Rafle du Vel d'Hiv : "Cette gifle m'a sauvé la vie" confie Rachel Jedinak, rescapée, qui partage son histoire avec son petit-fils
L'octogénaire avait seulement 8 ans lorsqu'elle ses parents ont été arrêtés par la police française à Paris puis déportés, comme plus de 13 000 juifs. Depuis, elle témoigne sans relâche dans les écoles, mais aussi auprès de sa propre famille. Victor Matet l’a rencontré avec son petit-fils.
Kevin a 38 ans et des souvenirs plein la tête, qui se mélangent parfois à ceux de sa grand-mère. "Je crois que la chose la plus importante pour moi étant enfant, c'est que les souvenirs de ma grand-mère étaient aussi des souvenirs d'enfant et que nos deux enfances se parlaient, raconte-t-il. Quand elle me racontait la perte de ses parents, c'était les larmes d'une enfant de huit ans que j'entendais et que j'essayais de consoler." Les 16 et 17 juillet 1942, à Paris, plus de 13 000 Juifs, des hommes, mais surtout des femmes et des enfants sont arrêtés par la police française, lors de la Rafle du Vel d'Hiv.
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Rachel Jedinak fait toujours des cauchemars
C'était il y a 80 ans. Aujourd'hui, il y a des sourires entre eux, des gestes tendres. Rachel Jedinak a commencé très tôt à parler de son histoire à son petit-fils, la rafle ce matin du 16 juillet 1942 et les policiers qui l'emmènent à la Bellevilloise, dans le nord de Paris, où sa mère lui ordonne de fuir sans elle par une issue de secours. Puis rassemblés au Vélodrome d’hiver avant d’être déportés. "Je n'ai pas voulu lâcher ma mère, se souvient-elle. J'ai hurlé : 'Je ne vais pas te quitter'. Alors, elle a fait quelque chose que je ne pouvais pas raconter auparavant sans pleurer : elle m'a giflée violemment."
"La seule giffle de ma vie et j'ai compris plus tard que cette gifle m'a sauvé la vie."
Rachel Jedinakà franceinfo
Rachel Jedinak arrive aujourd'hui à raconter sans pleurer, mais avec de l'émotion dans la voix. Si elle s'est mise à témoigner devant les élèves il y a 25 ans, c'est grâce à son petit-fils qui, après l'avoir fait parler, lui a conseillé de le faire avec les autres. Pour lui, la transmission a laissé des traces. Cela s'est fait par la peur. "La Rafle du Vel d'Hiv, on en a parlé très tôt, se souvient Kevin. Mais moi, je sais que ce qui m'obsédait était enfant, et ce qui était le fil de mes cauchemars, c'était ça : d'imaginer qu'on venait nous arrêter la nuit, qu'il fallait cacher mon frère, qu'il fallait partir."
Des cauchemars que Rachel Jedinak continue également de faire, 80 ans après la rafle. "Dans la journée, on peut se maîtriser, mais la nuit, parfois, les cauchemars reviennent et je crois que ce sera comme cela jusqu'au bout de ma vie, confie-t-elle. On me poursuit, je vois de temps en temps ma mère et j'essaye de courir vers elle et je ne peux jamais la rattraper."
Le passé, lui, la rattrape, le présent aussi, avec son petit fils Kevin et une mémoire commune que tous les deux continuent d'entretenir.
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