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Chasse au trésor au large de Madagascar : la véritable histoire du butin du capitaine Kidd

Des explorateurs américains assurent avoir découvert l'épave du navire sabordé à la fin du XVIIe siècle par le pirate écossais. Parmi les restes du bateau, ils espèrent retrouver une partie de son précieux magot. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Une barre en argent retrouvée près de l'île Sainte-Marie, à l'est de Madagascar, jeudi 7 mai 2015.  (MANJAKAHERY TSIRESENA / AFP)

Ile Sainte-Marie, près de Madagascar, jeudi 7 mai. L'explorateur américain Barry Clifford revient d'une plongée dans un cimetière d'épaves découvert quinze ans plus tôt dans une baie de cette petite île, autrefois repaire des pirates des mers du Sud. Avec son équipe, il remonte l'une des plus belles prises de sa carrière : une barre d'argent de 45 kilos, "un lingot", sur lequel sont gravées de mystérieuses inscriptions. "Toutes les preuves indiquent que celui-ci appartient au trésor du capitaine Kidd", s'enthousiasme l'explorateur, le sourire vissé aux lèvres lorsque, toujours vêtu de sa combinaison en néoprène, il remet son trésor au président malgache, Hery Rajaonarimampianina, venu le cueillir sur la terre ferme.

L'épave de l'Adventure Galley, s'il s'agit bien du navire sabordé par le pirate Kidd lui-même, "est une découverte incroyable pour mon équipe, mais encore plus pour Madagascar et l'histoire du monde", s'enflamme l'Américain. Car William Kidd figure au côté de Barbe Noire au panthéon des pirates qui régnaient sur l'océan, du temps où des navires chargés d'or et de merveilles faisaient la navette entre les Indes, l'Europe et le Nouveau monde. Figure historique mais néanmoins mystérieuse, Kidd est mort pendu à Londres le 23 mai 1701, laissant derrière lui une légende : il aurait planqué son magot. Oui, mais où ? 

Francetv info revient sur cette chasse au trésor mondiale qui se poursuit depuis 300 ans sur tous les océans du globe.

A Madagascar, un butin ou de simples restes d'épaves ? 

Ancien marchand écossais respectable installé à New York (alors colonie britannique), William Kidd a fini sa vie en tant qu'ennemi public numéro un de la couronne britannique. Les motifs de sa conversion au métier de pirate divergent selon les historiens, mais lorsqu'il accoste à New York en 1701, il est aussitôt arrêté et envoyé à Londres, où il est jugé et pendu. Il revient alors d'une expédition dans l'océan Indien pendant laquelle il prétend avoir amassé plus de 40 000 livres sterling, selon sa propre correspondance, lue à son procès. 

Son dernier fait d'armes connu s'est produit à l'est de Madagascar. Voulant se débarrasser de son vieux bateau, l'Adventure Galley, le capitaine dérobe le navire d'un marchand indien, le Quedagh Merchant, de retour du Bengale avec, à son bord, des tissus (soie, mousseline, coton, etc), de l'opium, des épices, et surtout, des coffres remplis d'argent, explique le docteur Sebouh Aslanian, professeur d'histoire à l'université de Los Angeles (Etats-Unis) dans un ouvrage de 2011 (en anglais) consacré aux échanges maritimes entre océan Indien et Méditerranée. L'Adventure Galley termine quant à lui ses jours au fond d'une petite baie de l'île de Sainte-Marie, qui servait de port naturel, à quelques encablures à l'est de Madagascar. 

A l'issue de quinze ans de recherches sur le site, l'explorateur américain, star d'une série documentaire réalisée par la chaîne History (en anglais), assure l'avoir enfin retrouvé. Mais pour l'historien Robert Ritchie, auteur d'un ouvrage sur le capitaine Kidd, inutile de s'enflammer à l'annonce de ce nouveau coup d'éclat du très médiatique Clifford : "S'il n'y avait qu'un navire coulé dans ce port, je pourrais croire qu'il est bien lié au Captain Kidd. Mais de nombreux bateaux ont coulé là-bas. J'ai de gros doutes, mais qui sait ?" a-t-il confié jeudi au Washington Post (en anglais). Surtout, "le pirate a vidé l'Adventure Galley avant de le couler", emportant avec lui son butin à bord de son nouveau bateau. "Je l'imagine mal laisser des barres d'argent derrière lui", conclut Robert Ritchie. 

Et s'il fallait chercher du côté des Caraïbes ? 

Si le butin du capitaine Kidd ne gît pas dans les eaux malgaches, faut-il le chercher du côté de l'épave du Quedagh Merchant ? Avec son bateau volé, le pirate a effectivement atteint les côtes de la partie espagnole de l'île d'Hispaniola (aujourd'hui la République dominicaine) en 1699. Mais lorsqu'en 2007, son épave a été retrouvée par des scientifiques de l'université de l'Indiana, ces derniers n'ont trouvé ni coffres, ni diamants, expliquait alors National Geographic (en anglais). Seule consolation, ses canons et ses ancres, vestiges plantés dans le sable depuis plusieurs siècles, constituent "un incroyable musée vivant", selon l'archéologue Charles Beeker, qui étudie les restes du vaisseau. 

Les historiens pensent encore que le bateau a été vidé de ses trésors avant d'être brûlé et abandonné par Kidd, selon le site du magazine. Pas de quoi décourager les chasseurs de trésor.

Sur la terre ferme alors ? Enterré sur la côte nord-est des Etats-Unis ? 

De retour sur la côte nord-est des actuels Etats-Unis (alors colonies britanniques), se sachant traqué par les autorités, le pirate a voulu mettre son magot à l'abri. Dès son arrestation, la correspondance de ce dernier a indiqué qu'il avait enterré sa fortune. Ainsi, cet article du New York Times (en anglais), daté de novembre 1901, évoque une lettre de William Kidd à un certain John Bailey, dans laquelle il lui indique l'emplacement exact où il a enterré "entre 15 000 et 20 000 livres d'argent, de bijoux et de diamants". "Cette lettre, si elle est authentique, fait allusion au trésor enterré par Kidd sur Gardiners Island", non loin de New York, poursuit le quotidien.

Gardiners Island, à la pointe de l'Etat de New York, face aux côtes du New Jersey (Etats-Unis).  ( GOOGLE MAPS)
 

Car le pirate en cavale a bien visité cette petite île privée appartenant à la famille du même nom. En échange d'un sac de sucre et de cadeaux divers, comme cette cruche, mise aux enchères en 2013, les propriétaires ont même accepté de garder le précieux butin sur leurs terres. Mais au moment du procès, la famille a accepté de restituer les quelque 10 000 livres enfouies sous terre, ainsi que des objets ramenés par Kidd de Madagascar.

Persuadés que cela ne constituait qu'une infime partie de la fortune du capitaine Kidd, les curieux n'ont cessé d'inspecter les côtes nord-américaines. Dans le New Jersey, à Cape May, à Ocean City, sur les plages des Highlands, de Sandy Hook ou encore de Cliffwood, touristes et jeunes admirateurs de Jack Sparrow (oui, le personnage du film Pirates des Caraïbes) s'improvisent encore chasseurs de trésors, raconte The Daily Beast (en anglais), 300 ans après la mort de Kidd. Les amateurs de légendes se retrouvent quant à eux sur l'île de Oak Island, en Nouvelle-Ecosse (Canada) : selon une théorie fantasmagorique, le pirate aurait caché sa fortune sur un site découvert en 1975 et baptisé "le trou de l'argent", poursuit le site dans un article consacré à cet autre mystère.

Au musée peut-être ? 

L'historien Robert Ritchie a choisi d'épouser la théorie la moins farfelue. Pour lui, les preuves suggèrent que les autorités ont récupéré tout ce qu'ils ont pu trouver du trésor de William Kidd, et l'ont envoyé avec lui, à Londres, pour son procès, écrit le Washington Post. 

Dans son livre The pirate hunter, the true story of Captain Kidd (en anglais), l'historien Richard Zacks indique que, trois ans après l'exécution du pirate, le tribunal londonien a accepté de reverser "une certaine portion" des biens saisis aux marchants floués (dont le propriétaire du Quedagh Merchant), laissant le reste entre les mains de l'Amirauté britannique.

En attendant, pour trouver à coup sûr des trésors du capitaine, reste les expositions (comme ici à Londres en 2011) ou les ventes aux enchères. Un destin bien ennuyeux pour le butin d'un pirate décidément bien différent des Jack Sparrow et Willy Le Borgne hollywoodiens. 

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