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"J’ai peur que ce couvre-feu crée de la misère" : en tournée, l'humoriste Nora Hamzawi ne cache pas sa colère

"Il n'y a aucun cluster dans les salles de spectacles", relève Nora Hamzawi. L'humoriste et chroniqueuse questionne le couvre-feu imposé dès 21h dans les zones les plus touchées par le coronavirus, et craint son impact sur un secteur fragilisé.

Article rédigé par franceinfo Culture - Mélisande Queïnnec
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Nora Hamzawi en 2017. (SADAKA EDMOND/SIPA)

Nora Hamzawi n'a pas manqué de pointer du doigt, sur Twitter, l'incohérence du couvre-feu, imposé de 21h à 6h du matin en Île-de-France et dans huit métropoles françaises à partir de samedi. Une décision qui, selon elle, pénalise lourdement le spectacle vivant, qui n'a pas développé de clusters grâce à des règles sanitaires strictes. Alors qu'elle pensait retrouver le chemin de la scène avec son Nouveau Spectacle, l'humoriste, comédienne et chroniqueuse ne cache pas sa colère.

Franceinfo Culture : Avant l’allocution d’Emmanuel Macron d’hier, vous avez partagé sur Twitter l’incertitude qui planait sur votre spectacle. Comment avez-vous réagi après l’annonce du couvre-feu ?

Nora Hamzawi : On s'y attendait depuis vingt-quatre heures. Il y avait des rumeurs, on retourne dans ce climat étrange du confinement où l'on connaît quelqu'un qui sait... Du coup, je m'y préparais un peu. J'espérais que le couvre-feu soit fixé à 22h par exemple, pour sauver certains secteurs.

J'ai été choquée par l'annonce, et assez en colère. Je suis en colère parce-qu'il y a une énorme incohérence : il n'y a pas eu de clusters dans les salles de spectacles. Les règles sanitaires y sont appliquées très strictement et le public est loin d’être irresponsable. J'ai repris la scène il y a trois semaines, en zones rouges comme en zones vertes. Et les salles de spectacles sont finalement des zones de sécurité sanitaire. Si on tente de contrôler la circulation du virus, on devrait même encourager les gens à y aller…

Je suis triste et en colère car je vois aussi que les spectateurs ont répondu présent lors de la réouverture des salles de spectacles. Et puis, je ne comprends pas le sens de ce couvre-feu : on ne pourra pas surveiller les gens chez eux, on ne pourra pas tout contrôler ! Essayons de contrôler plutôt les lieux où le protocole sanitaire n'est pas clair : les transports, les supermarchés peut-être... Mais pas les lieux culturels où ces règles sont respectées.

Cela vous inquiète pour l’avenir du monde du spectacle et de la culture de façon générale ?

Dans le théâtre, on a été stoppés net pendant le confinement et au-delà. On ne peut pas tout arrêter à nouveau. Pour ce secteur-là comme pour d'autres qui travaillent le soir, ça devient compliqué. J'ai arrêté de jouer le 13 mars. Entre temps, il y a eu le confinement et le déconfinement, on n'a pas pu rouvrir tout de suite. Et quand on a pu, les zones à risque changeaient tous les jours, donc les dates de tournées aussi. On pouvait caler une date dans une ville et annuler le lendemain car la ville était passée en zone rouge. Alors que dans ce secteur, on a justement besoin de s'organiser, de se projeter. On avait le sentiment d'être encouragés à reprendre la scène, et finalement non... La situation est source d'angoisse pour beaucoup d'artistes privés de scène depuis sept mois.

On avait le sentiment d'être encouragés à reprendre la scène, et finalement non

Nora Hamzawi

à franceinfo Culture

Je suis consciente de l'ampleur du problème (du coronavirus, ndlr), mais les décisions ne peuvent pas constamment handicaper la culture. Il faut penser à la société dans son ensemble qui en a tant besoin. Que va-t-on faire sinon, rester chez soi, regarder des séries toute la journée sans la moindre interaction sociale ? L'atmosphère est hyper clivante. Je ne suis pas en train de dire "vivement qu'on se roule tous des pelles dans les bars", mais laissez-nous au moins vivre pendant cette période difficile.

Votre spectacle va être maintenu. Comment avez-vous réussi à vous organiser avec cette nouvelle mesure ?

On est dans l'urgence, on essaie de caler nos agendas (avec les directeurs de salles et les producteurs) pour savoir quels spectacles peuvent être maintenus. Il faut qu'on trouve des solutions. Pour mon spectacle, j'ai trouvé une solution, mais elle ne sera pas forcément valable pour tout le monde. Mon producteur nous offre la possibilité de jouer quand même. Je jouais le samedi à 18h, je décale à 17h pour pouvoir jouer une deuxième fois dans la foulée. Mais à voir si les gens auront envie d'y aller… Et puis, le recrutement du personnel, la location des salles, tout ça coûte de l'argent... Ce sont des frais fixes et s'il y a moins de spectacles, économiquement, ce sera compliqué pour tout le monde. Nous sommes tous dépités, mais on n'en est pas encore au stade où l'on partage nos sentiments entre collègues. 

On nous parle d'aides, mais qui peut y prétendre ? Tout le monde n'est pas intermittent dans le spectacle vivant. On peut être producteurs, indépendants, avec d'autres activités à côté... On attend des réponses. Moi, je ne suis pas intermittente, je suis comédienne, je coproduis mon spectacle, et je n'ai droit à rien. Heureusement que j'ai pu écrire, créer de nouveaux projets. Evidemment, on a conscience de la problématique et on soutient infiniment tout le personnel hospitalier, mais j’ai peur que ce couvre-feu crée de la misère. On ne protège pas les gens en les empêchant de subvenir aux besoins de leur famille.

Le Nouveau Spectacle de Nora Hamzawi, tous les week-ends à Paris au théâtre Le République et en tournée dans toute la France.

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