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Que vaut "Pistol", la série sur les Sex Pistols de Danny Boyle, à voir sur Disney+ ?

Il y a du bon et du moins bon dans la mini-série "Pistol" en six épisodes sur le plus célèbre des groupes punks signée du réalisateur anglais Danny Boyle, à voir depuis mercredi 6 juillet sur Disney+. Nous l’avons regardée pour vous.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Anson Boon incarne le chanteur des Sex Pistols Johnny Rotten (au micro) et Toby Williams campe le guitariste Steve Jones dans la mini série "Pistol" réalisée par Danny Boyle. (THE WALT DISNEY COMPANY FRANCE)

Disney et les Sex Pistols sont des mots qui ne vont pas très bien ensemble. La firme de Mickey mariée au groupe le plus enragé et controversé d’Angleterre à la fin des années 70, c’est une contradiction en soi, un oxymore. C’est pourtant sur Disney+ que débarque ce mercredi Pistol, la mini-série écrite par Craig Pearce (scénariste de Elvis de Baz Luhrmann) et réalisée par Danny Boyle (Trainspotting, Slumdog Millionaire) sur la formation punk explosive qui a marqué au fer rouge l’histoire du rock.

Les six épisodes sont basés en majeure partie sur les mémoires de Steve Jones (Lonely Boy, Ma vie de Sex Pistols, 2016), guitariste et fondateur du groupe. C’est donc sa vision qui est privilégiée, celle d’un ado prolétaire en rupture, fan de Bowie, qui ne sait pas plus tenir une guitare qu'un micro, et que l’ambitieux Malcolm Mc Laren, propriétaire avec sa compagne styliste Vivienne Westwood d’une boutique de mode à Londres, va se mettre en tête de propulser à la tête d’un groupe séditieux censé représenter "la furie de la génération oubliée" au mitan des années 70.

Une caricature de Johnny Rotten

Le chanteur et leader naturel des Sex Pistols John Lydon, alias Johnny Rotten, qui assure n’avoir été ni consulté ni prévenu avant l’annonce officielle du projet de série, n’a visiblement pas apprécié. Au point d’avoir traîné en justice ses comparses pour interdire la série et l’utilisation de la musique du groupe. En vain. "Disney a volé le passé et créé un conte de fées qui n’a que peu de ressemblance avec la vérité", a-t-il jugé au vu de la bande-annonce.

On peut comprendre que Johnny Rotten ne s’y retrouve pas. Anson Boon, qui campe le chanteur dans Pistol, n’est pas un mauvais acteur. Mais il est ici mal dirigé. C’est la première chose qui nous a gênés dans cette série. Johnny Rotten était un personnage outré et cinglant, mais il est ici une caricature sans une once d'humour, jetant en permanence autour de lui un regard dur, irascible et fermé (sauf au dernier épisode où il semble respirer un peu), que tout le monde déteste. Il aurait mérité plus de nuances que cet égocentré aux yeux exorbités dans lesquels luisent constamment la colère et la défiance (ce qu'il était effectivement sur scène) : c’est inhumain, et donc plus proche d’un personnage de dessin animé. Un point pour le vrai John Lydon.

Les vrais Sex Pistols "Anarchy in the UK"

Une narration un peu plan-plan

Les Sex Pistols n’ont commis qu’un seul album, l’incendiaire Never Mind The Bollocks (1977), mais ils ont allumé la mèche punk britannique (le punk était né aux Etats-Unis un peu plus tôt) et ont renversé la table durablement. Ils ont à peine duré trois ans, mais leur épopée furibarde censée dynamiter la société a été intense – provocations, bannissements, excès et dérapages en tous genres, changements de personnel, changements de labels, morts violentes (Sid Vicious et sa compagne Nancy Spungen).

Pour raconter cette histoire explosive, on aurait souhaité un parti pris plus audacieux que cette narration chronologique et plan-plan, presque scolaire, certes plutôt conforme aux faits, mais ronronnante, surtout pour les spectateurs familiers du groupe. Manque souvent l'étincelle.

Femmes et geste punk

A petites touches, la série témoigne du sexisme à l’égard des femmes du mouvement punk : Chrissie Hynde (future Pretenders) recalée par Mick Jones (futur Clash) et jamais prise en compte malgré ses talents de guitariste, autrice et compositrice, mais aussi Vivienne Westwood constatant froidement combien son compagnon Malcolm McLaren vampirise ses idées les plus subversives. C'est un bon point, mais on aurait aimé voir davantage les femmes flamboyantes du mouvement, de Siouxsie Sioux à Poly Styrene de X-Ray Spex par exemple, plutôt qu’un épisode (le troisième) presque entièrement consacré à la jeune femme mentalement perturbée qui inspira à John Lydon la chanson Bodies.

Cependant, le début du second épisode, qui rappelle le geste courageux d’une pionnière punk pour dénoncer l’hypocrisie de la société corsetée de l’époque, compense en partie. Il montre la jeune Jordan, alias Pamela Rooke (incarnée par l’impeccable Maisie Williams vue dans Game of Thrones), se rendant depuis sa banlieue à vélo puis en train sur son lieu de travail, au cœur de Londres, vêtue d’une robe en vinyle transparent laissant voir sa poitrine nue dans toute sa splendeur, et déclenchant des réactions horrifiées sur son passage. Cette scène en dit plus long à elle seule sur ce qu’était le punk que les six épisodes réunis. "Etre nue est un acte politique", explique-t-elle à Steve Jones dans la série. "Défiler devant leurs gueules coincées, ces sales hypocrites… C’est censé être un pays libre !"

L'actrice Maisie Williams incarne la jeune pionnière du punk anglais Jordan, alias Pamela Rooke,  dans la mini série "Pistol" sur les Sex Pistols. (DISNEY)

Steve Jones n'a pas toujours le beau rôle

Il n’y a donc pas que du mauvais dans cette série. D’abord, si la collaboration Disney pouvait laisser craindre un récit ultra policé et bien peigné, il n’en est rien : sexe, drogues et rock’n’roll sont servis ici à haute dose, avec une bonne louche de jurons et de violence en supplément.

La série étant basée sur ses mémoires, Steve Jones, incarné par le convaincant Toby Wallace, est au cœur du récit et quasiment de tous les plans. Mais il ne se donne pas franchement le beau rôle, en illettré mal dégrossi, peu talentueux au chant comme à la guitare, qui saute de surcroît sur tout ce qui bouge. Si l’on revient régulièrement sur son passé d’enfant abusé par son beau-père, on voit aussi comment il se laisse manipuler par Malcolm McLaren et se rend coupable de lâcheté vis-à-vis du groupe en ne lui tenant jamais tête.

La série montre bien par ailleurs le côté machiavélique du manager, un as du marketing menant au gré de ses idées fumeuses un groupe qu’il a co-assemblé de bric et de broc avec Steve Jones et qu’il considère comme une "marque". Un groupe qui entend semer le chaos et n’est au fond que chaos et anarchie tant la mésentente, attisée à dessein par McLaren, règne entre ses membres. "Déchirez-vous comme les rats rebelles que vous êtes", intime ce dernier. "Notre truc c’est pas la musique, c’est le chaos", résume Steve Jones auprès d’un journaliste musical.

Un extrait d'un concert des vrais Sex Pistols à Stockholm en 1977

Concerts incendiaires bien reconstitués

La reconstitution des concerts incendiaires des Sex Pistols est un gros point fort de la série. Ces scènes live dangereusement borderline, dans lesquelles le faux Johnny Rotten vociférant excelle et où les autres acteurs jouent vraiment de leurs instruments, offrent aux épisodes l’accélération et l’énergie dont ils manquent trop souvent. La scène de concert à la prison de Chelmsford est particulièrement réjouissante mais il y en a heureusement beaucoup d’autres.

L’idée de glisser des images d’archives de la société anglaise des années 70 fonctionne bien, tout comme les quelques flashs des vrais Sex Pistols. Si le personnage de Steve Jones est le plus nuancé et le moins caricatural du lot, les acteurs sont plutôt bons dans l’ensemble, en particulier Sydney Chandler en Chrissie Hynde, très présente dans la série, ainsi que Thomas Brodie-Sangster en Malcolm McLaren, insupportable à souhait, avec une mention spéciale pour Louis Partridge en Sid Vicious à la dérive, éruptif et bête à en crever, mais néanmoins attachant.

Quant à la musique, elle est supervisée par les vétérans de la techno britannique Underworld et leurs choix sont bien vus, de David Bowie à Sly & The Family Stone, Gainsbourg-Birkin, Modern Lovers ou Betty Davis. Plus que les images, c’est d’ailleurs la musique des Sex Pistols qui imprime le plus durablement le cerveau : de quoi constater que ce groupe éphémère, qui disait aimer avant tout le bruit, a écrit des hymnes – Anarchy in the UK, God Save The Queen, Pretty Vacant, Problems, Bodies, Submission – aussi obsédants qu’impérissables.

"Pistol", mini-série en 6 épisodes sur Disney+, est à voir à partir du mercredi 6 juillet 2022 (cette série est réservée à "un public averti". Disney a mis en place un contrôle parental renforcé permettant la création de profils verrouillés par un code PIN)

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