Le Théâtre du Châtelet annonce le départ de Ruth Mackenzie, sa directrice artistique
Ce départ surprise fait suite à un audit pointant "des problèmes managériaux et financiers" selon une source proche du dossier.
Pressions sur le personnel, recours à des entreprises extérieures, déficits financiers : cible de lourdes critiques, la directrice artistique du Théâtre du Châtelet Ruth Mackenzie a été écartée vendredi d'une des plus prestigieuses scènes françaises.
Un bref mandat marqué par des controverses
La Britannique de 63 ans avait été nommée en 2017 à la tête du théâtre historique - l'un des plus beaux de Paris - mais a dû attendre 2019 pour annoncer sa première saison, en raison de deux ans de travaux. Son bref mandat a été marqué par des controverses, notamment celle de DAU, projet immersif - et coûteux - qui avait pour but d'emmener le public dans un "voyage" en Union soviétique sur trente ans à travers films, reconstitution de décors, concerts, conférences et performances au Théâtre du Châtelet et au Théâtre de la Ville.
Cette crise intervient alors que l'ensemble du milieu du spectacle vivant est encore dans la tourmente de la crise sanitaire. Une source très proche du dossier a affirmé à l'AFP que "l'affaire couvait depuis longtemps et c'est le conseil d'administration du Châtelet qui a demandé à Ruth Mackenzie de partir à la suite d'un audit mené par un cabinet indépendant". Dans un courrier électronique adressé à des journalistes, le théâtre a annoncé laconiquement que la Britannique quittait ses fonctions, sans explications.
"Ce sont des problèmes multiformes : il y avait une difficulté globale dans son travail depuis le départ", a indiqué la source, sous couvert d'anonymat. "La partie visible de l'iceberg, ce sont les accusations dirigées contre elle par son équipe", qui a porté plainte auprès du comité social et économique (CSE) du théâtre, mobilisant le conseil d'administration. "L'audit a montré de sérieux déficits managériaux ; il y avait une souffrance au travail du fait de la pression exercée sur les salariés et surtout un manque de reconnaissance de leur travail", explique la source.
Trois millions euros de déficit
D'après elle, il y avait en outre "une tendance à recourir à des boîtes extérieures pour faire le boulot ; ça a provoqué des crispations tout à fait compréhensibles et c'est ça qui a mis le feu aux poudres". Le Châtelet est un théâtre municipal et la Ville de Paris, qui n'a pas réagi dans l'immédiat, le subventionne à hauteur de 15,8 millions d'euros, sans compter les 35 millions déjà déboursés sur le rénovation et trois millions d'euros pour l'achat de matériel en 2019.
"Depuis sa prise de fonctions, le Châtelet a accusé trois millions d'euros de déficit. Il y a eu une première saison très onéreuse avec un résultat très mitigé et une absence de pilotage financier", poursuit la même source. Un projet comme le très contesté DAU a "dépassé très largement les 150 000 euros investis par le Châtelet". Si quelques productions ont eu du succès, notamment la production décalée de Saül, oratorio de Haendel mis en scène par Barrie Kosky, il y a eu final très peu de créations.
La première saison avait été assez éclectique, de la comédie musicale à l'oratorio baroque, en passant par des performances de rue. La création du rappeur Abd Al Malik, Les Justes, présentée comme un Hamilton à la française sur un texte de Camus, n'a pas eu l'effet escompté. Ruth Mackenzie, qui n'a pas réagi dans l'immédiat, avait clamé à plusieurs reprises son intention d'attirer un public qui ne fréquente pas généralement le Châtelet, connu pour ses comédies musicales.
Thomas Lauriot reste directeur général
"Il y a une promesse de faire la révolution culturelle mais au final avec des productions hyper chères. La reprise d'Un Américain à Paris a coûté plus cher que sa création", a indiqué la source. Cette comédie musicale, commandée par le prédécesseur de Ruth Mackenzie, Jean-Luc Choplin - actuellement directeur du Théâtre Marigny - a été l'un des plus gros succès du Châtelet ces dernières décennies.
Le directeur général, Thomas Lauriot dit Prévost, restera à son poste. Ruth Mackenzie, ancienne directrice artistique du Holland Festival aux Pays-Bas a également dirigé les Olympiades culturelles de Londres 2012, le Festival international de Manchester (2006-2007) et le Scottish Opéra (1997-1999). Elle a aussi conseillé les institutions culturelles les plus renommées, comme la Tate Modern (le grand musée d'art moderne et contemporain de Londres) en 2013.
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