"His Dark Materials : À la Croisée des Mondes" : que vaut la série adaptée de la trilogie de Philip Pullman ?
La nouvelle série britannique adaptée de la trilogie "À la Croisée des Mondes" prend le contrepied du film sorti en 2007 et s'adresse aux adultes.
Douze ans après la précédente adaptation de la saga littéraire de Philip Pullman, qui avait fait un flop au box-office, c'est au tour de la BBC et d'HBO de se lancer dans le pari risqué d'adapter À la Croisée des Mondes, avec l'auteur comme producteur exécutif. Le scénario est quant à lui signé Jack Thorne, à qui l'on doit la pièce de théâtre Harry Potter et l'Enfant maudit.
En France, deux épisodes de la série de fantasy sont déjà disponibles sur la plateforme OCS. Que vaut vraiment His Dark Materials ?
Au plus près des livres
Lyra Belacqua, orpheline, a été élevée pendant douze ans au Jordan College d'Oxford. Pour échapper à l'ennui, elle fait les quatre-cent coups avec son meilleur ami Roger, cuisinier, et se rêve exploratrice. Depuis son plus jeune âge, elle traîne une obsession : celle de partir à la découverte du Nord avec son oncle, Lord Asriel, qu'elle admire malgré la distance qu'il met entre eux. Mais dans un Oxford faussement sécurisant contrôlé par le Magisterium (l'Église catholique), des enfants et leurs daemons (la représentation animale de leur âme, séparée de leur corps) se font enlever, et le quotidien de Lyra est bouleversé.
Dès le premier épisode, le cadre est posé : la série se veut aussi proche des livres que possible et se cantonne, sauf rares exceptions, à ce que l'on peut lire dans le premier tome de la saga, Les Royaumes du Nord... Pour le plus grand bonheur des fans. Cependant, la production a fait le choix de modifier quelques passages pour insuffler du rythme à la série. Le premier épisode est déjà le théâtre de révélations majeures qui surviennent plus tard dans les livres, et de nouvelles zones à explorer se dessinent à l'horizon. De quoi attiser la curiosité des spectateurs qui découvrent la saga, et entrer plus rapidement dans le vif du sujet.
Deux niveaux de lecture
La trilogie de Pullman a souvent été comparée à Harry Potter, pour leur dimension universelle. Mais dans À la Croisée des Mondes, la magie repose davantage sur la science. D'autre part, Lyra et son daemon, Pantalaimon ("Pan") sont plus indépendants encore que le jeune sorcier. L'héroïne est forte-tête, spontanée, diablement intelligente et particulièrement attachante. Elle n'a besoin de personne pour s'affirmer. Dafne Keen (qu'on avait vue en 2017 dans Logan de James Mangold) insuffle au personnage autant de force que de douceur, sans jamais trahir l'innocence de son jeune âge. Ruth Wilson campe quant à elle le rôle d'une Marisa Coulter au regard bleu glacial, plus froide encore que Nicole Kidman dans la précédente adaptation de la saga.
Que les adultes se rassurent : si, dans la série, les animaux parlent, les ours portent des armures et la protagoniste n'a que douze ans, cette nouvelle production n'a rien d'une série pour les enfants. Elle soulève de nombreuses interrogations sur la séparation des pouvoirs, la puissance de l'Église catholique et le passage à l'âge adulte (avec cette obsession des personnages à comprendre d'où vient la Poussière, cette particule brillante qui ne semble s'accrocher qu'aux adultes et que les érudits lient au péché originel)... Ce thème du passage de l'innocence à l'expérience, présent chez de nombreux auteurs, de J.D Salinger à William Blake, est particulièrement mis en valeur dans la série.
Une esthétique irréprochable
His Dark Materials : À la Croisée des Mondes bénéficie d'une esthétique léchée avec des couleurs tantôt chaleureuses, tantôt glaciales et des effets spéciaux dignes d'un film. On s'émerveille autant des paysages que de la beauté des objets montrés dans la série, comme l'aléthiomètre, ce lecteur de vérité que Lyra ne parvient pas, au début, à maîtriser. Les manipulations de Madame Coulter et les actes de violence de son daemon, le singe au poil doré, comme les Enfourneurs qui kidnappent des enfants dans les rues d'Oxford pour trouver, de façon très paradoxale, les moyens de les préserver du péché, sont suggérées plutôt que montrées.
L'ensemble est servi par une très belle musique de Lorne Balfe (The Crown) et un générique particulièrement réussi, qui met en avant deux éléments clés de l'univers de Pullman : la Poussière et l'aléthiomètre. Les lieux sont tels que décrits dans les livres, des recoins sombres du Jordan College où s'accumulent les ossements au luxueux hôtel particulier de Madame Coulter, en passant par les lumières oniriques du Nord et les péniches brinquebalantes des "Gipsies" où Lyra finit par trouver refuge. Tout contribue à instiller du suspense tout au long de la série.
His Dark Materials : À la Croisée des Mondes enthousiasme. Des fans de première heure de la saga de Pullman aux amateurs de fantasy qui souhaitent trouver une remplaçante digne de ce nom à Game of Thrones, chacun y trouvera son compte. Et avec trois tomes déjà publiés, deux livres complémentaires et une nouvelle trilogie en cours d'écriture, Le Livre de la Poussière, la série a encore de la matière pour nous faire vibrer.
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