"La maison du Loup" : à la recherche de l’étincelle perdue ou à la rencontre de Jack London avec l'auteur Benoit Solès
De la sueur, des larmes, du désespoir, de l’engagement…Comment survivre à son succès ? Comment accoucher de mille mots par jour quand on n’a plus rien à dire au monde. Jack London, interprété par un Amaury de Crayencour saisissant d’authenticité, se réfugie dans l’alcool, ressasse ses souvenirs, et s’occupe de ses cochons dans sa vaste propriété "La Maison du Loup". Charmian, sa femme, sa partenaire, la précision est importante, n’en peut plus de l’épave qu’il est devenu : un homme riche, dépossédé de son âme, indifférent à ce qui l’entoure. Blasé, l’auteur de L’appel de la forêt manie le sarcasme et cultive le cynisme. Le personnage, sous son air bravache, craquèle de toutes parts sous nos yeux.
Qu’est-il donc devenu le roi des best-sellers ?
Quand Ed Morrell, incarné par un Benoit Solès très investi, jusqu’à la douleur physique, rejoint la demeure de l’auteur à succès, à l’invitation de sa femme. S’installent alors des attentes et des espoirs chez tous les protagonistes. Au risque de malentendus et de déceptions. L’histoire, donc. Ed Morrell arrive au domaine de Jack London sous un soleil caniculaire, en cet été 1913, accueilli par Charmian, jouée par Anne Plantey. Tout juste sorti de prison, Ed Morrell cherche à convaincre l’auteur de Martin Eden à l’aider à sauver son ami Jacob, condamné à la peine de mort. Charmian attend, elle, la renaissance de son mari, l’étincelle qui embrasera son inspiration. Celui qui semble le moins concerné est le principal intéressé lui-même, agressif car angoissé. Et c’est dans cet espace, entre chien et loup, que l’intrigue évolue avec une rare densité.
A la rencontre de Jack London
Comment est née la pièce ? « Pendant le confinement, alors que nous étions tous enfermés, j’ai ressenti un désir d’évasion, de voyage. Alors, j’ai relu Jules Verne, Stevenson, Kerouac et bien sûr... Jack London ! En relisant son Martin Eden, j’ai découvert l’existence d’un autre roman, son dernier chef-d’œuvre : Le vagabond des étoiles. Ce livre relate l’histoire d’un prisonnier qui se retrouve ”confiné à l’isolement” dans une cellule de deux mètres sur trois. Le contraire du voyage, en quelque sorte », explique Benoit Solès, auteur de la pièce, doublement récompensé aux Molières pour sa précédente création La machine de Turing en 2019. Son interprétation d’Ed Morrell relève du défi physique, habité qu’il est par une urgence vitale. A relever aussi le rôle d’Anne Plantey, qui a su donner à son personnage une présence intense, amoureuse pleinement et lucide totalement. Une personnalité féministe avant l’heure, avant-gardiste.
Les comédiens évoluent dans un décor qui évoque la stabilité de la grande demeure mais aussi les grands espaces grâce à une barque agrémentée de malles et de valises. La mise en scène, signée Tristan Petitgirard, est à la fois sobre et efficace. Les personnages sont dans leur cadre naturel. La maison du Loup, une pièce saisissante. Amaury de Crayencour, Benoit Solès et Anne Plantey, des comédiens impressionnants.
Fiche
Titre : La maison du Loup
Auteur : Benoit Solès
Artistes : Amaury de Crayencour, Benoit Solès, Anne Plantey
Metteur en scène : Tristan Petitgirard
Durée : 1h30
Lieu : Théâtre Rive Gauche, 6 rue de la Gaîté, 75014 Paris
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