Déficit public de la France sous 3% : "On ne peut pas et on ne doit pas, économiquement, ce n'est pas intelligent", estime Pierre Moscovici

Pour respecter l'objectif de Bruno Le Maire de rester sous les 3% de déficit public, il "faudrait faire plus de 110 milliards de coupes", un mauvais calcul selon Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, invité sur franceinfo.
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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, invité sur franceinfo le 13 septembre 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Alors que Michel Barnier espère nommer un gouvernement dans le courant de la semaine prochaine, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes indique ce vendredi sur franceinfo que les magistrats financiers n'ont toujours pas "reçu le projet" de budget "et a priori ce ne sera pas pour aujourd'hui, on ne sait pas pour quand ce sera", ajoute-t-il. Sur le projet de loi de finances, "il faut que nous ayons sept jours pour nous prononcer intelligemment et donner un avis pertinent qui compte beaucoup dans le processus parce qu'il peut être évoqué par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État" qui se prononcent aussi sur le budget.

Cependant, "ça ne m'inquiète pas, parce que le gouvernement a jusqu'au 1er octobre pour déposer le projet de loi de finances sur le bureau des Assemblées, avec un compte à rebours, il faudrait que ce soit lundi", avance-t-il. "Il reste une semaine ou deux semaines pour qu'on ait 70 jours de débat", au Parlement. Pierre Moscovici regrette de ne pas être tenu au courant par l'exécutif : "Ce que j'aimerais, c'est qu'on nous prévienne, qu'il y ait un peu de transparence dans tout ça", mais "je comprends aussi que la priorité soit à la formation du gouvernement".

Une situation "dégradée et préoccupante" 

S'agissant du fond et de l'état des finances de la France, il se montre très pessimiste : "Nous avons une situation des finances publiques qui est dégradée, préoccupante, si on n'agit pas, elle peut devenir inquiétante, voire dangereuse", prévient Pierre Moscovici. "Nous avons des déficits. On est censés faire 3% des déficits par rapport au PIB. Nous sommes en procédure de surveillance de la Commission européenne pour déficit excessif", rappelle-t-il. Il met l'accent sur "une dérive de nos finances publiques qui est très importante, nous avons des déficits qui devraient être à 5,6% à la fin de l'année et à 6,2%, l'an prochain selon une note du Trésor, alors que nous devrions aller vers 3%, or nos déficits ne cessent d'augmenter".

"Bruno Le Maire dit qu'il faut faire 3% [de déficit public] en 2027 : on ne peut pas et on ne doit pas". "Il faudrait faire plus de 110 milliards de coupes. Politiquement, ça ne passe pas. Socialement, ça fait mal. Et économiquement, ce n'est pas intelligent", estime Pierre Moscovici.

Le pays a besoin "d'investir"

La conséquence, c'est que "si nous ne faisons rien, notre dette publique passerait de 110% du PIB aujourd'hui à 124% en 2027". Concrètement, on pourrait atteindre "les 3 800 milliards d'euros de dettes, ça veut dire que chaque année, on devrait rembourser 80 milliards d'euros et plus pour financer cette dette et les taux d'intérêts qui l'accompagnent", alors qu'"en 2021", on dépensait "25 milliards d'euros" pour rembourser la dette.

Or, le pays a besoin d'"investir pour lutter contre le réchauffement climatique, préserver le système éducatif et l'améliorer, mais comment voulez-vous investir si vous utilisez 80 ou 85 milliards d'euros à rembourser de la dette. Il n'y a pas de dépense publique plus bête que celle-là, plus inutile qui soit", déclare le premier président de la Cour des comptes.

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