"À partir du 15, souvent il n'y a même plus d'argent pour faire des courses" : la Seine-Saint-Denis lance Vital'im, un chèque contre la précarité alimentaire

Sous la forme d'une carte de crédit, ce chèque alimentaire a pour objectif de permettre aux foyers les plus en difficulté de se nourrir et de manger des produits de meilleure qualité.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Une femme reçoit des explications sur le chèque alimentaire Vital'im. (BRUNO LEVY / DEPARTEMENT DE SEINE-SAINT-DENIS)

La pauvreté en France reste stable, mais certaines privations augmentent. C'est le résultat des dernières études sur le budget des Français. Un tiers d'entre eux a notamment du mal à faire trois repas quotidiens. Pour lutter contre l'insécurité alimentaire, la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine, vient donc de lancer un chèque alimentaire "durable", en coordination avec l'ONG Action contre la faim. L'expérimentation va concerner 1 350 personnes jusqu'en 2027 : des séniors, jeunes femmes enceintes, jeunes mères ou encore des étudiants. Objectif : aider les plus précaires à se nourrir et mieux.

Ce projet baptisé Vital'im a commencé au début du mois à Montreuil, 215 foyers ont reçu leur carte du même nom. Elle fonctionne comme une carte déjeuner créditée de 50 euros par personne du foyer chaque début de mois. Milène a donc reçu 200 euros pour elle, son compagnon et leurs deux enfants. D'habitude, à cette période du mois, elle n'achète plus rien.

"À partir du 15, souvent il n'y a même plus d'argent pour faire des courses. Il n'y a pas de repas matin, midi et soir. Il y a des moments, on ouvre le placard mais il n'y a rien. Mais on fait comme si on était bien. On fait semblant de ne pas voir ça, de ne pas manger, pour ne pas penser quoi." Cette carte pour sa famille, c'est d'abord une bouffée d'oxygène.

"Je ne me soucie plus de comment va se passer la fin du mois, est-ce qu'il y aura quelque chose à manger. Non. J'arrive à payer, être à jour pour mes factures parce qu'avec ça, franchement depuis que ça a commencé : meilleure ambiance à la maison, tout le monde est dans son assiette, tout le monde est rempli, ça nous aide, quoi." 

Milène, bénéficiaire de Vital'im

à franceinfo

Ludivine, elle, compte utiliser  cette carte pour sortir manger quelque part en famille. "Cela fait longtemps que je veux emmener mes enfants manger quelque part, dans un restaurant. J'ai prévu de le faire avec la carte", explique-t-elle. Ludivine a également participé à des ateliers cuisine encadrés par une diététicienne organisés par le Secours populaire de Montreuil dans le cadre de ce projet Vital'im. 

Mieux consommer, durablement

La carte Vital'im dispose d'un aspect particulier : les achats de produits "durables" comme des fruits et légumes frais sont valorisés. Exemple avec ce fromage que Milène achète désormais dans le magasin bio à côté de chez elle. Elle a payé 5 euros avec sa carte, immédiatement recréditée de 2,50 euros, et signalés sur son portable. "Je ne rentrais pas, j'osais pas, je me disais c'est pas pour moi. Maintenant je rentre". Un bonus qui l'a encouragée à changer ses habitudes alimentaires. "Je mange des salades de tomates... Même mes soeurs quand elle voient ça elles rigolent, elles disent c'est pas toi, je dis ben oui ! Parce que j'ai découvert, j'arrive maintenant à acheter ça".

Vital'im ce n'est en effet pas qu'une simple carte, explique Mathilde Fassolette, chargée de projet pour Action Contre la Faim. "On a des associations locales qui proposent des activités aux usagers de la carte Vital'im autour de l'alimentation, des ateliers de cuisine, gérer son budget par rapport à l'alimentation. Ce sont ces deux volets : transfert monétaire et accompagnement santé et nutrition."

"On espère que ça va vraiment permettre d'améliorer un changement de pratique pour aller vers une alimentation plus durable". 

Mathilde Fassolette, chargée de projet pour Action Contre la Faim

à franceinfo

Mission réussie avec Paul, 61 ans, qui cuisine désormais ce qu'il a appris en atelier. "Comme une salade de haricots, ça, ça sert de viande, ça remplace. Parce que bon, il faut faire attention à tout."

Le projet doit durer jusqu'en 2027, et va être déployé dans trois autres villes de Seine-Saint-Denis : Clichy-sous-Bois, Villetaneuse et Sevran. Coût total : 2,3 millions d'euros, dont 1,5 million financé par l'Etat.

En Seine-Saint-Denis, un chèque alimentaire mensuel pour les plus précaires : reportage de Camille Marigaux

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.