Vol inaugural d'Ariane 6 le 9 juillet : "C'est le retour de l'Europe dans la course spatiale", se réjouit le PDG du CNES
"C'est le retour de l'Europe dans la course spatiale", s'est réjoui mercredi 5 juin sur franceinfo Philippe Baptiste, président-directeur général du Centre national d'études spatiales (CNES) alors que la date du vol inaugural d'Ariane 6 est prévue le 9 juillet prochain. Initialement prévu en 2020, le décollage d’Ariane 6 a été reporté à maintes reprises en raison de la pandémie de Covid-19 et des difficultés techniques.
"Ariane 6 revient dans la course. Le carnet de commandes est archi plein. Il y a plus de 30 lancements qui sont déjà commandés sur Ariane 6", a-t-il précisé. Philippe Baptiste assure "que tout le monde est très, très content d'avoir un compétiteur qui revient aujourd'hui face à la solution qui devient quasi hégémonique d'Elon Musk" avec Space X.
Franceinfo : C'est le lancement à ne pas rater ?
Philippe Baptiste : C'est fondamental ! L'Europe revient dans la course. Le programme a du retard. Depuis un an, l'Europe n'avait plus d'accès à l'espace. C'était simplement très, très embêtant pour ne pas dire dramatique. On est très, très heureux évidemment d'avoir cette date à laquelle on croit et qui va arriver maintenant, très vite. C'est le retour de l'Europe dans la course spatiale. Cette capacité d'accès à l'espace est absolument fondamentale. Vous n'avez pas de spatial si vous n'avez pas de lanceur, si vous n'avez pas de fusées qui vous permettent d'accéder à l'espace. Ma priorité, c'est évidemment le retour en vol d'Ariane et l'arrivée en particulier de ce nouveau lanceur Ariane 6 qu'on attend tous avec beaucoup d'impatience.
Vous avez mis l'accent aussi sur l'environnement. Comment fait-on pour décarboner les lancements spatiaux européens à Kourou ?
Il y a énormément de travaux qui sont déjà menés. Nos priorités, c'est d'abord de décarboner la base progressivement. C'est installer des panneaux photovoltaïques, c'est demain de produire de l'hydrogène vert, produire des carburants verts, directement issus de la biomasse. C'est un travail de long terme. Ça ne va pas se faire en un claquement de doigts. Ce sont des investissements qui sont conséquents, mais c'est aussi du temps. Il faut aussi convaincre, il faut expliquer… Mais effectivement c'est une des priorités, on est très, très mobilisés sur cette feuille de route de la décarbonation.
Elon Musk, le milliardaire à la tête de SpaceX, a taclé Ariane 6 disant qu'une fusée qui n'est pas au moins en grande partie réutilisable n'a pas d'avenir. Que lui répondez-vous ?
La question de la réutilisabilité est évidemment une question clé. Il est très clair que l'Europe et nous aussi, collectivement, on n'a pas assez cru dans cette technologie. Il faut maîtriser cette technologie. On a lancé depuis quelques années plusieurs programmes qui vont permettre à la France, au CNES et à l'Europe aussi, d'accéder à cette technologie de la réutilisabilité. Pour autant, ce n'est pas l'alpha et l'oméga. Ça dépend de vos besoins.
Aujourd'hui, c'est absolument clé pour Elon Musk parce qu'il doit répondre à ses propres besoins qui sont de lancer de très, très, très nombreux satellites de télécommunications en orbite basse pour Starlink. Dans ce cas-là, vous avez besoin d'avoir des cadences infernales et vous avez absolument besoin d'un lanceur réutilisable. La question est un petit peu différente pour nous aujourd'hui en Europe, à tort ou à raison. Aujourd'hui, je n'ai pas à commenter SpaceX.
"Ariane 6 revient dans la course. Le carnet de commandes et archi plein. Il y a plus de 30 lancements qui sont déjà commandés sur Ariane 6."
Philippe Baptiste, PDG du CNESsur franceinfo
Tout le monde est très content d'avoir un compétiteur qui revient aujourd'hui face à la solution qui devient quasi hégémonique d'Elon Musk.
Vous vous inscrivez dans un duel direct avec SpaceX ?
Non, ce n'est pas une question de duel. Aujourd'hui en Europe, tant d'un point de vue économique, que d'un point de vue de la souveraineté, on a besoin d'avoir une autonomie d'accès à l'espace. C'est une priorité pour la France et pour l'Europe. On est extrêmement engagés là-dessus.
L'Agence spatiale européenne vient de lancer un programme de soutien d'entreprises européennes pour développer un vaisseau, d'abord de fret, peut-être un jour un "habité". L'Europe en a-t-elle les moyens ?
On développe un cargo, c'est-à-dire qui n'est pas habité. Ce n'est pas un développement à la mode classique. On l'a déjà beaucoup fait. La question, c'est comment est-on capable de faire des cargos avec des capsules qui sont capables de faire l'aller-retour entre la Terre et la station spatiale ou les stations spatiales futures ? On veut les faire pas chers. C'est ça qui est fondamental. On veut faire ça avec des coûts qui sont extrêmement bas. Pour ça, on change radicalement notre manière de faire. La France est très allante sur le sujet. En particulier, on veut avoir de l'achat de services, c'est-à-dire donner aux industriels une très grande liberté, une très grande autonomie et une très grande responsabilité. Nous, on est là évidemment pour les aider et consolider leur business plan, c'est-à-dire leur garantir qu'à la fin, on va bien leur acheter du service.
On peut faire bien et pas cher ?
J'en suis absolument convaincu. On a tous les industriels en Europe qui sont capables de le faire aujourd'hui. On a des talents absolument incroyables dans le spatial. On a une ambition qui est extrêmement forte. Il faut y aller maintenant. Il faut démontrer qu'on est capable à la fois de continuer ce qu'on a fait, mais de nous renouveler profondément.
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