Comment le président Wade tente de verrouiller l'élection au Sénégal
L'actuel président du pays est bien décidé à rempiler pour un troisième mandat, quitte à malmener ses concurrents. L'opposition dénonce un coup d'Etat institutionnel.
Opposants écartés, Constitution contournée... A la tête du Sénégal depuis 2000, Abdoulaye Wade a bien l'intention de rempiler pour un troisième mandat. Si le Sénégal est un des rares pays d’Afrique de l’Ouest à ne jamais avoir connu de coup d’Etat, la situation actuelle se tend.
Des affrontements se sont à nouveau produits à Dakar samedi 18 février, à huit jours du premier tour de la présidentielle, entre des policiers et des jeunes qui voulaient maintenir une manifestation interdite par le pouvoir dans le centre de la capitale. Trois opposants du mouvement "Y'en a marre" avaient déjà été arrêtés la veille. Plus que jamais, le président Wade, âgé de 85 ans, semble resserrer les verrous du palais présidentiel.
La tentation népotiste
En juin 2011, Abdoulaye Wade fait adopter un projet de réforme constitutionnelle visant à abaisser à 25% le seuil des voix nécessaires au premier tour pour élire un ticket président/vice-président. L’opposition s’insurge contre ce projet, estimant que cela revient potentiellement à permettre à l’actuel président d’installer son fils, Karim Wade, aux fonctions suprêmes.
Des milliers de Sénégalais descendent dans les rues de la capitale, Dakar, le 23 juin, jour où la loi est examinée au Parlement. La manifestation se transforme vite en émeute opposant les forces de l’ordre aux protestataires.
C'est un premier échec pour Abdoulaye Wade, qui décide, sous la pression de la rue, de retirer le projet de réforme, relate Le Monde.fr.
Wade impose sa candidature contre la Constitution
L’autre point de litige concerne la candidature même d’Abdoulaye Wade. En effet, depuis 2001, la Constitution sénégalaise prévoit d’empêcher un président d’effectuer plus de deux mandats consécutifs de cinq ans. Mais le Conseil constitutionnel - dont les cinq Sages ont été nommés par Wade - a validé sa candidature pour un troisième mandat le 27 janvier, comme le rapporte Jeune Afrique. Ils estiment qu'Abdoulaye Wade n’est pas concerné par cette réforme constitutionnelle, entrée en vigueur un an après son arrivée au pouvoir.
Des concurrents écartés de la présidentielle
Plus étonnante encore est la décision des Sages de rejeter la candidature de Youssou N’Dour. Selon eux, le chanteur n’aurait pas réussi à réunir les 10 000 signatures nécessaires pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle. Figure très populaire au Sénégal, "Youssou" avait pourtant déclaré avoir recueilli plus de 13 000 signatures, raconte Paris Match. "Le processus de coup d’Etat constitutionnel est consommé", avait-il ajouté, accusant Wade de faire barrage à sa candidature. Les candidatures de trois autres concurrents, anciens Premiers ministres de Wade, sont également retoquées.
Les manifestations de l’opposition sont réprimées
Le 31 janvier, des milliers de Dakarois se réunissent pour protester contre le président Wade. La manifestation est réprimée par les forces de l’ordre.
Jeudi 16 février, ce sont trois leaders du collectif d’opposants "Y’en a marre" qui sont arrêtés par la police, alors qu’ils tentent de participer à un rassemblement interdit par le gouvernement. Si le collectif dit avoir fait toutes les démarches nécessaires pour organiser la manifestation, le ministre de l'Intérieur sénégalais, Ousmane Ngom, les accuse de "délit de vagabondage". Il ajoute que la liberté de manifestation est garantie, mais qu’elle s’exerce "dans un cadre bien précis". Un nouveau rassemblement anti-Wade est interdit par le pouvoir vendredi 17 février.
Abdoulaye Wade, qui s’était autoproclamé candidat du sopi ("changement" en wolof), semble aujourd’hui bien décidé à ce que rien ne change.
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