"Du grand n'importe quoi" : le patronat hostile aux congés payés acquis pendant un arrêt maladie

En transposant une directive européenne, la Cour de cassation impose qu'un salarié en arrêt maladie continue d'acquérir des congés payés pendant son arrêt de travail.
Article rédigé par Camille Marigaux
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Illustration d'un avis d'arrêt de travail. (RICHARD VILLALON / MAXPPP)

Cette nouvelle règle inquiète le patronat. Il y a deux mois, la Cour de cassation a estimé que tout salarié peut obtenir des congés payés sur son arrêt maladie, même s'il n'est pas lié à un accident de travail ou une maladie professionnelle. La Cour se basait sur une directive européenne de 2003, mais qui n'a toujours pas été transposée dans le droit français.

Le patronat a immédiatement réagi. Le Medef évoque "énorme sujet de préoccupation". La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a même lancé une pétition contre cette mesure. Elle a été signée par plus de 20 000 chefs d'entreprise. Sur le fond, obtenir des congés payés "sans même travailler", c'est "du grand n'importe quoi", s'insurge la CPME.

 "C'est une décision choquante pour les chefs d'entreprise. Beaucoup sont extrêmement remontés."

Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CPME

à l'AFP

Les syndicats de salariés estiment qu'il est temps que la France se mette en règle alors que cela fait vingt ans qu'ils alertent sur ce droit, toujours pas inscrit dans le Code du travail. Cet été, la Cour d'appel de Versailles, saisie par la CGT, Solidaires et Force ouvrière, a condamné l'État à indemniser les trois syndicats, puisque le droit français n’est toujours pas conforme à cette directive européenne. Une décision confirmée donc par la Cour de cassation il y a un mois.

Un mois d'arrêt maladie donne droit à deux jours et demi de congés

En théorie, un salarié qui a été en arrêt maladie ces derniers mois peut dès maintenant les transformer en congés payés. Un mois d'arrêt maladie donne droit à deux jours et demi de congés, comme pour un mois travaillé. Encore faut-il que l'employeur soit au courant de cette directive, aujourd'hui beaucoup de salariés doivent aller jusqu'aux prud'hommes pour en bénéficier. Pour l'instant, le Code du travail prévoit seulement de poser des congés acquis avant d'être en arrêt maladie.

Quelques conventions collectives permettent déjà d'accumuler des jours de repos pendant une absence, mais elles sont rares. C'est le cas dans la métallurgie, une branche dont dépend l'entreprise de Sylvie Grandjean. Elle donne l'exemple d'un de ses salariés : "Il s'est blessé juste avant les congés du mois de juillet et du mois d'août. Il est revenu après un arrêt de quatre mois. Il a acquis dix jours de congés, plus les congés qu'il n'a pas posés puisqu'il était en arrêt. Cela a un forcément un impact puisqu'on lui paye plus de jours non travaillés et ça oblige à remodifier l'organisation du service." En cas d'arrêt d'un an, pour une longue maladie par exemple, cela donne un mois de congés payés.

Un droit rétroactif

Cela risque de provoquer beaucoup de désordre dans les entreprises. En tout cas beaucoup d'employeurs craignent le pire quelle que soit la taille de leur structure. Un point en particulier les inquiète : ce droit est rétroactif. Un salarié qui a quitté son entreprise peut réclamer ces congés. Cette fois pas sous forme de jours de repos, logique, mais bien sous forme d'argent.

Le patronat et les employeurs attendent une clarification rapide et surtout des garde-fous, si le Code du travail est modifié, que les salariés ne puissent pas remonter au-delà de 15 mois par exemple. Le ministère du Travail ne précise pas de calendrier pour une éventuelle modification du Code du travail et explique seulement que "les services de l'État" sont en train d'analyser la portée de cette décision de la Cour de cassation. Le Conseil constitutionnel doit par ailleurs se prononcer dans un mois sur cette question de congés payés en cas de maladie du salarié.

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