Dette de la France : "On doit faire des économies, sans que ce soit douloureux, c'est la difficulté", admet un économiste
Pierre Moscovici, ancien ministre socialiste et premier président de la Cour des comptes, a alerté le gouvernement sur la nécessité d'en finir avec le "quoi qu'il en coûte". "On vit au-dessus de nos moyens", a-t-il déclaré dans une interview au Figaro vendredi. La dette est "une épée de Damoclès qui inquiète", a expliqué vendredi 10 mars sur franceinfo Mathieu Plane, économiste, directeur adjoint du département analyse et prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
franceinfo : Est-ce que l’État a trop aidé pendant les crises en France ?
Mathieu Plane : Le problème est complexe. On a fait face en France, mais aussi dans le monde entier, à de multiples crises en très peu de temps : la crise sanitaire, la crise énergétique amplifiée avec la guerre en Ukraine. Il y a eu un impact très fort sur les économies, en particulier sur l'économie française. Il est vrai que l'État, en France, mais dans beaucoup de pays, a joué le rôle d'assureur ou d’amortisseur de crise et a fait en sorte de limiter les effets de ces crises. D’ailleurs, on a vu très peu de faillites. On a un chômage qui a plutôt baissé. Mais la contrepartie à ça, effectivement, c'est plutôt une hausse des dettes. On vit avec un niveau qui est relativement élevé par rapport à ce qu'on a connu par le passé.
Emprunter a un coût de plus en plus élevé. Cela n’arrange pas l’État ?
C'est un peu cette épée de Damoclès quelque part qui inquiète. Oui, la dette est élevée, mais ce n'était pas réellement un problème dans le sens où on avait des taux très bas. Le coût de cette dette, en réalité, était relativement faible. Ce qu'on déboursait chaque année pour rembourser sa dette était à des niveaux presque historiquement bas. Aujourd'hui, avec la remontée des taux, effectivement, ça alourdit cette charge d'intérêts et ça vient grever le budget. Elle reste quand même relativement modérée par rapport à ce qu'on a connu par le passé. Mais forcément, les banques centrales, en remontant les taux, vont faire peser le coût de cette dette sur les budgets publics et elles vont contraindre les gouvernements à devoir certainement se désendetter plus rapidement.
Le gouvernement dit que le "Quoi qu’il en coûte" a permis de limiter l’inflation en France. Vous êtes d’accord ?
Je suis relativement d'accord avec ça. On ne peut pas avoir juste une approche comptable des finances publiques. Oui, certes, la dette est élevée, mais elle est élevée aujourd'hui un peu partout. L’Allemagne est peut-être une exception. Mais la contrepartie, c'est qu'on a quand même une économie qui a passé le cap de deux crises majeures, avec finalement, un niveau de chômage qui est relativement bas et peu de faillites. On a peut être suraidé dans certains cas, mais c'était le but du "Quoi qu'il en coûte", celui de faire en sorte qu'il y ait le moins de dégâts lors de cette crise. La question c’est quelle va être la trajectoire future, l'évolution des finances publiques, des déficits et des dettes ? À quelle vitesse, on peut ou on doit se désendetter sans casser la croissance ou la reprise ? Ça pourrait entraîner l'économie dans une nouvelle difficulté.
Pierre Moscovici propose d’optimiser les dépenses plutôt que d’augmenter les impôts pour réduire la dette. Vous êtes de son avis ?
Il faudrait optimiser, essayer de faire des économies, mais sans que ce soit douloureux, c'est la difficulté. Or du côté de la dépense publique, on a des besoins importants, du côté de la santé, du côté de l'éducation. Il y a aussi toute la gestion de la transition écologique. Bruno Le Maire a parlé de besoins d'investissements de 50 à 60 milliards par an pour atteindre nos objectifs climatiques. Il y a un défi aussi du côté de la dépense qui est très forte. La difficulté, c'est comment se désendetter alors même qu'on a des besoins futurs qui sont très importants.
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