Restitution des trésors d'Abomey au Bénin : l'émotion de la population à Cotonou
Les Béninois sont venus par centaines pour assister au retour des 26 oeuvres des trésors royaux d'Abomey. Un moment solennel et historique.
Les Béninois "émus aux larmes" ont accueilli le 10 novembre après-midi dans la solennité et avec une immense émotion 26 oeuvres des trésors royaux d'Abomey, pillées par les troupes coloniales françaises au XIXe siècle et restituées la veille par Paris.
L'avion transportant ces trésors a atterri vers 15H15 locales (14H15 GMT) à l'aéroport de Cotonou, la capitale économique du Bénin, où plusieurs membres du gouvernement béninois attendaient le déchargement des caisses transportant ces oeuvres.
"Il y a des instants dans l'histoire d'une nation qui changent le cours des choses. Cet instant-là que nous vivons, c'est un instant qui restera gravé, c'est un instant important", a déclaré sur le tarmac le ministre des Affaires étrangères Aurélien Agbenonci.
Des objets accueillis avec émotion
Le long de la route qui sépare l'aéroport de la présidence, lieu où les oeuvres vont être transportées par camion et où une cérémonie est prévue, des centaines de personnes se pressaient pour regarder le passage de ces trésors, dont certains revêtent un caractère sacré.
Au son des tambours et instruments de musique traditionnels, les Béninois venus de tout le pays attendaient sur les trottoirs. Un homme a fait coudre sur son chapeau la date du "10.11.2021", pour souligner le caractère historique de ce retour.
Parmi les oeuvres figurent des statues totem de l'ancien royaume d'Abomey ainsi que le trône du roi Béhanzin, pillés lors de la mise à sac du palais d'Abomey par les troupes coloniales françaises en 1892. "Je suis venu me convaincre que ces oeuvres sont réellement revenues au pays. Je suis ému jusqu'aux larmes", lance, ébranlé, Ousmane Agbegbindin, un Béninois âgé de 45 ans.
"La restauration de la dignité"
"C'est vrai qu'on ne peut pas voir les objets, mais le seul fait de savoir que les trônes de nos ancêtres, leurs chaussures, récades et autres objets sont dans ces camions me fait un effet que je ne peux vous décrire", lâche cet entrepreneur, les joues trempées de larmes.
Même émotion pour Martine Vignon Agoli-Agbo, qui habite le nord du Bénin et qui a parcouru plus de 500 kilomètres avec ses deux filles pour assister à ce moment historique. "Nous sommes à Cotonou depuis 24 heures, rien que pour vivre le spectacle de l'arrivée de ces trésors. C'est tellement émouvant", dit-elle. "Des objets vieux de 200 ans, volés et dont on n'espérait pas le retour, arrivent en grand nombre. Je n'ai pas voulu qu'on me raconte ce moment. Et si mes filles sont là, c'est pour qu'elles puissent un jour le raconter à mes petits-enfants", a-t-elle poursuivi.
Pour Didier Marcel Houénoudé, professeur béninois en histoire de l'art, le retour des oeuvres "représentent avant tout la restauration de la dignité". Il "sert également à la reconstruction de la mémoire. Ce ne sont pas seulement le peuple et les objets qui ont été spoliés, mais aussi la mémoire. Celle-ci est remplie de honte liée à la chute ou à l'échec de notre peuple", a-t-il déclaré.
Une cérémonie solennelle
Dans la foule, Akouavi Mari Dannon, enseignante d'histoire dans un collège privé d'Abomey, est venue accompagner ses dix meilleurs élèves. "C'est un pan entier de notre histoire qui nous retombe sur les bras et nous devons le récupérer et le valoriser. C'est très important", déclare-t-elle à l'AFP.
Dans les jardins de la présidence béninoise, où la cérémonie d'accueil doit être dirigée par le président Patrice Talon, un tapis rouge a été déroulé. L'actuel roi d'Abomey Dah Sagbadjou Glèlè, des membres de sa famille et de nombreux dignitaires béninois attendaient assis sur des chaises l'arrivée des caisses.
Cette cérémonie solennelle au Bénin marque la dernière étape d'un processus inédit entamé avec la promesse faite en 2017 par le président français Emmanuel Macron de procéder à des restitutions du patrimoine africain en France.
Des objets qui seront exposés dans des lieux historiques de l'esclavage et de la colonisation
La veille à Paris, le président Macron avait reçu Patrice Talon pour finaliser la restitution de ces 26 trésors conservés jusqu'ici au musée parisien du Quai Branly. Après la cérémonie, les oeuvres seront soumises à deux mois "d'acclimatation" aux nouvelles conditions de climat et d'hygrométrie, avant d'être exposées pendant trois mois à la présidence béninoise.
Les trésors iront ensuite à l'ancien fort portugais de Ouidah et à la maison du gouverneur, lieux historiques de l'esclavage et de la colonisation européenne, situés sur la côte, en attendant la construction d'un nouveau musée à Abomey.
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