"La nuit sera blanche" au théâtre de l’Aquarium : Dostoïevski revisité par Lionel González
Il est seul devant le public. S’adresse-t-il à lui ou à un "vous" particulier ? Un homme seul, Lionel González, face à la multitude, à la société. L’homme a beaucoup de choses à dire. La nuit risque d’être longue et blanche. Sa femme s’est défenestrée. Un suicide qu’il ne s’explique pas.
Pour lui, toute cette histoire n’a pas de début. Terrassé, il n’arrive pas à raisonner. Dans cette première partie de la pièce, Lionel González est hagard, submergé par l’émotion. Il ne finit pas ses phrases, la confusion s’emparant de lui à tout moment. Épuisé, il tient pourtant à se raconter, à raconter sa femme. Il prend le public à témoin.
"La révolution, c'est biologique"
Sur le mur en béton, comme un graffiti. "Figurez-vous un mari dont la femme, une suicidée qui s’est jetée par la fenêtre il y a quelques heures, gît devant lui sur une table." La citation est de l’écrivain russe Fédor Dostoïevski qui introduit ainsi, dans sa note d’auteur, la trame de sa nouvelle La Douce.
Sur le plateau dépouillé, Lionel González est en quête de sens. Alors, le personnage revient sur son passé tumultueux et son présent incertain. Il aime sa femme profondément, totalement. Son monologue introspectif l’emmène lui. Il se souvient. Sa mémoire est forcément sélective. Il se souvient de sa première rencontre avec sa femme dans sa petite boutique de prêteur sur gages. Il se rappelle aussi qu’il était un aristocrate déchu, un officier renvoyé à la vie civile. L’homme ressasse ses échecs.
Pourquoi ? Pourquoi s’est-elle suicidée ? L’homme se heurte au mur de la non-communication. Mais au fil du monologue introspectif, les pensées s’aiguisent, les mots viennent dire l’indicible et le brouillard s’éclaircit peu à peu. La nuit sera blanche est aussi une belle expérience sensorielle. À droite de Lionel González, Thibault Perriard accompagne le texte avec un univers sonore original tandis que derrière lui, en cuisinière muette, Jeanne Candel apporte la contradiction dans une performance artistique remarquable. Lionel González, convaincant en homme torturé et accablé par des tragédies à la recherche d’une rédemption. La nuit sera blanche, une expérience multisensorielle qui nous introduit, avec une rare intensité, dans l’univers de Dostoïevski.
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