire (Köhntarkösz et Mekanïk destruktïw kommandöh) et a terminé avec le magnifique Ehn deiss, de Offering, un autre des nombreux projets musicaux de Vander. Ce dernier a fait preuve, hier encore, de son implication à 1000% dans sa musique. Littéralement habité, il fait corps avec sa batterie et garde une virtuosité impressionnante.

Christian Vander sur al scène de Fourvière le 2 juillet (Jean-François Convert)
Ce qui ne l'empêche pas de chanter sur ce dernier morceau, présenté par Stella Vander, l'autre voix historique du groupe, comme une "ballade". Cette même Stella sur qui le temps ne semble avoir aucun effet.

On vient de vous interpréter 'Köhntarkösz', sorti en 1974, autant dire hier

Stella Vander

Stella Vander sur la scène de Fourvière le 2 juillet (Jean-François Convert)

On peut juste regretter de ne pas avoir entendu le dernier morceau Zëss, sorti la semaine dernière. Sans doute que la configuration des musiciens, exceptionnellement sans Simon Goubert au piano, ni Morgen Agren à la batterie, n'a pas permis une restitution suffisamment fidèle de cette oeuvre, enregistrée en studio pour la première fois cette année.

La setlist de MAGMA du 2 juillet :
1. Köhntarkösz
2. Mekanïk destruktïw kommandöh
3. Ehn deiss (Offering)

C'est à la tombée de la nuit, que Magma a laissé la place à l'un des fondateurs du rock progressif britannique.

KING CRIMSON : florilège de "tubes"

La mise en place prend un peu de temps. Normal : pas moins de trois batteries prennent place sur le devant de la scène ! Après être passé à deux batteries en 2008-2009 (pour les 40 ans du groupe), ce qui s'était déjà fait par exemple avec Genesis ou les Allman Brothers, King Crimson est passé un cran au-dessus en 2014, avec ce trio de percussions qui offre d'emblée un son massif et grondant.

King Crimson sur la scène du Paladium, à Londres, le 19 aout 2018 (MAXPPP)

Là encore, la virtuosité des musiciens nous laisse bouche bée : que ce soit Tony Levin en double tapping au stick, à la basse plus classique ou la contrebasse électrique (solo impressionnant sur Moonchild), les trois batteurs qui rivalisent de dextérité, parfois un peu démonstrative, notamment dans la polyrythmie, et bien sûr le chef d'orchestre Robert Fripp, fondateur de King Crimson, et le seul membre originel encore présent aujourd'hui.

Tiré à quatre épingles en costumes trois pièces, assis avec son casque devant son armoire à effets, tel un professeur en laboratoire, cet alchimiste du son sort de sa guitare des sonorités venues d’ailleurs, qu’on croirait produit par un synthétiseur.

Jakko Jakszyk et Robert Fripp sur la scène du Paladium, à Londres, le 19 aout 2018 (MAXPPP)
Au saxophone et flûtes, on retrouve Mel Collins, une pointure ayant joué avec les plus grands : Alan Parsons, Eric Clapton ou Dire Straits. Au sein de King Crimson dans les années 70, il est revenu en 2013. Discret, il a quand même provoqué l'amusement du public en glissant les première notes de La Marseillaise, au cours d'une impro. Son solo de sax sur 21st Century Schizoid Man dynamise la partie centrale instrumentale, pur joyau de jazz-rock effréné.

Le chanteur Jakko Jakszyk réinterprète fidèlement les mélodies mythiques du défunt Greg Lake (qui avait quitté le groupe dès 1970 pour créer le trio ELP), et joue sur une guitare à l'effigie de la pochette du premier album, sans doute l'une des plus célèbres de l'histoire du rock.

la pochette de l'album "In the court of the crimson king" sorti en 1969 (Barry Godber)

C'est d'ailleurs cet album qui prédomine dans la setlist. Le groupe n'ayant pas sorti de nouvel album depuis 2003 avecThe Power to believe, ce "Celebration tour" est avant tout l'occasion d'aligner les grands succès d'une carrière foisonnante : les quatre chansons sur les cinq du premier album, qui fête son demi-siècle cette année, et le superbe Starless, issu du mythique Red en 1974, soulèvent la clameur du public, qui reprend en chœur les  paroles, ou les thèmes musicaux, comme celui de The Court of the Crimson King. Un public qui, bien que plus tout jeune, secoue la tête comme des ados, et semble retrouver sa jeunesse le temps d'un concert.

La setlist de KING CRIMSON du 2 juillet :
  1. Larks' Tongues in Aspic, Part One
  2. Neurotica
  3. Epitaph
  4. Easy Money
  5. Indiscipline
  6. Moonchild
  7. The Court of the Crimson King
  8. Radical Action II
  9. Level Five
10. Starless
11. 21st Century Schizoid Man (Rappel)

On ressort ainsi de ce spectacle, assez époustouflé, à la fois par la maîtrise technique, le son énorme, ample et puissant, et aussi le revival d'une musique intemporelle, qui nous a porté vers d'autres sphères, surtout en première partie de soirée. Avec Magma et King Crimson, on a vraiment vécu un moment hors du temps.

King Crimson n'avait autorisé aucune image, ni photo ni vidéo. En revanche,  le bassiste Tony Levin tient un journal de la tournée sur le site officiel du groupe, et y poste de nombreuses photos.

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