Tiago Rodrigues, le nouveau directeur du Festival d'Avignon, à l'affiche quatre fois cet automne à Paris
Avec quatre spectacles à Paris et une dernière date de tournée en région, Tiago Rodrigues, le nouveau directeur du Festival d'Avignon, devient incontournable cette saison.
Ses professeurs au Conservatoire à Lisbonne ne croyaient pas en son talent pour les planches et il n'a jamais rêvé d'être dramaturge, mais c'est comme si les fées du théâtre s'étaient penchées sur le berceau de Tiago Rodrigues, le nouveau directeur du Festival d'Avignon. Premier étranger à être nommé à la tête de la prestigieuse manifestation théâtrale depuis sa fondation par Jean Vilar en 1947, ce Portugais de 45 ans préfère parler de "coïncidences poétiques" qui ont jalonné sa vie.
Comme ce "début d'un amour mutuel" en 2015, quand il est venu pour la première fois dans la cité des papes pour présenter sa version d'Antoine et Cléopâtre de Shakespeare. "Venir à Avignon, c'est comme si on rencontrait Antigone. J'ai été bouleversé, je suis tombé amoureux et, là, on s'est marié", plaisante-t-il dans un entretien avec l'AFP.
Un Festival d'Avignon tourné vers l'international
L'artiste, dont le débit de parole rapide tranche avec le calme qu'il dégage, a beaucoup de projets pour "le plus beau festival au monde", à commencer par "une langue invitée" chaque année. Pour sa première édition en juillet 2023, "ça sera l'anglais, avec plusieurs pièces", venant par exemple de Grande-Bretagne, du Nigeria ou d'Afrique du Sud, "pour redécouvrir la diversité de cette langue dominante, ses grands trésors culturels mais aussi ses problèmes historiques et coloniaux".
A l'heure du Brexit, "nous avons le devoir en Europe de créer de nouveaux tunnels, de nouveaux ponts". De nouvelles passerelles aussi avec des artistes qui auraient "une vision opposée du théâtre" que la sienne : "On doit se permettre une contradiction esthétique et même politique", martèle-t-il. Il compte approfondir le travail déjà entamé par son prédécesseur, Olivier Py, pour faciliter l'accès au festival des jeunes et du public éloigné en instaurant une sorte de "première fois à Avignon"; et développer la "conscience écologique" en favorisant "les pratiques durables", au niveau de la production des spectacles.
A l'affiche à Paris et en tournée
Les amateurs de théâtre le connaissent bien depuis By Heart (2014), lorsqu'il fait apprendre aux spectateurs par coeur le sonnet 30 de Shakespeare. Il présente cet automne pas moins de quatre pièces à Paris, écrites et mises en scène par lui.
La première, Choeur des amants, est la suite d'une pièce du même nom, créée treize ans plus tôt. En octobre prochain, se joue l'histoire d'un couple mis à l'épreuve et interrogeant sans cesse son amour au fil du temps. Le dramaturge invite Alma Palacios et David Geselson à incarner ces amants, dans une mise en scène épurée, sur les plaches des Bouffes du Nord.
Aux Bouffes du Nord encore, il présente une pièce controversée dans son pays: Catarina ou la beauté de tuer des fascistes. Une dystopie fondée sur l'idée "d'une victoire de l'extrême-droite au Portugal en 2028". Profondément politique, elle met à nu la violence dans les démocraties en posant "un paradoxe : doit-on être tolérant envers les intolérants au risque de sortir du jeu démocratique?". Le doute demeure.
Dans Entre les lignes, au théâtre de l'Athénée, c'est la relation d'un auteur avec son acteur qui est interrogée. Ici, l'auteur peine à écrire sa nouvelle pièce. Rongé par le doute, il n'hésite pas à laisser s'impatienter l'acteur.
Au Théâtre de l'Odéon, Tiago Rodrigues reprend Dans la mesure de l'impossible, une immersion dans la vie d'un travailleur humanitaire. Le spectateur découvre la souffrance et la violence de ces femmes et hommes qui tentent, parfois en vain, de changer le monde. En s'appuyant sur des entretiens menés auprès d'humanitaires à Genève, Tiago Rodrigues adopte une approche aussi poétique que journalistique
Après une apparition remarquée l'an passé au Festival d'Avignon, La Cerisaie est jouée à La Rochelle, du 21 au 23 septembre 2022. Cette pièce d'Anton Tchekhov raconte la disparition douloureuse d'un verger de cerises, emportée par la modernité.
Le Portugal, toujours
Ces deux pièces reposent comme souvent dans son travail sur une "recherche journalistique ou documentaire". Rien de surprenant venant du fils d'un journaliste et d'une médecin, deux intellectuels qui ont participé à la révolution des Oeillets. "Mon père a dû s'exiler pendant la dictature (salazariste) en France", raconte-t-il. Né à Lisbonne après la révolution, il a été "très marqué par la mémoire des gens qui se sont battus contre le fascisme et la dictature". Il garde le souvenir, chaque 25 avril, de la grande marche pour le Jour de la Liberté. D'ailleurs, "l'Avenida da Liberdade se terminait en face"... du Théâtre national Dona Maria II, qu'il dirigea pendant sept ans.
En rejoignant le Conservatoire de Lisbonne, les débuts ne sont pourtant pas prometteurs, ses professeurs n'étant pas convaincus par son talent. "Ils avaient peut-être raison", rit-il. Il enchaîne journalisme télévisé, écriture de poèmes, cinéma, mais sait qu'il veut faire du théâtre après une rencontre avec le célèbre collectif flamand tg STAN, avec qui il joue partout en Europe. "De cette expérience, j'ai gardé le goût du travail collectif, le refus de la hiérarchie et l'amour des mots", souligne-t-il.
. "Dans la mesure de l'impossible", du 20 septembre au 14 octobre, Théâtre de l'Odéon, à Paris
. "La Cerisaie", du 21 au 23 septembre, La Coursive, à La Rochelle
. "Catarina et la beauté de tuer des fascistes", du 7 au 30 octobre, aux Bouffes du Nord, à Paris
. "Choeur des amants", du 8 au 29 octobre, aux Bouffes du Nord, à Paris
. "Entre les lignes", du 23 novembre au 17 décembre, l'Athénée, à Paris
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