: Reportage "Le but, c'est de ne pas bloquer, il faut que le gouvernement réagisse très vite" : dans le département du Rhône, la mobilisation des agriculteurs
Comme un air de déjà-vu. Aux alentours de Lyon, des panneaux de communes ont été enlevés, d'autres bâchés. Sur les bâches, des slogans comme "mangez français" ou "on est perdus". Les agriculteurs se sont donné rendez-vous dès dimanche 17 novembre près de Tarare, dans le département du Rhône.
Parmi eux, on retrouve Alvin et Pascal Gouttenoire, père et fils, éleveurs laitiers et bientôt de race à viande. Les bâches sont installées dans leur voiture avec le scotch et la peinture. "On démarre juste, vous avez l'exclusivité du premier panneau du secteur, à Vindry-sur-Turdine. Notre but, c'est de ne pas dégrader les panneaux, explique Alvin. On écrit sur les bâches et pas sur le panneau comme ça, au moins, on est tranquilles. On a écrit 'On est perdus' parce qu'on ne sait pas où on va, on avait des revendications, on attendait des réponses qu'on n’a toujours pas."
"C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase"
Dix mois après les manifestations du début d'année, une nouvelle perspective cristallise la colère des agriculteurs : un accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur (Paraguay, Uruguay, Brésil, Argentine et Bolivie). "C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. On fait déjà des échanges dans tout ce qui est minerais et matières premières, avec le Brésil notamment, et maintenant ils veulent inclure de la viande dans les démarches commerciales. Le problème, c'est que nous si on fait ça, on se détruit intérieurement", s'inquiète Alvin.
Cet accord, qui prévoit d'accroître les échanges commerciaux entre les deux marchés communs en supprimant de nombreuses taxes, doit faciliter l'accès au marché européen pour les pays du Mercosur. Il doit notamment permettre aux pays sud-américains d'exporter vers l'Europe quelque 99 000 tonnes de viande bovine bénéficiant de droits de douane à 7,5%. Si la France s'oppose à cet accord, ce n'est pas le cas de tous les pays européens, ce qui inquiète les syndicats.
Une mobilisation "symbolique"
Dans le coffre d'Erwin, de nombreux panneaux de communes sont chargés. Il est vigneron dans un domaine familial à Le Breuil, et précise la démarche de ces nouvelles actions : "On a enlevé les panneaux pour dire qu'on nous marche dessus, qu'on nous interdit tous les produits essentiels pour la vigne, que ce soit les engrais, ou des produits phytosanitaires sans nous proposer de contreparties pour entretenir les vignes et avoir une vraie récolte. On emporte les panneaux à Lyon, ils vont revenir à leur place si on se fait entendre sinon c'est eux-mêmes qui les remettront". Et comme les autorités ont été mises au courant, Alvin ne craint pas de réelle sanction.
Une mobilisation "symbolique", un "démarrage tranquille", justifie, de son côté, le vice-président du syndicat FDSEA dans le Rhône, Pascal Gouttenoire. "C'était vraiment le mot d'ordre, démarrer tout doucement, on aimerait ne pas faire comme en début d'année, affirme-t-il. Le but, c'est de ne pas bloquer mais il faut que le gouvernement réagisse très vite. Le problème n'est pas que les produits viennent de l'étranger, c'est qu'ils sont faits en concurrence totalement déloyale avec des normes qui ne sont pas du tout comme chez nous… Bœuf aux hormones, céréales avec des produits phytosanitaires interdits chez nous, on comprend que ce n'est peut-être pas le même prix, mais ce n'est pas la même qualité, alors ça soulagerait l'agriculture s'il y avait une prise de conscience rapide, mais malheureusement... on espère sans espérer", conclut-il en soupirant.
Les agriculteurs ont invité les parlementaires sur un pont à l'entrée de Lyon pour échanger et exposer la trentaine de panneaux communaux démontés au cours du week-end.
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