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Jérémy Ferrari, l'humoriste politiquement incorrect révélé par un clash avec Manuel Valls

Il a commencé l'année 2016 sur un coup d'éclat médiatique. Le comique Jérémy Ferrari s'est fait connaître du grand public après son passage à "On est pas couché" et une empoignade avec le Premier ministre. Portrait.

Article rédigé par Marthe Ronteix
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Jérémy Ferrari a dit le fond de sa pensée au Premier ministre Manuel Valls dans l'émission "On n'est pas couché", le 16 janvier 2016. (ON N'EST PAS COUCHE / FRANCE 2)

Il s'est clashé avec le Premier ministre et a même provoqué un incident diplomatique avec le Gabon. Depuis son passage dans l'émission "On n'est pas couché", samedi 16 janvier, le comique Jérémy Ferrari s'est taillé une nouvelle notoriété. Après deux saisons dans "On n'demande qu'à en rire", déjà animée par Laurent Ruquier, et un premier spectacle à succès, l'humoriste au verbe acerbe commence l'année 2016 avec un nouveau one-man-show, Vends deux-pièces à Beyrouth.

Se glissant dans la peau d'un citoyen dépassé par les événements, il essaie de comprendre à qui profite la guerre. Tout y passe : les attentats de 2015, les ONG corrompues, les policiers à rollers ou encore les militaires sans munitions. Jérémy Ferrari ne recule devant aucun thème. Cet humour décalé, il en a fait sa marque de fabrique. Pour certain, Jérémy Ferrari est le pur produit comique de notre époque ; pour d'autres, c'est surtout un provocateur.

Son passage dans "On n'est pas couché" a boosté sa notoriété

"Comment vous expliquez qu'Ali Bongo [président du Gabon] se retrouve en tête d'une marche pour la liberté d'expression ?" En posant cette question, samedi 16 janvier, sur le plateau de France 2, Jérémy Ferrari est devenu le "héros médiatique du week-end" d'après Pierre Haski, le fondateur de Rue89.

Invité à commenter un dessin de presse, après une interview menée par Yann Moix et Léa Salamé, Jérémy Ferrari choisit une caricature qui montre Charb se retournant dans sa tombe en apprenant que Johnny Hallyday a chanté pour l'hommage aux victimes de la tuerie de Charlie Hebdo. Il en profite pour pousser un coup de gueule contre la "récupération" des attentats de janvier et critique ensuite la présence d'Ali Bongo, le président du Gabon, à la marche du 11 janvier, qu'il juge "ridicule".

Manuel Valls répond : "Dans cette manifestation qui réunissait des chefs d'Etat, je retiens un autre Africain, élu lui, Ibrahim Boubacar Keïta [président du Mali]." Et Jérémy Ferrari de rebondir : "Ah parce qu'il est pas élu Ali Bongo finalement ?" "Non, pas comme on l'entend", réplique le Premier ministre. Un vif échange provoque un incident diplomatique et que Laurent Ruquier compare à celui de Daniel Balavoine et François Mitterrand en 1980.

Ce coup d'éclat médiatique a manifestement profité à l'humoriste puisque, face à la demande du public, il a dû ajouter deux dates à sa tournée. "Avant l'émission, on avait vendu 80 % des places à Paris. Après, le Trianon affichait complet et on a ajouté deux dates à l'Olympia. Mais je pense que c'est davantage dû à la critique de Laurent Ruquier qu'au clash avec Valls", se défend-il dans Le Parisien.

Il s'est fait connaître dans "On n'demande qu'à en rire"

Agé de 30 ans, ce fils unique d'épiciers de Charleville-Mézières (Ardennes) n'aime pas trop l'école. "Ce n'était pas un agitateur, ce n'était pas quelqu'un qui allait contre les règles et les lois", se souvient sa prof de musique au collège, dans un portrait du "Supplément", sur Canal +. "Mais ce qu'il ne pouvait pas supporter, c'est l'injustice." Il quitte finalement l'école à 17 ans.

En 2003, Jérémy Ferrari fait sa première apparition télévisée dans le "Morning Café" sur M6. "Ça devait être un peu trop décalé pour le matin à 7h30, et du coup, ils ne m’ont gardé qu’une semaine", raconte-t-il au site Toutelatélé. Sa carrière décolle vraiment lorsqu'il intègre l'équipe de "On n'demande qu'à en rire". Il se souvient de sa première apparition en 2010 comme une sorte de coup de poker. "Les premières minutes, personne ne rit. Mais je suis dans une telle désinvolture que je commence à choper un rire, deux rires, etc. Finalement, sur la première année, en dehors de Ruquier, qui a adhéré tout de suite à l’humour noir, j’avais des notes assez moyennes. Il a fallu un an au jury pour me donner de bonnes notes", raconte-t-il.

La même année, il écrit un spectacle sur la religion dans lequel il évoque pêle-mêle des faits d'actualité, des textes du Coran, des Evangiles et de la Torah. Hallelujah bordel ! rencontre son public à Paris et au Festival d'Avignon. En 2012, il présente dans l'émission "On n'demande qu'à en rire" un sketch qui met en scène un télé-crochet réservé aux chanteurs victimes de tocs. Et obtient la note de 100/100. C'est la première fois qu'un humoriste remporte un tel succès dans l'émission. On le surnomme désormais "le prince de l'humour noir".

Son culot peut lui jouer des tours

Mais son impertinence ne lui rapporte pas toujours des applaudissements. En mai 2011, alors que son spectacle Hallelujah bordel ! remporte un certain succès, Jérémy Ferrari lâche "ce sera coupé au montage" lors d'un sketch à "On n'demande qu'à en rire". Il s'attire les foudres de Laurent Ruquier et de Catherine Barma, la productrice de l'émission. Ils lui reprochent de chercher à se faire sortir de l'émission pour pouvoir placarder "censuré" sur l'affiche de son one-man-show.

Si sa réplique était maladroite, sa sortie était toute réfléchie dans "Un soir à la tour Eiffel", l'émission d'Alessandra Sublet sur France 2. Invité le 14 janvier 2015, il déclare, amer : "J'ai pu dire tout ce que je voulais pendant plusieurs années... Faire des sketchs très durs et quand il y a eu un changement de direction, on m'a demandé de relire mes textes, et du coup j'ai arrêté de travailler sur France Télévisions". Et l'humoriste de prétendre ensuite avoir été invité par défaut, à la place de quelqu'un qui se serait désisté. L'animatrice le recadre alors sèchement : "On vous a invité en même temps que Bruno Gaccio car vous faites partie des rares de la jeune génération à parler de religions dans vos spectacles. Mais je vous donnerai votre ticket juste après." 

Dans l'émission de Laurent Ruquier, il s'est aussi brouillé avec Jean Benguigui en mai 2013. Les candidats de l'émission étaient invités à prendre la place des jurés. Et vice et versa. "Moi déjà, quand je vois deux juifs sur un plateau, j’enlève des points", lance-t-il, cité par le magazine Première. Quelques jours plus tard, Jean Benguigui révèle qu'il ne parle plus à Jérémy Ferrari à cause de cette blague. L'humoriste se dédouane en soulignant que Jean Benguigui trouve son "humour très drôle sauf quand il est visé".

Il ne laisse personne insensible

Si Yann Moix voit en lui le "prochain Desproges", tout le monde n'accroche pas à son humour, comme le raconte le JDDDans son nouveau spectacle, Vends deux-pièces à Beyrouth, Jérémy Ferrari commence en effet par demander aux spectateurs du fond de la salle de faire barrage en cas d'attaque terroriste. Le ton est donné. Mais l'hebdomadaire dominical précise que certains membres du public ont quitté la salle avant la fin de la première représentation de son spectacle.

"Quand il se prend trop sérieux et nous impose ses logorrhées démagogiques, il est fatiguant", critique le journaliste du JDD"Logorrhées", peut-être, mais qui ne sortent pas complètement de l'imagination de Jérémy Ferrari. L'humoriste se targue d'avoir des textes fondés sur de réelles connaissances. Et Le Monde de préciser qu'il a eu recours aux services d'un professeur de géopolitique, Jean-Antoine Duprat, pendant deux ans. "Je lui ai demandé de m’expliquer toutes les guerres qui ont jalonné l’histoire, des Sumériens jusqu’à aujourd’hui", dit-il. D'ailleurs, il met "les sources vérifiées du spectacle" à disposition des internautes sur son site web. Preuve de son sérieux dans l'humour.

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