Succession de Maurice Jarre : son fils Jean-Michel Jarre et sa sœur déboutés par la Cour européenne des droits de l'homme

Le musicien Jean-Michel Jarre et sa sœur Stéphanie, qui contestaient devant la CEDH les décisions de la justice française les privant de l'héritage de leur père, Maurice Jarre, ont été déboutés mais font appel.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Maurice Jarre et son fils Jean Michel Jarre, le 13 février 1995 à Paris, lors de la cérémonie des 10es Victoires de la musique. (VILLARD / SIPA)

Disparu en 2009 aux États-Unis où il s'était installé, le compositeur Maurice Jarre a légué tous ses biens à sa dernière épouse. Depuis, ses enfants Jean-Michel et Stéphanie contestent cet héritage. La justice française étant restée sourde à leurs demandes, c'est vers la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qu'ils se sont tournés en 2018 pour contester les décisions des tribunaux qui les privent de l'héritage de leur père. Jeudi 15 février, ils ont été déboutés mais ils font appel. Ils déclarent redouter notamment un "impact potentiel" sur des affaires "similaires".

"La Cour ne voit (...) aucune raison de se départir du raisonnement des juridictions (françaises) dans la mesure" notamment où la CEDH "n'a jamais reconnu l'existence d'un droit général et inconditionnel des enfants à hériter d'une partie des biens de leurs parents", indique la Cour dans son arrêt, rendu à l'unanimité des sept juges.

Les tribunaux français ont "vérifié que les requérants ne se trouvaient pas dans une situation de précarité économique ou de besoin", poursuit la juridiction basée à Strasbourg, qui donne donc raison à la justice française. Celle-ci avait estimé que Maurice Jarre avait le droit de déshériter Jean-Michel, 75 ans, et sa sœur Stéphanie, 58 ans. Ils "ont pris connaissance avec regret de l'arrêt rendu (...) en leur défaveur", a indiqué dans un communiqué transmis à l'AFP Me Nicolas Olszak, leur avocat.

Une affaire en résonance avec la succession Hallyday

"Compte tenu des enjeux attachés à cette décision, et de son impact potentiel sur d'autres affaires similaires, nous formulerons dans les semaines à venir une demande de renvoi (...) devant la Grande Chambre" de la CEDH, qui fait fonction d'appel, a-t-il ajouté. "La CEDH valide la 'liberté testamentaire du défunt' qui a soustrait sa succession à la loi française. Est ainsi close la 'saga' contentieuse de la succession internationale de Maurice Jarre (en écho à d'autres successions célèbres, dont celle de Johnny Hallyday...)", a commenté sur le réseau social X (ex-Twitter) le juriste Nicolas Hervieu, spécialiste du droit européen.

Installé aux États-Unis au milieu des années 1960, lauréat de trois Oscars pour la composition des musiques des films Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago et La route des Indes, Maurice Jarre, décédé en 2009, avait légué tous ses biens à sa dernière épouse Fui Fong Khong via un "family trust", structure juridique prévue par le droit californien, ce que les deux requérants avaient, en vain, contesté devant les tribunaux français. En droit français, on ne peut théoriquement pas déshériter un de ses enfants, en vertu du principe de "réserve héréditaire" qui n'existe pas dans le droit californien.

La "liberté testamentaire du défunt" respectée 

Mais dans le cas Jarre, la Cour de cassation avait estimé en 2017 qu'ignorer cette "réserve héréditaire" n'était "pas en soi contraire à l'ordre public international français". En clair : ce n'est pas un principe forcément incontournable selon la plus haute juridiction française, qui avait conclu que la loi hexagonale n'avait pas en l'espèce à s'imposer à celle de Californie.

La CEDH estime que les juridictions françaises ont "respecté la liberté testamentaire du défunt" dont la volonté traduisait une démarche "'continue et bien définie' de faire bénéficier son conjoint survivant de l'intégralité de ses biens", sans "intention frauduleuse".

La succession contestée de Maurice Jarre était apparue au grand jour au début de la bataille judiciaire autour de l'héritage de Johnny Hallyday, entre sa veuve et les deux aînés de la rock star qui contestent le testament américain de leur père les ayant déshérités, là encore en vertu de la loi californienne.

La France "dépossédée d'un patrimoine culturel"

Dans une affaire similaire à celle de la succession Jarre, la CEDH a également débouté jeudi trois enfants de Michel Colombier, arrangeur entre autres de Serge Gainsbourg et Madonna, mort en 2004 et qui avait lui aussi organisé sa succession via un "family trust", les excluant de son héritage.

Ces deux requêtes, introduites en 2018, constituaient alors un thème "inédit" pour la CEDH, avait précisé un porte-parole. "Par l'effet des décisions judiciaires successives, d'autres familles françaises peuvent désormais se voir privées de tout droit de regard sur l'usage qui sera fait des œuvres de leur parent décédé à l'étranger", a déploré Me Olszak, avocat des enfants Jarre. "C'est ainsi que la France est elle aussi dépossédée d'un patrimoine culturel qui, pour être immatériel, n'en est pas moins emblématique de l'identité culturelle française", a-t-il ajouté.

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