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Rafle du Vél' d'Hiv : "Comme nous le disent les survivants, se souvenir est insuffisant", il faut "développer l'esprit critique"

A l'occasion de la commémoration, dimanche, du 75e anniversaire de la rafle du Vél' d'Hiv, Nathalie Grenon, directrice du Cercil, rappelle la nécessité d'"interroger le temps présent, voir à quel moment il peut y avoir danger".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Photo prise en 1942 de juifs internés dans le camp de Drancy après avoir transité par le stade du Vélodrome d'Hiver à Paris. (AFP)

Emmanuel Macron et le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou ont commémoré dimanche matin le 75e anniversaire de la rafle du Vél' d'Hiv, lors de laquelle 13 000 Juifs avaient été arrêtés à Paris et déportés à Auschwitz les 16 et 17 juillet 1942. C'est la première fois qu'un Premier ministre israélien participe à la cérémonie.

Nathalie Grenon, directrice du Centre d'étude et de recherche sur les camps d'internement du Loiret (Cercil), a rappelé dimanche sur franceinfo que tout le paradoxe de la France est que "c'est le seul pays dont le gouvernement va collaborer activement, mais c'est aussi le seul pays où les trois quarts des Juifs ont été sauvés".

franceinfo : 13 000 personnes ont été arrêtés lors de la rafle dont 4 000 enfants. Sont-ils tous identifiés aujourd’hui ?

Nathalie Grenon : 98% des noms figurés sur le jardin des souvenirs inauguré aujourd’hui, sont identifiés. Mais il y a ces 2% restant. Ces enfants ont été déportés avec leur mère, alors que les nazis ne réclamaient pas la déportation des enfants, c'est donc le gouvernement de Vichy, Laval [chef du gouvernement sous Vichy] qui va en faire la demande. Les enfants étaient séparés de leurs mères dans les camps. Et quand on déporte un enfant de moins de deux ans, qu'on le sépare de sa mère, comment peut-il connaître son nom de famille ? A l'inverse certains parents ont peut-être réussi à faire s'échapper leurs enfants et ont menti en disant que leurs enfants étaient avec eux. Donc sur les listes qu'on a, peut-être qu'il y a des enfants qui n'y étaient en fait pas.

Arrive-t-on à estimer le nombre d'enfants qui se sont s'échappés de la rafle du Vél' d'Hiv ?

C'est tout le paradoxe de la France. C'est le seul pays dont le gouvernement va collaborer activement, mais c'est aussi le seul pays où les trois quarts des Juifs ont été sauvés, et donc notamment les enfants. Mais une fois qu'ils sont à Pithiviers, les parents ne peuvent plus les récupérer. C'est pour ça que certaines assistantes sociales faisaient tout pour convaincre les parents de leur laisser la garde des enfants, pour les sauver. Mais c'est difficile pour un parent d'accepter l'idée que pour sauver son enfant, il faut s'en séparer.

C'est important de garder cette histoire interactive, vivante ?

C'est important d'incarner l'histoire. Tout le travail de restituer un visage, une histoire, un nom, on s'inscrit dans cette lignée. Donc cette salle [le jardin commémoratif] où il y a des photos mais aussi beaucoup de noms sans photo, incarne ce qu'a été la Shoah. C'est-à-dire l'absence de trace pour de nombreuses personnes qui ont été assassinées à Auschwitz.

Est-ce que le rôle du politique est encore aujourd'hui de relayer l'importance de cette mémoire ?

La mémoire oui, mais la mémoire ne suffit pas. Toutes les commémorations rappellent le souvenir de ceux qui ont disparu. Mais comme nous disent les survivants, se souvenir est insuffisant. Ce qu'il faut, c'est interroger le temps présent, c'est développer l'esprit critique, voir à quel moment il peut y avoir danger, à quel moment il y a dérapage. Ce n'est pas le souvenir pour le souvenir, mais étudier et comprendre comment tout cela, à un moment donné, dans un pays comme la France, a été possible. 

Nathalie Grenon : "Ce qu'il faut, c'est interroger le temps présent, c'est développer l'esprit critique, voir à quel moment il peut y avoir danger, à quel moment il y a dérapage"

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