Déficit public : Pierre Moscovici évoque un "dérapage très très rare"
Et le verdict est tombé : le déficit public de la France a finalement atteint 5,5% du PIB en 2023, a dévoilé mardi 26 mars l'Insee, soit quelque 18 milliards d'euros de plus que ce qu'avait prévu le gouvernement, compliquant l'objectif de désendettement pourtant réaffirmé par le ministre de l'Economie.
Dans un contexte budgétaire tendu, le chiffre de l'Insee était particulièrement attendu, car chaque décimale compte pour les finances publiques. Les spéculations allaient bon train depuis une semaine sur le chiffre exact, depuis notamment l'évocation dans la presse de chiffres allant jusqu'à 5,6% du produit intérieur brut (PIB).
"C'est un dérapage dans l'exécution qui est important, pas tout à fait inédit, mais très rare", regrette ainsi Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, invité de France Inter après l'annonce du déficit public, bien au-dessus des 4,9% initialement prévus par le gouvernement. Pierre Moscovici assure toutefois ne pas être "surpris" par les chiffres publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques.
"Situation fâcheuse"
Pierre Moscovici ne croit pas que cette différence entre les prévisions gouvernementales et les chiffres de l'Insee relève d'une "insincérité, au sens où il n'y a pas de volonté de tromper les gens". Il considère au contraire que l'exécutif a été "optimiste". "Pour 2023, on n'a pas vu venir un phénomène qui était anticipé, mais qui ne s'était pas produit, c'est-à-dire qu'au bout d'un moment les recettes finissent par se tasser par rapport aux revenus", explique le premier président de la Cour des comptes. Pour 2024, il note toutefois "un excès d'optimisme".
Le premier président de la Cour des comptes appelle donc à "analyser" cet écart de 0,6 point avec les prévisions gouvernementales. Cela peut en partie s'expliquer, selon lui, par "une baisse des recettes [même si] elle était d'une certaine façon prévisible" et "probablement [par] un petit dérapage des dépenses". En tous les cas, Pierre Moscovici déplore "une situation fâcheuse", évoquant par ailleurs la dette française qui s'établit à plus de "110% du PIB".
"Nous avons la dépense publique la plus élevée d'Europe, le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d'Europe, l'une des dettes publiques les plus élevées d'Europe et l'un des déficits les plus élevés de la zone euro."
Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptesà France Inter
Pierre Moscovici estime que cette situation "nous oblige maintenant à des rectifications de trajectoires". "Avec une dette publique à 110% du PIB, comment voulez-vous investir dans l'avenir, dans la transition écologique, dans la transition numérique, dans l'éducation nationale, dans l'innovation et la recherche, dans la défense? Comment voulez-vous que nous financions les dépenses supplémentaires que nous devons faire à l'égard de l'Ukraine quand nous sommes endettés ?", s'interroge le premier président de la Cour des comptes.
Il craint que si "rien n'est fait", la charge de la dette, c'est-à-dire "ce qu'on rembourse annuellement pour cette dette publique" grimpe à "87 milliards d'euros en 2027". Pierre Moscovici rappelle d'ailleurs qu'elle atteint les "57 milliards d'euros, soit deux fois plus qu'il y a trois ans". "Nous sommes petit à petit étranglés dans notre capacité d'action publique", dénonce-t-il. Il s'agace de voir que "pour répondre aux problèmes de pouvoir d'achat, on a besoin d'investir", mais qu'on ne "puisse pas le faire". "Quand vous avez une montagne de dettes et un mur d'investissements à construire, ça ne marche pas", fustige-t-il.
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