"On a besoin de partager ce qui se passe dans nos têtes, dans notre intimité et notre solitude" : les productrices d'"En thérapie" analysent la série événement
Adaptation de la série israélienne "BeTipul", "En thérapie" suit sur plusieurs semaines les rendez-vous chez un psychanalyste de cinq patients. Les productrices de la série, Laetitia Gonzalez et Yaël Fogiel, nous racontent la naissance du projet.
Le docteur Philippe Dayan et ses patients arrivent ce soir sur petit écran. Disponible en ligne sur la plateforme Arte.tv depuis le 28 janvier, la série En thérapie dévoile ses cinq premiers épisodes sur la chaîne franco-allemande ce jeudi 4 février.
En 35 épisodes, En thérapie suit les confidences sur le divan de cinq personnages, au lendemain des attentats du 13-Novembre. Tendre et bouleversante, cette série a déjà rencontré un beau succès : la plateforme Arte.tv dénombre près de 4 millions de vues depuis sa mise en ligne. Il faut dire que le concept avait déjà porté ses fruits : En thérapie est une adaptation de la série israélienne BeTipul, transposée dans près de vingt pays.
La série est portée par le duo Olivier Nakache et Eric Toledano (Intouchables, Hors Normes), aux postes de réalisateurs et showrunners (qui chapeautent toute la série). Ce projet est le fruit d'une rencontre entre les cinéastes et deux productrices, au détour d’un festival. Yaël Fogiel et Laetitia Gonzalez (Les Films du Poisson) nous racontent.
Franceinfo Culture : Avant même sa diffusion télévisée, En thérapie compte quatre millions de vues sur la plateforme Arte.tv. Que ressentez-vous face à cette réception chaleureuse ?
Laetitia Gonzalez : C’est incroyable, cela fait chaud au cœur. On ne s’attendait pas du tout à cela.
Yaël Fogiel : En tant que productrices, nous croyons toujours à ce que nous faisons et nous voulons le partager avec le plus grand monde. Mais là, on ne s’attendait pas à ce que le public soit aussi large. C’est une série qui n’est pas facile, qui parle de psychanalyse, avec beaucoup de dialogues. Ce succès nous fait énormément plaisir.
Qu'est-ce qui a séduit les spectateurs, à votre avis ?
Yaël Fogiel : Il n’y a pas de recette. Mais je pense qu’on tombe à un moment où les gens ont besoin de voir ce genre de séries. Déjà, il y a la qualité : un travail et des acteurs formidables, une réunion de talents. Et dans le fond, parler des attentats, ces événements qui ont marqué la France entière, chez un psy et parler de ses sentiments, de ce qu’on a ressenti, je pense que c’est quelque chose qui fait du bien. D’entendre d’autres gens qui parlent de leur douleur. En ce moment, avec la pandémie, on vit aussi quelque chose de collectif et de très difficile donc cela nous parle. On a besoin de partager ce qui se passe dans nos têtes, dans notre intimité et notre solitude. Cette série arrive au bon moment, si je puis dire.
Laetitia Gonzalez : Il y a l’idée géniale de Hagai Levi [le créateur de la série BeTipul] au début. C’est une série qui a été adaptée dans plein de pays et qui a marché à chaque fois, donc il ne fallait pas qu’on se plante ! Hagai Levi a prouvé comment chacun peut se retrouver, dans son intimité, à travers ces personnages. Le spectateur est happé, il se projette humainement dans toutes ces histoires. On est dans la fiction mais en même temps cela résonne en nous. Ce sont des sujets universels.
Pouvez-vous me raconter comment "En thérapie" est née ?
Laetitia Gonzalez : Yaël avait découvert BeTipul très tôt, en hébreu, elle me faisait la traduction simultanée des premiers épisodes il y a quinze ans.
Yaël Fogiel : Nous connaissions l’auteur de la série, Hagai Levi, car nous avons fait plusieurs films en coproduction avec Israël. Nous avons parlé avec lui de cette série qu’on avait adorée, en lui demandant pourquoi elle n’avait pas encore été adaptée en France. Et lui-même ne comprenait pas. Il était d’accord pour qu’on essaye. Nous avons ensuite rencontré Eric Toledano et Olivier Nakache dans le cadre d’un festival. Nous avons parlé de cette série et ils ont tout de suite eu envie d’y participer. Nous avons organisé un rendez-vous avec Hagai Levi en Israël, en avril 2015, et puis c’était parti.
Cela a ensuite pris du temps à se concrétiser. Il fallait trouver une chaîne qui accepte de diffuser la série et c’était difficile à cause du format. L’original se compose de 45 épisodes de 26 minutes et c’est un format inédit en France. Finalement, Arte a dit oui, alors qu’ils ne savaient pas encore comment ils allaient la diffuser. En plus c’est une chaîne franco-allemande donc il fallait aussi convaincre les Allemands de dégager du temps sur leur grille.
Quand Arte a voulu donner son feu vert, ils nous ont demandé comment on allait renouveler cette série. C’était le gros problème : elle avait déjà été adaptée partout, tout le monde l’avait déjà vue. Eric Toledano et Olivier Nakache ont alors eu l’idée de placer la série dans le contexte des attentats. C'était en 2017.
Comment s’est passé le tournage ?
Laetitia Gonzalez : Cela a été intense : quatre mois de travail, 70 jours de tournage. Tout était très organisé. Chaque réalisateur avait son personnage attitré. Et nous avions nos showrunners Eric Toledano et Olivier Nakache, qui ont réalisé leurs épisodes mais qui étaient également aux commandes pour tout le reste. Ça a été un travail très collectif et des cinémas très différents se sont rencontrés.
Yaël Fogiel : 70 jours de tournage, c’est court. C’était le dispositif de départ, avec un petit budget. Comme chaque épisode se résume à deux personnages dans une pièce, cela prend moins de temps que de tourner un film d’action ou une comédie romantique avec plusieurs décors. C’était aussi un argument pour convaincre les chaînes, car ce n’était pas cher à produire.
Est-ce qu’il y a un moment qui vous a particulièrement marqué lors de la fabrication de la série ?
Yaël Fogiel : Le moment le plus fort pour moi était la veille du tournage où nous avons fait une journée de répétition dans le décor. Frédéric Pierrot, notre psy, était dans ses habits et son fauteuil face à sa patiente, Mélanie Thierry. C’était magique de voir le Dayan qu’on avait rêvé.
Laetitia Gonzalez : Avec tous les comédiens il y a eu de vrais moments d’émotion. Ils étaient eux-mêmes atteints par ce qu’ils étaient en train de jouer. Un jour, Céleste Brunnquell [Camille] a été emportée par ce qu’elle faisait, c’était bouleversant, nous avions même oublié que nous étions en train de tourner avec des caméras. Tout le monde l’a applaudie.
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