: Interview Vols annulés ou retardés : "Souvent, les passagers réclament juste un remboursement, alors qu'ils peuvent obtenir beaucoup plus", estime une juriste
Que faire en cas de vol annulé ou retardé ? Les passagers peuvent bien sûr contacter la compagnie aérienne concernée, mais la procédure de dédommagement peut parfois être un véritable chemin de croix. Des voyageurs, qui s'estiment lésés, ne font pas forcément les démarches alors qu'ils auraient droit à une compensation. Or des recours existent, et certaines entreprises composées de juristes, comme SkyRefund, AirHelp ou Flightright, se proposent de prendre les choses en main à la place des voyageurs. "Ils nous donnent tous les éléments et ils nous disent : 'vous me recontactez quand c'est fini !'", raconte Imane El Bouanani, responsable juridique France de Flightright.
franceinfo : Que réclament les passagers qui vous contactent ?
Imane El Bouanani : Les demandes qu'on a, ce sont des gens qui ont un vol annulé et qui disent : 'je n'ai pas voyagé, on ne m'a pas proposé autre chose, donc je veux un remboursement de mon prix du billet'. Quand un client vient sur notre site, il y a un calculateur, on lui pose des questions sur son vol et on lui dit qu'il y a un règlement européen de 2004 qui permet aux passagers d'obtenir une indemnisation et un remboursement - ce sont deux choses différentes - en cas de vol annulé, retardé ou surbooké. Cela va de 250 à 650 euros selon la distance du vol. Souvent, les passagers l'apprennent au moment où ils rentrent leur dossier. Et il arrive qu'ils réclament seulement un remboursement, alors qu'ils peuvent obtenir beaucoup plus.
On a très souvent quand même des passagers qui ont déjà tenté quelque chose. Ils ont eu soit une réponse négative, soit une réponse partielle, soit une réponse totalement négative. On a aussi des gens qui n'ont absolument aucune envie de gérer ça parce que c'est un mauvais souvenir pour eux. Ils veulent s'en débarrasser, ils veulent juste récupérer leur argent. Ils nous donnent tous les éléments et ils nous disent : 'Vous me recontactez quand c'est fini !'.
Peut-on systématiquement être indemnisé ?
Le règlement accorde une indemnisation si vous avez un vol annulé moins de 14 jours avant le départ, si vous avez un vol retardé de plus de 3 heures ou si vous avez été surbooké. C'est-à-dire si on vous refuse l'embarquement au moment où vous êtes arrivé et que ce n'est pas dû à votre retard, mais à la compagnie aérienne.
"La compagnie aérienne a un seul moyen pour légalement s'exonérer d'indemniser des passagers, c'est la preuve d'une circonstance extraordinaire. Et le problème, c'est que la preuve d'une circonstance extraordinaire, ça n'a jamais été défini par le règlement."
Imane El Bouanani, responsable juridique France de Flightright.à franceinfo
C'est un peu similaire à la force majeure en droit français, c'est un événement extérieur imprévisible et qui n'est pas du contrôle de la compagnie aérienne. On en a une liste maintenant. Typiquement, en cas de grève des contrôleurs aériens, les passagers ne peuvent pas obtenir d'indemnisation, mais le remboursement peut toujours être obtenu, de même que la prise en charge matérielle.
Comment vous y prenez-vous pour obtenir gain de cause ?
Nous, en tant que société, on fait la demande auprès de la compagnie aérienne au nom du passager. C'est à elle de nous prouver qu'en réalité le passager n'est pas éligible à une indemnisation. Et si la demande échoue, ou bien que l'on n’a pas de réponse, on propose au passager de saisir un avocat partenaire sans payer d'honoraires additionnels. Quand on obtient l'indemnisation pour le passager, on prélève environ 30% de frais de succès, c’est-à-dire sur l'indemnité, et ensuite on envoie les fonds au passager.
Si le dossier n'est pas concluant, le passager ne paie rien puisqu'on n'a même pas de frais d'entrée non plus. Vous avez autrement la possibilité de saisir un médiateur du tourisme. Ce médiateur est gratuit. Le seul problème, c'est que les délais sont énormes, il y a plus de plus d'un an pour avoir un retour. Et il rend un avis, donc ce n'est pas forcément contraignant pour la compagnie aérienne.
Le droit des passagers a-t-il évolué en leur faveur ?
On a pu obtenir de gros changements jurisprudentiels sur l'application du règlement au niveau français. On a été jusqu'à la Cour de cassation et même devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Il y a tout juste quelques mois, la CJUE a indiqué que la maladie d'un pilote n'était pas une circonstance extraordinaire, c'est-à-dire qu'elle n'est pas considérée comme un événement extérieur à la compagnie justifiant le refus d'indemniser.
Et l'attitude des compagnies aériennes a-t-elle changé au cours du temps ?
Si vous avez un passager tout seul qui fait une réclamation, il y a des chances que le passager abandonne très vite. Donc, on n'a pas forcément la même qualité de réponse. Je pense qu'il y a aussi une adaptation des compagnies aériennes face à des sociétés comme Flightright ou d'autres concurrents. Ils savent que c'est dans leur intérêt de nous répondre avec des réponses argumentées, notamment un refus d'indemnisation, plutôt que de ne pas répondre ou de donner une réponse assez large.
J'en ai fait l'expérience en tant que passagère qui a eu un vol perturbé. J'ai demandé ma réclamation pour une indemnisation et j'ai eu un retour lunaire. Et il a fallu en fait que je réponde en indiquant que j'étais une spécialiste du droit des passagers, en mettant mon compte LinkedIn en signature pour avoir ensuite un autre interlocuteur et une réponse avec un droit d'indemnisation.
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