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Fin des ventes de voitures thermiques en 2035 : le tout électrique est "un pari risqué", estime le président de la Plateforme automobile

Les députés européens votent mercredi sur la possibilité d'interdire la vente de voitures thermiques neuves (essence ou diesel) en Europe à partir de 2035.

Article rédigé par franceinfo
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  (CHRISTOPHE MORIN / MAXPPP)

"C'est un pari risqué" de choisir le tout électrique, a estimé mercredi 8 juin sur franceinfo Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA) et ancien ministre des gouvernement Fillon, ente 2007 et 2012. PFA rassemble la filière automobile en France (constructeurs, équipementiers, sous-traitants et acteurs de la mobilité) et représente les 4 000 entreprises du secteur automobile (400 000 emplois). Les députés européens doivent voter mercredi l’interdiction de la vente de voitures à essence neuves en 2035. Il s'agit de l'une des propositions du "paquet climat" de l'Union européenne visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. 

franceinfo : Êtes-vous prêts pour la fin des moteurs thermiques ?

Luc Chatel : L'industrie automobile a pris ce virage il y a quatre ans déjà avec des résultats qui sont extrêmement rapides. En quatre ans nous avons multiplié par dix la part de marché des véhicules électriques en France. Aujourd'hui, toutes les gammes de véhicules sont électrifiées. On vend en France aujourd'hui plus de véhicules électriques que de véhicules diesel, alors qu'il y a encore peu de temps le diesel était subventionné. Ce virage a été pris et l'industrie automobile est sans doute aujourd'hui l'une de celles qui incarnent le mieux les solutions face au changement climatique.

Mais est-ce que 2035 est la bonne date pour arrêter ?

La seule question est de savoir si on choisit une solution unique, technologique à horizon 2035. Face à cette question, nous disons que c'est un pari risqué. Pour le consommateur, la voiture électrique c'est 50% plus cher qu'une voiture thermique et aujourd'hui, selon une enquête que nous avons menée, 95% des Français trouvent que les véhicules électriques sont trop chers. Au moment où le pouvoir d'achat est un vrai sujet, n'est-ce pas hasardeux de mettre tous nos œufs dans le même panier et d'avoir comme solution de mobilité que la voiture électrique ?

La production de masse de véhicules électriques ne va-t-elle pas faire baisser leur prix ?

Bien sûr. Les industriels et les équipementiers s'attellent à trouver des solutions pour réduire cet écart de 50% avec les véhicules non électriques mais cela va prendre plusieurs années, cinq ans, six ans, sept ans. Si vous prenez la décision de mettre un terme aux moteurs thermiques immédiatement en 2035, les usines vont devoir se reconvertir et le deuxième pari qui est risqué, c'est la capacité du tissu industriel à s'adapter. Ces entreprises ont la capacité de se reconvertir dans l'aéronautique, dans le médical mais il va leur falloir du temps pour transformer leurs appareils industriels, trouver de nouveaux clients.

Ces entreprises n'auront pas le temps de se reconvertir en 13 ans ?

Si vous prenez la décision aujourd'hui, immédiatement les constructeurs vont arrêter le développement de moteurs thermiques et la décision de 2035 va avoir un impact immédiat. Mais personne ne parle de l'effet à 360°. Là, on raisonne sur l'émission de CO2 à la sortie des pots d'échappement, c'est très bien, mais on ne parle pas du parc qui est de plus de 30 millions de véhicules en France, ni de tout le reste. Donc, il faut mesurer l'impact de ce virage.

Le pire serait que l'industrie automobile et les États européens aient dépensé des centaines de milliards d'euros et qu'à la fin il n'y ait pas de consommateurs au rendez-vous et que techniquement nous n'y arrivons pas. En 2030, il faudrait sept millions de bornes de recharge en Europe, cela veut dire environ un million en France et nous en sommes à 60 000. Pour les grands départs, il faudrait 70 bornes de recharge ultra rapide par station-service sur l'autoroute. Nous en sommes très loin.

Que proposez-vous ?

Nous militons pour une solution qui permette de développer, en parallèle de l'électrique, de l'hybride rechargeable, des carburants synthétiques, bref pour qu'on n'ait pas qu'une seule solution.

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