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Menhirs détruits : "Je ne vais pas me laisser intimider par les tribunaux digitaux de la haine", affirme le maire de Carnac après avoir reçu des menaces de mort

Des internautes, très indignés, ont dénoncé la destruction de menhirs à Carnac pour la construction d'un magasin de bricolage. "J'ai vécu trois jours que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi", confie le maire Olivier Lepick qui est sous protection des gendarmes.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un magasin de bricolage en construction sur un site qui hébergeait de petits menhirs identifiés par la Direction régionale des affaires culturelles, le 24 mai 2023. (SIBYLLE LAURENT / MAXPPP)

"Je ne vais pas me laisser intimider par les tribunaux digitaux de la haine", a témoigné vendredi 9 juin sur franceinfo, Olivier Lepick, maire de Carnac (Morbihan). Accusé d'avoir laissé détruire 39 menhirs pour construire un magasin de bricolage, l'élu affirme avoir reçu des menaces de mort. Il dénonce une "fake news", car "ce ne sont pas 39 menhirs, mais quatre pierres qui pouvaient éventuellement être des menhirs qui ont été détruites". L'édile est depuis est sous protection des gendarmes et dit n'avoir pas l'intention de démissionner. Il dénonce"une chasse à l'homme digitale et numérique", provoquée par un article d'un journal de la presse quotidienne régionale qui a publié des informations "non vérifiées".

franceinfo : De quoi vous accuse-t-on exactement ? 

Olivier Lepick : C'est une histoire assez simple et commune, malheureusement, dans notre société. C'est une chasse à l'homme digitale et numérique. Il y a eu une bourde administrative qui a conduit à la destruction d'un site archéologique mineur, comme la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) l'a reconnu il y a quelques heures. Cela a déclenché une espèce de tsunami de haine sur les réseaux sociaux qui a touché mon épouse, alors que j'étais loin de Carnac, ce qui est toujours très angoissant. Mes enfants ont reçu des centaines de messages extrêmement violents. Moi, j'ai reçu des menaces de mort, on m'a menacé de brûler ma maison pour quelque chose qui relève d'une fake news. Il y a un journal de la PQR (presse quotidienne régionale) qui a repris les propos d'un archéologue amateur absolument pas compétent dans le domaine. Malgré mes demandes de délais de publication pour que je puisse consulter la Drac et les services compétents, ce journal a publié cette information qui a été reprise par l'ensemble des médias nationaux sans vérification. 

"À partir de là, le tsunami se déclenche et vous êtes tout seul face aux réseaux sociaux, aux menaces, à la haine. Je ne suis pas infaillible, je peux faire des erreurs, mais en la circonstance, la commune de Carnac n'a pas commis d'erreur. Nous avons respecté scrupuleusement la loi."  

Olivier Lepick, maire de Carnac

à franceinfo

Est-ce que vous avez eu peur ? Est-ce que le sous-préfet a eu raison de faire appel aux gendarmes pour mettre en place une protection ?

Non, je n'ai pas peur. Peut-être parce que ce n'est pas dans ma nature. Et ces tombereaux de haine que j'ai reçus ne m'ont jamais empêché de dormir. Par contre, cela a empêché mon épouse et mes enfants de dormir. Les services de l'État ont été irréprochables. Le sous-préfet a été plus que prévenant, il a été très diligent. Je pense que par précaution, c'est assez rassurant de savoir qu'on est protégé. Mais ce que je dénonce, c'est cette société de la vindicte, du lynchage, cette société de la violence. Et je pense que l'espace médiatique a une responsabilité. J'ai été très surpris, beaucoup de grands médias nationaux que je respectais, ont repris sans les contrôler des informations qui laissaient à penser que j'avais autorisé la construction d'un magasin de bricolage dans les alignements de Carnac. 

Qu'est-ce qui s'est passé réellement ? 

On est dans une zone commerciale et artisanale, à trois kilomètres des alignements, ce ne sont pas 39 menhirs mais quatre pierres qui pouvaient éventuellement être des menhirs, qui ont été effectivement, et c'est très malheureux, détruites. Mais on est très loin des images que j'ai pu voir qui m'ont accusé d'être corrompu et d'avoir touché une enveloppe. Ils ont agrémenté cet article des photos des alignements de Carnac qui sont à trois kilomètres, laissant à penser que j'avais autorisé la construction d'un magasin de bricolage dans un site exceptionnel. Je peux comprendre les gens qui se contentent de lire le titre sans cliquer sur l'article. J'étais un pourri, un salaud. Je méritais de mourir. Je pense que c'est une dérive qui est terrible dans notre société. Aujourd'hui, on exécute les gens, on leur met un pneu autour du cou, on l'allume et sans même savoir s'il y a une réalité derrière les accusations dont ils font l'objet.  

Savez-vous qui est derrière ces menaces et allez-vous engager des poursuites judiciaires ?

C'est très difficile de savoir. La plupart des gens qui professent ce genre d'insultes ou de menaces se réfugient derrière l'anonymat des profils sur Twitter. Oui, j'ai envie de porter plainte. Le préfet, le sous-préfet m'incitent à le faire. Mais, franchement, après la semaine que je viens de vivre est-ce que j'ai envie de passer 4 heures à la gendarmerie en écumant mon téléphone portable pour vérifier et trouver toutes les insultes et les menaces graves que j'ai reçues, sachant que je ne sais même pas si ça aboutira à quelque chose. 

"Malheureusement, ces tribunaux digitaux, on arrive rarement à en trouver les responsables. Je ne sais pas si je vais porter plainte parce que j'ai autre chose à faire et en tant que maire d'une commune, j'ai beaucoup de choses à faire demain, je reçois mes concitoyens de 8h à 13h. Et vraiment, j'ai vécu trois jours que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi."  

Olivier Lepick, maire de Carnac

à franceinfo

Envisagez-vous de démissionner ?  

Pas une seule seconde. Je ne juge pas la décision qu'a prise le maire de Saint-Brevin. Moi, je suis droit dans mes bottes. Je n'ai rien fait de mal et je pense que les éventuels développements juridiques de cette affaire le prouveront. J'ai scrupuleusement respecté la législation et je ne vais pas me laisser intimider par les tribunaux digitaux de la haine. C'est hors de question. Mais notre société doit réfléchir à la façon dont on livre en pâture. Et je pense que les médias ne peuvent pas publier sans vérifier, sans aller voir à la source. Dans des journaux très prestigieux, j'ai constaté qu'on reprenait mot à mot un article initial dans lequel figuraient des énormités non vérifiées. C'est ce qui a allumé la mèche de ce bâton de dynamite qui a fini par exploser. 

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