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Usine de batteries de voitures électriques : "Il y a un enjeu très important, il y a un enjeu industriel", assure un économiste

L'industrie automobile est une industrie "structurante" pour l'Europe, avec "beaucoup d'emplois à la clef", rappelle le directeur de l'Observatoire Cetelem, Flavien Neuvy.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem, était l'invité de franceinfo le 30 mai 2023. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Il y a un enjeu très important, il y a un enjeu industriel", assure le directeur de l'Observatoire Cetelem, Flavien Neuvy, mardi 30 mai sur franceinfo alors que Bruno Le Maire s'apprête à inaugurer la première usine de batteries pour voitures électriques.

Cette "gigafactory", située dans le Pas-de-Calais à Billy-Berclau, est détenue par Stellantis, Total et Mercedes. Baptisée "Automotive Cells company" (ACC), cette entreprise doit équiper, d'ici 2030, 500 000 voitures en batteries électriques et employer 2 000 personnes. 

franceinfo : Cette usine est colossale. Pour se lancer dans l'électrique, fallait-il un projet de cette taille-là ?

Flavien Neuvy : C'est le premier projet de cette taille-là en France, la première "gigafactory" française. Il y en aura d'autres qui vont suivre dans le nord de la France donc on est en train de créer un écosystème favorable à l'implantation de ces usines de batteries électriques. C'est très important parce qu'il faut rappeler bien sûr que l'Europe a fait le choix de la voiture 100 % électrique d'ici 2035. C'est du court terme, c'est demain et pour le moment, toutes les voitures électriques sont équipées de batteries fabriquées en Asie. Il y a un enjeu très important, un enjeu industriel. Au-delà de l'enjeu industriel, il y a aussi des questions qui se posent sur le côté social, puisqu'il faut que ce soit des voitures électriques qui soient accessibles au plus grand nombre. Et puis cette voiture électrique, finalement, c'est un nouveau théâtre de bataille commerciale entre la Chine et l'Amérique. Les Chinois sont partis avec vingt ans d'avance, ils sont très bons dans les batteries électriques et l'Amérique se réveille aujourd'hui parce qu'elle veut rattraper son retard. Elle le fait à coup de dizaines de milliards de dollars de subventions. Donc, il y a une bataille qui est très forte, et l'Europe et la France doivent s'en sortir et ce sont des projets intéressants et symboliques.

Est-ce que ce genre de projet, peut nous permettre de rattraper les Chinois et les Américains ?

Lorsque les Chinois partent avec vingt ans de retard, ils arrivent, quelques fois, à nous rattraper. Là, ils sont partis avec vingt ans d'avance. Il ne faut pas imaginer qu'on va remplacer toutes les batteries chinoises. Ce n'est pas ça l'objectif. L'objectif, c'est simplement qu'on puisse produire en France et en Europe les batteries qui équiperont les voitures qui seront vendues en Europe. Il faut rappeler que le premier marché automobile aujourd'hui, c'est la Chine : 25 millions de voitures, l'Amérique du Nord ensuite, et puis l'Europe. L'Europe, c'est 12 millions de voitures donc il faut absolument que ces voitures électriques bénéficient de batteries fabriquées en Europe. Parce que la valeur ajoutée, ce qui fait le prix de la voiture électrique, le surcoût de la voiture électrique, c'est la batterie. C'est très important qu'on garde la production de batteries en Europe.

C'est l'innovation qui fera la différence ?

C'est tout le pari de la voiture électrique. Il faut se dire qu'aujourd'hui, avec l'argent qui est investi par l'ensemble de la filière automobile pour améliorer les performances des batteries, on aura des voitures électriques qui, dans douze ans, seront beaucoup plus performantes, c'est-à-dire qu'elles auront plus d'autonomie et elles se chargeront plus vite. Et ça, ce sera le résultat effectivement de l'innovation et de la concurrence entre constructeurs.

Le problème reste les métaux. La chaîne de production d'extraction, pour l'instant, est largement maîtrisée par la Chine, un peu aussi par les États-Unis. En Europe, tout est à faire ?

Absolument, on aura des usines, effectivement, pour fabriquer ces batteries, mais une partie des composants, et en particulier les minerais, arriveront de l'extérieur. La question qu'on peut se poser quand même, en particulier en France, c'est de savoir si on voudra exploiter certaines matières premières dont on dispose. On pourrait citer l'exemple du lithium. On sait qu'on a du lithium, mais est-ce qu'on acceptera d'aller chercher ce lithium, ça, c'est une question qui reste ouverte.

Est-ce qu'il faut prendre aussi des mesures au niveau européen, des mesures protectionnistes pour répondre à ce que font les Etats-Unis et la Chine depuis des décennies ?

On voit bien que tous les grands pays, toutes les grandes zones géographiques, s'organisent pour protéger leur industrie. En France, en Europe, c'est plus compliqué parce qu'on a des intérêts qui ne sont pas toujours convergents, en particulier avec l'Allemagne, parce que l'Allemagne exporte beaucoup vers la Chine. C'est plus compliqué de parler d'une seule voix en Europe et de prendre des mesures de ce type. Mais on peut l'espérer parce que c'est un enjeu industriel qui est absolument colossal. Il faut rappeler que l'industrie automobile, c'est une industrie qui est structurante pour l'Europe, avec beaucoup d'emplois à la clef. C'est vrai en Allemagne, c'est vrai en France, mais c'est vrai dans beaucoup de pays, on peut citer l'Espagne, l'Europe centrale. Donc oui, se préoccuper de l'avenir de l'industrie automobile, c'est absolument majeur. C'est à peu près douze ou treize millions d'emplois en Europe, donc ce n'est pas rien.

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