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Un an après, que reste-t-il des "indignés" espagnols ?

Le mouvement dit "du 15-Mai" souffle sa première bougie samedi, lors d'une journée d'action internationale. Lancé en Espagne, il semble pourtant s'être essoufflé dans ce pays toujours en proie à la crise. 

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un homme porte un autocollant "Indigne-toi !" lors d'une manifestation à Bilbao (Espagne), le 20 mai 2011.  (VINCENT WEST / REUTERS)

La place de la Puerta del Sol, à Madrid, pourrait bien se remplir à nouveau, samedi 12 mai. Les "indignés" de la crise, de la corruption et de la hausse du chômage en Espagne s'apprêtent à célébrer, pendant trois jours, le premier anniversaire de leur mouvement citoyen. Pour l'occasion, des dizaines de manifestations, d'occupations et d'assemblées populaires sont prévues dans près de 80 villes du pays.

Objectif : raviver la flamme de 2011. Un an après, le mouvement semble en effet essoufflé par une crise toujours d'actualité. Qu'en est-il vraiment ? Que reste-t-il du mouvement dit "du 15-Mai" ? Etat des lieux. 

• De nombreuses désillusions

Les "indignés" peuvent avoir le moral en berne : un an plus tard, la réalité a rattrapé leurs utopies de monde meilleur. En Espagne, la crise a redoublé d'intensité et le pays s'enfonce dans la récession. Depuis fin avril, le chômage a atteint son niveau record, 24,4%, soit 5,7 millions de personnes sans emploi. Du côté des moins de 25 ans, un jeune sur deux ne parvient pas à s'insérer dans la vie active. Le quotidien est gangrené par la crise et les expulsions sont devenues le lot commun des familles endettées et insolvables, comme le raconte Paris Match

La colère des habitants se concentre désormais sur les coupes budgétaires et les mesures d'austérité mises en place par le gouvernement de droite de Mariano Rajoy. Pour le 1er-Mai, des milliers d'Espagnols ont ainsi protesté contre ce régime de rigueur. 

Mais dans cette situation, les "indignés" ont encore du grain à moudre. A l'occasion de l'anniversaire du mouvement, le quotidien El Mundo dresse ainsi un état des lieux de ce qu'il leur reste à faire pour améliorer la vie des Espagnols (à lire ici en espagnol)

• Des troupes dispersées

"Le mouvement du 15-Mai a été un 'big bang' d'où ont surgi plusieurs planètes, satellites et galaxies qui sont aujourd'hui dispersés mais restent indignés." C'est ainsi que plusieurs "indignados" résument la situation dans La Vanguardia (en espagnol), un an après la naissance de ce mouvement apolitique en Espagne. 

Répondant à une structure horizontale et refusant de s'affilier à un parti, les acteurs n'ont pas su se "structurer", analyse Antonio Alaminos, professeur de sociologie à l'université d'Alicante, cité par l'AFP.

Conséquence : de nombreux petits groupes continuent de porter les idées du mouvement mais ne parviennent pas à trouver d'unité. Cette dernière semble difficile, si ce n'est impossible. Récemment, certains membres du collectif Democracia Real Ya (DRY), à l'origine des rassemblements madrilènes de 2011, ont décidé de le transformer en association pour plus de clarté. Ce choix a provoqué un tollé général, DRY étant accusé de "trahison" par les autres "indignados"

• Une volonté de remobilisation

Malgré leur dispersion, les "indignés" restent motivés. Lundi 7 mai, le blog espagnol Madrilonia a mis en ligne un manifeste pour remobiliser les troupes, intitulé "Encore plus indignés, encore plein d'attentes". Pour les auteurs du texte, "les personnes au pouvoir n'ont rien résolu" depuis un an. Face à cet échec politique, le site propose un éventail de mesures "pour une nouvelle réalité" et invite les internautes à partager ces propositions en matière de santé, éducation et logement sur Twitter et Facebook.

Pour Sofia De Roa, "indignée" de 27 ans citée par El País, cela ne fait aucun doute : "Le mouvement du 15-Mai n'est pas mort." Au contraire : il "se répand, en silence, dans les quartiers", par le biais d'assemblées populaires, via les radios ou les journaux. "Chaque semaine, plusieurs personnes se réunissent pour chercher des solutions", explique le quotidien.

L'occupation de la Puerta del Sol en 2011 "a créé des réseaux de communication", assure Sofia De Roa. Interrogé par le site espagnol La informacion.com, Alejandro Navas, professeur à l'université de Navarre, renchérit : "Je crois que si cela continue, il y a de l'espoir pour que le mouvement du 15-Mai puisse parvenir à un changement." 

• Un anniversaire à fêter dignement

Dans ce contexte, ce premier anniversaire tient une place à part et représente un défi de plus pour les initiateurs du mouvement des indignés. La crise a lassé les Espagnols, les innombrables défilés contre l'austérité aussi. Indignés ou non, ils sont de moins en moins nombreux à venir gonfler les rangs des cortèges. Pour Andrés Martinez, de Democracia Real Ya, cité par La Vanguardia, tout se joue le 12 mai. "Si les manifestations ne rassemblent pas au moins 5 000 personnes, ce n'est pas suffisant. J'espère que [samedi] la force reviendra."

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