"Les Misérables" se préparent à monter leurs barricades sur la scène du Châtelet à Paris
Les Misérables font leur grand retour à Paris cet automne avec 52 représentations au théâtre du Châtelet, du 20 novembre au 2 janvier 2025. C'est à Romainville, dans un grand hangar un peu délabré et plein de courants d'air, que les répétitions de cette nouvelle production ont commencé fin septembre. Trois semaines avant la première, le metteur en scène Ladislas Chollat nous a accueillis lors d'une journée de travail avec sa troupe.
"C'est le 27e jour de répétition et les délais sont très courts", déclare-t-il. J'ai sept semaines pour créer 2 heures 30 de spectacle avec 40 personnes sur scène. C'est un pari." Visiblement enthousiaste, il dit avoir pris de l'avance grâce à une préparation intense avec son assistant. "J'ai écrit toute ma mise en scène, vous pouvez la voir affichée sur les murs, avec mes maquettes, mes petits bonshommes en papier, mes numéros, explique-t-il. J'ai tout préparé de manière à pouvoir aussi tout changer. Si tel tableau qui marchait avec la maquette finalement ne tient pas, je le vois et je le modifie".
Déjà metteur en scène de Résiste et de Molière, il accueille aujourd'hui quatre jeunes garçons sélectionnés au casting pour jouer, en alternance, le rôle de Gavroche, figure iconique des Misérables. La troupe encourage et applaudit ces poulbots, hauts comme trois pommes, qui chantent et jouent dans la cour des grands pour la première fois. Très vite, les personnalités se dévoilent... effrontées ou plus réservées.
Stanislas Chollat explique précisément à chacun d'eux où regarder, comment se placer et jouer les textes, pas seulement les chanter. Les uns après les autres, les quatre enfants, hissés sur l'épaule d'un révolutionnaire, reprennent un refrain bien connu : "Je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire. Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau."
Le metteur en scène détaille : "J'ai douze enfants au total dans ce spectacle : 4 Cosette, 4 Éponine et 4 Gavroche. Certains ont quasiment des rôles principaux. La législation sur le travail des enfants est contraignante. C'est bien ainsi, mais j'ai un nombre d'heures limité pour arriver à ce qu'ils donnent un maximum de choses."
Un casting géant
Écrite par Alain Boublil et composée par Claude-Michel Schönberg, cette comédie musicale adaptée du roman-monument de Victor Hugo a vu le jour en 1980 au Palais des Sports de Paris, dans une mise en scène de Robert Hossein. Elle n'a pas été jouée en France depuis 1991 au théâtre Mogador et sous forme de concert en 2017.
Les droits appartiennent au producteur anglais Cameron Mackintosh. Il a accepté cette nouvelle production du spectacle en France à condition de superviser toutes les modifications du spectacle. À l'issue du casting, qui s'est étalé sur un an et demi, c'est également lui qui a validé (ou pas...) les quelque 40 interprètes présélectionnés pour tel ou tel rôle.
Juliette Artigala, 27 ans, sera Cosette, fille de Fantine, enfant misérable, maltraitée par le couple Thénardier et sauvée par l'ancien bagnard, Jean Valjean. Cette Française qui vit à Londres depuis plusieurs années a postulé en mai 2024 et vivra sa première grande expérience sur scène à Paris. Elle explique que "pour les Anglais [Les Misérables], c'est comme un Disney. Ils connaissent tout le spectacle par cœur". Elle parle d'un show "épique avec des tableaux à couper le souffle et des histoires tellement humaines que c'est impossible de ne pas être touché".
Elle pense que la version française de 2024 sera "plus vraie, plus authentique" que la version anglaise où "tout est un peu romantisé". Selon elle, Ladislas Chollat montrera davantage la cruauté et les injustices sociales qui sont au cœur du roman de Victor Hugo grâce à "une vraie prise de parti. On va aller dans le dur des sujets que l'on aborde". Le rythme des répétitions est intensif : "Six jours sur sept, de 10 heures à 18 heures 30", explique-t-elle. Pendant les pauses, cette Cosette sort ses aiguilles à tricoter !
"Entièrement chanté"
Stanley Kassa, 28 ans, joue le rôle d'Enjolras, un étudiant exalté et idéaliste qui prend la tête d'un groupe révolutionnaire en lutte contre les inégalités sociales. "C'est celui qui monte sur les barricades", précise-t-il. Le chanteur a déjà une première expérience de la comédie musicale, ayant travaillé sur Le Roi Lion au théâtre Mogador.
"La différence pour Les Misérables, c'est que c'est entièrement chanté", explique-t-il. "Il n'y a pas de scènes jouées comme au théâtre. On a pu tous travailler nos chansons avant le début des répétitions, ce qui a permis de gagner du temps (...) On a poursuivi avec notre cheffe d'orchestre, Alexandra Cravero. La diction et l'intention comptent beaucoup." Il raconte que les deux auteurs, Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg, étaient très présents au moment de l'enregistrement de l'album de la bande originale de spectacle qui sort le 8 novembre (label Verycords) et qu'ils font régulièrement à la troupe "des visites surprises".
Ladislas Chollat nous raconte que c'est une gravure de Gustave Doré illustrant L'Enfer de Dante qui lui a inspiré le décor. "On y voit une pente, l'enfer, et un homme qui marche sous les étoiles vers le paradis, décrit-il. Je me suis dit, Les Misérables, c'est ça. C'est ce type qui sort de l'enfer et qui va passer tout le spectacle à chercher la lumière".
Il y a donc imaginé deux grandes pentes modulables sur scène pour "créer des espaces". Le metteur en scène dit avoir également pensé "aux litres d'encre" utilisés par Victor Hugo qui travaillait "entre 12 et 16 heures par jour". Cela lui a inspiré les vidéos en fond de scène, comme "un geste qui amène de la noirceur et de temps en temps, de la lumière".
Ce sont les 300 costumes créés par Jean-Daniel Vuillermoz qui apporteront des points de couleur dans ce décor. Tous sont passés par l'atelier patine du théâtre du Châtelet qui s'est chargé de les vieillir. Ils ont été abîmés volontairement, griffés avec des brosses métalliques, brûlés au fer à repasser, bombés... en un mot, maltraités, pour obtenir un effet hyperréaliste.
Les billets pour ce spectacle, l'un des plus attendus de la saison, se sont vendus comme des petits pains. Après le hangar de Romainville, la troupe s'installe au Châtelet pour les derniers ajustements, avec un leitmotiv aux allures de chant révolutionnaire : Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira !
"Les Misérables", en français surtitré en anglais, nouvelle production au théâtre du Châtelet, à Paris, du 20 novembre 2024 au 2 janvier 2025, 3 heures avec entracte. Tarifs : de 10 à 129 euros.
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