Electricité : cinq questions autour de la hausse des prix du 1er juin
Les tarifs réglementés de l'électricité doivent augmenter de 5,9% samedi 1er juin.
Coup de chaud sur les factures d'électricité des Français. Les tarifs réglementés vont progresser de 5,9% en moyenne dès samedi, selon une décision publiée jeudi 30 mai au Journal officiel. Cette hausse avait été proposée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en février, mais le gouvernement avait utilisé le délai légal pour la geler pendant l'hiver, en pleine colère des "gilets jaunes".
Une augmentation dénoncée aujourd'hui et qualifiée d'"injuste" et trop brusque par les associations de consommateurs. Franceinfo vous explique pourquoi.
Quels tarifs augmentent exactement ?
Ce sont les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRV) qui vont augmenter. Ils correspondent au "tarif bleu" d'EDF, auxquels souscrivent 25 millions de foyers. Or, de nombreuses offres concurrentes (d'Engie, de Total Direct Energie, d'ENI), sont indéxées sur les TRV, et seront donc aussi mécaniquement amenées à augmenter.
En moyenne, une hausse de 5,9% des TRV va représenter un coût supplémentaire de 85 euros par an pour les ménages se chauffant à l'électricité. Cette première hausse devrait être suivie d'une seconde début août, autour de 1%, liée aux coûts de transport de l'électricité.
Qui a décidé de cette hausse ?
La hausse de 5,9% avait été proposée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en février, mais le gouvernement avait ensuite utilisé le délai légal pour la geler pendant l'hiver, en pleine colère des "gilets jaunes". Ce faisant, il a retardé son application pendant la période la plus froide, où l'électricité est la plus utilisée par les particuliers.
Le gouvernement a ensuite soumis à la mi-mai, au Conseil supérieur de l'énergie (CSE), un projet de décision sur les tarifs des TRV. La date du 1er juin correspond à "la date limite permise par la délibération de la CRE" pour son application, explique le document soumis au CSE.
Quelles sont les raisons de cette augmentation des prix ?
Jean-François Carenco, le président de la CRE, a justifié la hausse des tarifs par une nécessité d'entretenir les réseaux électriques. "La qualité de notre système électrique fait qu’on était obligé de faire cela", a-t-il fait valoir sur CNews.
De son côté, le gouvernement a avancé une autre raison. "En 2018, les prix de gros de l'électricité ont notablement augmenté en France, comme dans toute l'Europe, du fait de l'augmentation des prix des combustibles et du carbone, fait valoir le gouvernement. La hausse proposée par la CRE est du même ordre de grandeur que les hausses répercutées dans les autres pays : 8% en Espagne et en Italie et hausse de 20% du tarif social en Belgique."
Mais une part considérable de cette augmentation est liée à la concurrence et au principe de "contestabilité". Les TRV sont conçus non seulement pour refléter les coûts d'EDF, mais aussi pour pouvoir permettre aux fournisseurs alternatifs de le concurrencer, d'être compétitifs et de pouvoir proposer des tarifs inférieurs : c'est le principe de la "contestabilité".
Or, les concurrents d'EDF, qui ont accès, à un coût fixe, à une partie de l'électricité nucléaire produite par le fournisseur d'énergie, se sont multipliés ces dernières années, réduisant de facto la part du gâteau pour chacun. Ils ont donc dû se fournir sur les marchés, où les prix sont plus élevés. Au total, "40% de l'augmentation prévue ne correspondent pas à une hausse des coûts d'EDF mais ont pour but de permettre à ses concurrents de proposer des prix égaux ou inférieurs aux TRV", pointait ainsi l'Autorité de la concurrence en mars, comme le souligne Le Parisien.
Pourquoi cette hausse est-elle contestée ?
En se pliant au principe de "contestabilité", les TRV augmenteraient ainsi en partie pour protéger la concurrence, "un système un peu fou" selon François Carlier, délégué général de la CLCV, l'association nationale de défense des consommateurs et usagers. "La moitié de la hausse n'a rien à voir avec l'augmentation des coûts d'EDF. C'est simplement que les opérateurs alternatifs n'ont pas accès autant qu'ils le voudraient au nucléaire et augmentent leur coût, et que donc en compensation, pour que la concurrence puisse continuer de survivre, on augmente de 6% au lieu d'augmenter de 3% le tarif de l'électricité d'EDF. C'est tout à fait injuste et anormal", s'indigne au micro de franceinfo .
Aujourd'hui, le calcul du tarif de l’électricité est défini selon des modalités complexes votées par le Parlement, qui visent à la fois à favoriser la concurrence et à défendre la position d’EDF. Mais face à cette situation insatisfaisante, le gouvernement souhaite réagir pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise l'an prochain. "Le mode de calcul actuel ne nous satisfait pas : il ne permet pas de faire profiter les Français notamment du fait qu'il y a l'énergie nucléaire qui, elle, est à coûts relativement constants pour les centrales anciennes, et donc nous allons changer le mode de calcul", avait indiqué François de Rugy, le ministre de la Transition écologique et solidaire, fin avril.
D'autre part, la polémique a aussi pris de l'ampleur lorsque François de Rugy a dénoncé dans ce dossier la dérive des coûts de production d'électricité en France. "EDF s'endette parce qu'elle n'arrive pas à couvrir ses coûts de production avec ses recettes", a-t-il affirmé sur Europe 1, ciblant les "coûts salariaux" d'EDF (ses salariés ne paient que 10% du prix de l'électricité) et les "dérives sur le parc électro-nucléaire français", notamment le coût de l'EPR de Flamanville, qui est pour l'heure officiellement de 10,9 milliards d'euros.
Quels recours sont possibles pour les consommateurs ?
Pour contrer la hausse des TRV, l'association de consommateurs UFC-Que choisir a lancé le 28 mai une opération de commande de gaz et d’électricité groupée. Les offres d'achats groupés consistent à réunir un maximum de clients pour obtenir des prix réduits. Une aubaine pour les participants. "En moyenne, au vu des expériences passées, c'était 200 euros d'économies par souscripteur", indique auprès d'Europe 1 Cédric Musso, de l’UFC-Que choisir. "Mais c'est une moyenne et plus la consommation est importante, plus les économies seront significatives." L'inscription peut se faire sur le site Choisirensemble.fr jusqu'au 9 septembre. Des offres personnalisées seront ensuite proposées, avec des tarifs garantis pendant deux ans.
D'autre part, les associations de consommateurs CLCV et l'UFC-Que Choisir vont saisir le Conseil d'Etat contre cette augmentation des tarifs de l'électricité, comme l'a confirmé le délégué général de CLCV, François Carlier, au micro de franceinfo.
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