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Droits télé du foot français : "Canal+ est en situation de monopole et l'a fait savoir", estime un spécialiste

"Avec l'arrivée de Canal+ et la disparition de Mediapro, c'est un retour à la réalité", a expliqué Pierre Maes, spécialiste des droits du sport.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Les locaux de Canal + à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), en novembre 2017. (MARTIN BUREAU / AFP)

"Canal+ est en situation de monopole, l'a fait savoir, et la Ligue en a enfin pris conscience", a analysé vendredi 5 février sur franceinfo Pierre Maes, spécialiste des droits du sport, à propos de l'accord conclu jeudi entre la chaîne et la Ligue de football professionnel (LFP). Canal+ a finalement obtenu la diffusion des matchs de Ligue 1 de football, en totalité, et de Ligue 2, en partie, jusqu'à la fin de la saison. La LFP va ainsi perdre 50% des revenus télévisuels prévus, soit 600 à 700 millions d'euros.

franceinfo : Peut-on dire que c'est un joli coup pour Canal+ ?

Pierre Maes : C'est l'expression d'une domination absolue dans le rapport de force entre Canal+ et la Ligue. Rien de surprenant. Canal+ est en situation de monopole, l'a fait savoir, et la Ligue en a enfin pris conscience. Derrière la Ligue, ce sont les clubs qui sont en besoin d'argent. Pour eux, c'est une belle bouée de sauvetage, même si le sauvetage n'est pas assuré. Ils ont une bouée pour se raccrocher, puisque Canal+ va payer 200 millions tout de suite. Cela va permettre de réinjecter du cash auprès des clubs qui sont en cruel manque et qui n'ont rien touché lors du mercato, alors que les transferts sortants représentent une partie importante de leur business plan.

Comment cela va se passer ensuite ? C'est un tournant dans la diffusion des droits TV ?

Après, il y a des gros points d'interrogation. Tout cela est très provisoire. Cela ne concerne que la fin de cette saison 2020-2021 et les points d'interrogation sont ouverts pour les saisons suivantes. Quelle va être la procédure ? De gré à gré ou un appel d'offres ? Personnellement, je pense que ce seuil de 600 à 700 millions d'euros [perdus pour la LFP] sera celui que nous trouverons pour les années suivantes.

Qu'est-ce que cela dit de ce que vaut le foot français aujourd'hui ?

C'est très difficile d'attribuer une valeur au foot français en tant que tel. En fait, la valeur des droits télé est une valeur qui est extrinsèque. Ce n'est pas une valeur qui est liée au produit. La valeur vient de la concurrence entre les opérateurs télé pour s'approprier les droits. Aujourd'hui, on a une situation de quasi-monopole pour Canal+ et donc les droits s'écrasent. Rien de plus normal. Depuis 2012 et l'arrivée de beIN, et les arrivées successives d'Altice, RMC Sport et de Mediapro, on a eu jusqu'à quatre opérateurs concurrents en France, ce qui était complètement unique en Europe. Donc, forcément, le prix des droits s'est enflammé à la proportion de cette situation tout à fait unique. Ce qu'il faut retenir de la parenthèse Mediapro, c'est qu'il ne faut pas faire confiance aux aventuriers. Ici, c'est clairement l'expression de l'explosion de la bulle. Et avec l'arrivée de Canal+ et la disparition de Mediapro, c'est un retour à la réalité.

"Il est possible qu'on lance une nouvelle chaîne pour l'occasion", indique Maxime Saada, le patron de Canal+. Est-ce un scénario qui vous paraît possible ?

Ce que Canal+ doit faire ici, en tout cas sur le reste de la saison, c'est gérer du volume. Canal+ a plutôt mis l'accent jusqu'ici sur des affiches et là, ils doivent diffuser tous les matchs, ce qui est une première. Créer une chaîne pour ça, pourquoi pas ? Mais je ne les vois pas, par la suite, rester dans cette optique de volume pour les saisons 2021-2022 et les suivantes, à la fois pour des raisons de concurrence et pour des raisons de marketing. Ils se verraient bien avec un concurrent qui ne leur fait pas trop d'ombre et qui prenne un package des lots secondaires, comme DAZN le fait en Italie.

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