Action des travailleurs sans-papiers à Rungis : "Les patrons profitent de nous", "ça ne peut plus durer"
La CGT a occupé les locaux du Marché d'intérêt national de Rungis, jeudi, pour dénoncer la situation de 600 travailleurs africains sans-papiers, et demander la régularisation d'une centaine d'entre eux.
6 heures tapantes. L'opération coup de poing, restée secrète depuis des jours, a été déclenchée, jeudi 16 mars, dans le hall de la tour Semaris, à l'entrée du Marché d'intérêt national (MIN) de Rungis, en région parisienne. Drapeaux CGT, mégaphones, banderoles, une sortie du silence marquante pour une centaine de Sénégalais et Maliens, âgés de 20 à 40 ans. Ils travaillent ici depuis parfois 2, 3 à 5 ans en intérim, en CDD voire en CDI jour et nuit, au milieu des vastes hangars et des palettes de fruits et légumes.
105 travailleurs #sans-papier s'installent après l'occupation ce matin de la Tour Semaris #Rungis "on bosse ici, on vit ici, on reste ici" pic.twitter.com/vChW2XHTI5
— Mathilde Lemaire (@MathildeL75) 16 mars 2017
La CGT du Val de Marne a investi le centre admninistratif pour attirer l'attention sur le sort de plus 600 salariés sans papiers qui travaillant sur le site du plus grand marché de France, et les aider à obtenir les papiers nécessaires en vue de leur régularisation.
Ces travailleurs viennent principalement d'Afrique et sont là pour certains depuis plusieurs années. Parmi eux, Bama, arrivé en 2013 de Bamako. Ce salarié en poissonnerie qui s'occupe du "grattage des filets", dit commencer ses journées à 8 heures le matin, parfois "jusqu'à 20 heures".
C'est le patron qui décide de tout ! Et toi, tu le fais parce que tu sais que tu es fragile, tu n'as pas de papiers, tu n'as pas le choix.
Bama, travailleur sans-papiers à Rungisà Mathilde Lemaire
"Les patrons profitent de nous", lâche Bama. "Ils ne payent pas nos heures supplémentaires. Je paye toutes mes cotisations, je paye mon loyer etc. Je ne vole pas. Je suis là discrètement, je prends des cours de français... Il faut que j'aie des papiers, sinon ça ne va pas aller du tout !", explique-t-il.
Dans son dossier prêt à être envoyé en préfecture, Bama a bien glissé ses dizaines de bulletins de salaire et sa déclaration d'impôt. Ces sans-papiers ne travaillent pas au noir. Ils ont des contrats légaux, mais tout le monde sait qu'il y a une ruse derrière : de fausses identités.
Des contrats signés sous de fausses identités
"Cela ne peut plus durer", soupire Tarik, de l'Union CGT du Val de Marne, qui dénonce "une tragédie humaine". Selon le syndicaliste, la loi Cazeneuve sur l'immigration, a encore aggravé les situations depuis un an.
"Pour un patron aujourd'hui à Rungis, embaucher un travailleur sans-papiers, c'est avoir quelqu'un qui ne se plaint jamais, qui ne saisira jamais le conseil des prud'hommes, qui est docile, malléable, et qui ne dit rien, parce que les salariés savent très bien qu'il y a une sorte de chantage", explique Tarik.
Le syndicaliste poursuit : "Si la personne se plaint un peu trop, le patron peut feindre de découvrir que finalement ses papiers sont faux, ou que son identité n'est pas la bonne. Et là, on appelle la police !"
C'est inacceptable ! Les travailleurs sans-papiers sont des travailleurs, on doit les régulariser !
Tarik, de l'Union CGT du Val de Marneà franceinfo
Dès 8 heures, jeudi 16 mars, le préfet du Val de Marne a dépêché son directeur de cabinet sur place. Il a écouté les doléances et promis de revenir vite vers les responsables du mouvement. "Nous avons des matelas, des vivres, de l'eau... L'occupation peut durer 10 jours s'il le faut", ajoute un autre leader CGT.
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