Changer d'entreprise ne permet pas d'avoir un meilleur salaire à court terme, selon l'Insee

Depuis la crise sanitaire, les salariés sont plus nombreux à quitter leur entreprise selon l'Insee, notamment dans l'espoir d'un meilleur salaire. Pour autant, changer d'entreprise n'est pas forcément un bon calcul.
Article rédigé par Mathilde Bouquerel
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
D'après une étude de l'Insee, la rémunération d'un salarié augmente moins la première année quand il change d'entreprise que quand il y reste. (Photo d'illustration) (JEAN-MARC BARRERE / HANS LUCAS)

C'est peut-être une conséquence de la crise du Covid-19 : des salariés de plus en plus mobiles, qui quittent plus régulièrement leur entreprise. Selon une étude de l'Insee, en 2023, la part des salariés à avoir quitté l'entreprise dans laquelle ils travaillaient un an plus tôt était de 18,3%. Par comparaison, en 2019, avant la crise sanitaire donc, seuls 16,7% des salariés avaient quitté l'entreprise dans laquelle ils étaient l'année précédente.

Parmi les motivations des salariés pour tenter leur chance ailleurs : plus d'un quart d'entre eux, 26,3%, espèrent être mieux payés. Et c'est même une raison qui pèse de plus en plus lourd dans la balance. En 2021, augmenter sa rémunération était une raison de quitter son entreprise pour seulement 22,1% des salariés. 

Moins d'augmentations de salaire à court terme

Mais changer d'entreprise est-il vraiment un bon calcul quand on veut un meilleur salaire ? Non, en tout cas pas à court terme, répond l'Insee. En 2022, les salariés qui étaient restés dans l'entreprise dans laquelle ils travaillaient en 2021 avaient vu leur salaire augmenter de 5,7% sur un an. Au contraire, le revenu des salariés qui avaient changé d'entreprise ne progresse que de 2,9%, soit 2,8 points de moins. Et ce n'est pas nouveau. Déjà avant la crise sanitaire, en 2019, le revenu des salariés stables avait augmenté de 3,6 % contre seulement 0,8% pour les salariés mobiles, soit exactement le même écart : 2,8 points. 

Et cela s'explique, selon l'Insee : d'abord, on ne choisit pas forcément de changer d'entreprise. On peut aussi y être contraint en cas de licenciement ou de crainte d'être remercié, à la fin d'un CDD ou encore dans une situation de harcèlement professionnel par exemple. Ensuite, même si le salarié a choisi d'aller tenter sa chance ailleurs, il perdra les primes et les avantages de sa précédente entreprise. Et ces primes ne s'appliqueront pas la première année de son contrat dans sa nouvelle entreprise, sans compter que certaines d'entre elles dépendent aussi de l'ancienneté. Les difficultés actuelles de recrutement des entreprises n'ont donc pas eu d'effet favorable pour les salariés mobiles.

Deux exceptions : les CDD et les cadres

Il y a tout de même des exceptions à la règle, notamment chez les cadres. Comme pour les autres salariés, le revenu des cadres mobiles augmente moins que celui de leurs collègues stables, mais la crise sanitaire semble bien avoir réduit un peu l'écart. En 2022, le salaire d'un cadre qui était resté dans son entreprise avait augmenté de 6,7 %, contre 4,8% s'il était allé voir ailleurs, soit un écart de 1,9 point. Avant la pandémie, en 2019, cet écart était de 2,7 points. D'après l'Insee, c'est "peut-être le reflet d’un meilleur pouvoir de négociation dans un marché du travail plus tendu". Chez les ouvriers au contraire, l'écart reste stable.

Pour un salarié en CDD, la logique est même complètement inverse : changer d'entreprise permet d'augmenter son salaire de façon plus importante. Ainsi en 2022, les CDD mobiles avaient vu leur salaire progresser de 13,2%, contre 7,8% pour leurs collègues stables, soit un écart de 5,4 points. En effet, les salariés en contrat à durée déterminée gagnent souvent moins bien leur vie, la marge de progression est donc plus importante.

De plus, pour certains CDD, changer d'entreprise permet parfois d'accéder à un CDI. Cela dit, cette "prime à la mobilité" s'est un peu érodée avec les années. En 2019, l'écart entre salarié stable et mobile était de 6,8%.

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