Sous le choc après l'annonce du couvre-feu, le monde du spectacle vivant s'organise
Les professionnels du spectacle ont immédiatement réagi après les annonces d'Emmanuel Macron, en imaginant des solutions pour faire face aux nouvelles restrictions.
"On s'organise!" : encore sous le choc après la décision de couvre-feu qui les oblige à fermer à 21H00, les théâtres, déjà soumis à un protocole sanitaire draconien, se creusent désormais la tête pour replanifier pour la énième fois leur calendrier.
"C'est un couperet"
Spectacles avancés à 18H30, 18H45, 19H00, ajout de représentations les week-ends et peut-être tôt le matin : les salles de spectacles, érigées en bons élèves avec zéro cluster recensé officiellement depuis la rentrée, ont à peine eu le temps de se relever après plusieurs mois de fermeture qu'ils encaissent un nouveau coup.
Avec une grande inconnue : le public va-t-il être au rendez-vous dans une salle de théâtre ou de cinéma juste après le travail et pouvoir rentrer chez lui avant 21H00? "C'est un couperet", affirme Nicolas Dubourg, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac).
Le couvre feu achève de fragiliser le secteur de la création artistique. Le secteur public de la culture subventionnée ne comprend pas ce 2e choc après le confinement de Mars. Notre pratique sanitaire est exemplaire et ne justifie en rien cette mesure radicale.
— Nicolas Dubourg (@Dubourg_N) October 14, 2020
"S'il y a bien un endroit où il n'y avait pas ou peu de contaminations, ce sont les théâtres. On était en plein démarrage et là, avec une fermeture à 21H00, on va être en majorité à l'arrêt", a-t-il ajouté, les spectacles de soirée représentant globalement 80% du total des représentations de théâtre.
Il a rappelé que les salles avaient "embauché plus de personnel pour accueillir du public, ont désinfecté et aéré plus longtemps que ce qui est préconisé pour qu'il n'y ait pas le moindre risque", tout en jouant avec une jauge réduite.
? Y’a t’il une seule salle de théâtre déclarée foyer d’infection ?la bataille est rude mais à quoi sert de bombarder des lieux où l’ennemi est absent ?à Paris comme en tournée nous jouons devant des salles archi pleines . Le théâtre est aussi un endroit de réanimation !
— Jean Michel Ribes (@ribes_jm) October 15, 2020
"Y'a-t-il une seule salle de théâtre déclarée foyer d'infection? La bataille est rude mais à quoi sert de bombarder des lieux où l'ennemi est absent?", s'est indigné le directeur du Rond Point Jean-Michel Ribes sur Twitter.
#LeSpectacleContinue
Plusieurs salles se sont empressées d'annoncer une reprogrammation de leurs spectacles imminents,en avançant notamment certains, comme le théâtre du Chaillot, qui venait tout juste de rouvrir ses portes, la Philharmonie de Paris et plusieurs théâtres dont le Rond-Point, qui a tweeté #LeSpectacleContinue.
Nous mettons tout en œuvre pour maintenir les spectacles. La représentation de La Visite est avancée à 19h samedi 17 octobre et celles d'Exécuteur 14 à 18h30 du 17 au 23 octobre. Nous vous donnerons plus d'informations dès que possible ! #LeSpectacleContinue
— Théâtre du RondPoint (@RondPointParis) October 15, 2020
Edmond, pièce à succès qui n'a pas arrêté de jouer depuis quatre ans, est ainsi passée de 21H00 à 17H00 au théâtre du Palais Royal. Même le Crazy Horse fera son show en journée, le samedi et le dimanche à 15h30 et 18h.
La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui a dit comprendre "le terrible choc" et "le sentiment de désolation" ressenti par le monde du spectacle, a assuré qu'elle mettrait en place "des mesures d'accompagnement".
Une des solutions défendues par les théâtres est que le billet serve d'attestation pour les déplacements de spectateurs après 21H00. Une idée reprise jeudi par la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui veut engager des discussions avec Roselyne Bachelot.
"On se souvient de la fermeture du mois de mars"
"On se désole évidemment de ces conditions, mais on se souvient de la fermeture des théâtres du mois de mars", explique de son côté le directeur de l'Opéra Comique, Olivier Mantei, qui a lui aussi dû s'adapter. "On a cherché des solutions collectivement pour jouer coûte que coûte, pour garder l'activité culturelle dans un contexte contraint", dit-il.
La Salle Favart avait programmé six représentations d'Hippolyte et Aricie de Rameau (direction musicale de Raphaël Pichon, mise en scène de Jeanne Candel), tous les deux jours à partir du 12 novembre. "On a sauvé les six dates en les transformant - à partir du 11 novembre - en six matinées (donc à 15 h), deux mercredis, deux samedis et deux dimanches", a annoncé Olivier Mantei. "C'est ce qu'on fera sauf, évidemment, s'il devait y avoir des dérogations". Reste à espérer que le public sera présent, avec une jauge de 50% à 60% "pour le moment". Olivier Mantei, par ailleurs copropriétaire du théâtre des Bouffes du Nord, a également dû modifier l'horaire de la pièce des Chiens de Navarre, La peste c'est Camus, mais la grippe est-ce Pagnol ?, de 20h30 à 19h.
"On ne peut pas se contenter d'être des victimes"
Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la ville à Paris et du Festival d'Automne qui propose encore 28 spectacles - soit 120 représentations, d'ici au 1er décembre - a affirmé discuter avec d'autres théâtres d'une série de mesures pour faire face aux nouvelles restrictions.
"Nous allons discuter avec les organismes syndicaux pour que les salariés puissent commencer plus tôt et décaler leur pause ; nous allons demander aux entreprises de faire preuve de solidarité et de libérer des salariés se rendant au théâtre avec le billet comme preuve et nous allons tenter de nous adresser aux écoles mais aussi à tous les publics en jouant à 10H00", a-t-il dit à l'AFP.
"On va également demander aux artistes de doubler les représentations les samedis et les dimanches mais aussi d'ouvrir les théâtres durant les vacances de la Toussaint. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles", a-t-il dit.
Selon lui, "il y a certes un sentiment d'injustice compréhensible mais c'est le moment d'empêcher un désespoir collectif. On ne peut pas se contenter d'être des victimes".
Cet état d'esprit combatif est partagé par Jean-Marc Dumontet, propriétaire de plusieurs théâtres parisiens. "Ce sont encore des mesures contraignantes; dans le Point Virgule, j'évince deux spectacles sur trois, c'est triste. Mais on doit s'adapter, on va ajouter des dates et avancer l'heure de spectacles pour montrer au public qu'on joue, qu'on vit".
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