"Préserver l'avenir", "se débarrasser des salariés"... À peine lancées, les ruptures conventionnelles collectives divisent déjà
Suppression annoncée de 208 emplois chez Pimkie lundi, début de la négociation mardi pour PSA... Au grand dam des syndicats, les entreprises s'emparent des ruptures conventionnelles collectives permises par les ordonnances réformant le Code du travail.
Les entreprises se sont vite emparées du nouvel outil permis par les ordonnances réformant le Code du travail : depuis le 1er janvier, elles peuvent utiliser les ruptures conventionnelles collectives. Lundi 8 janvier, lors d'un comité central d'entreprise, Pimkie (Auchan) a ainsi annoncé la suppression de 208 emplois sur les 1 900 que compte le groupe en France. De son côté, le constructeur automobile PSA devrait ouvrir la négociation mardi.
La rupture conventionnelle existe depuis 2008 : sorte de troisième voie entre le licenciement et la démission, elle a été créée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Mais, avec la nouvelle loi Travail, l'employeur peut l'utiliser de façon collective pour se séparer d'une partie de son effectif. La décision reste soumise à une condition : les syndicats doivent être d'accord. Plus précisément, il faut un accord majoritaire en interne.
Outil précieux pour les entreprises
Jusqu'à présent, dans la grande majorité des cas, les entreprises faisaient des plans sociaux : elles devaient donc justifier de difficultés économiques. Une justification qui n'est plus nécessaire pour une rupture conventionnelle collective. "Vous pouvez avoir des situations où vous vous dites : 'Je pense qu'on fonctionnerait mieux avec moins d'effectif, qu'on préservera mieux l'avenir de cette manière-là sans que, pour autant, on soit dans une cause réelle et sérieuse de licenciement", indique l'avocat spécialisé en droit du travail, Joël Grangé.
Il ne faut pas attendre d'être dans cette situation menaçante, il ne faut pas attendre d'avoir des difficultés économiques pour pouvoir ajuster les effectifs en fonction des besoins de l'entreprise.
Joël Grangé, avocat en droit du travailà franceinfo
Non seulement, il n'est plus besoin de motif économique mais, l'employeur peut à nouveau embaucher dès le lendemain et il n'est pas obligé de donner la priorité à ses anciens salariés. Autant d'obligations légales auxquelles devaient se soumettre les entreprises qui, jusqu'à présent, avaient recours à un plan de départs volontaires.
"Une façon très facile d'éviter un plan social"
Pour les syndicats, c'est la douche froide. D'abord surpris sur la forme -ces ruptures conventionnelles collectives n'étaient pas dans le programme d'Emmanuel Macron, ils ont découvert le texte le 31 août dernier à la publication des ordonnances- ils ne digèrent pas non plus le fond du texte. L'ensemble des centrales syndicales dénoncent la possibilité donnée aux entreprises de se délester aussi facilement d'une partie de son effectif.
"C'est une façon très facile pour les entreprises -les grandes vous avez remarqué- de se débarrasser d'un certain nombre de salariés, pourquoi pas les plus anciens, et d'éviter de faire un plan social où on discute des mesures d'accompagnement, des mesures de reclassement, y compris d'alternatives", s'est indigné Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, invité de franceinfo lundi 8 janvier.
"Je connais un certain nombre de dirigeants de grandes entreprises et on en a eu des expériences qui vous disent : 'C'est ça ou sinon, je ferme une usine', raconte Philippe Martinez. En matière de choix, c'est compliqué. Le volontariat, c'est pareil : on connait tous un certain nombre de volontaires forcés."
La CFDT et Force ouvrière tiennent exactement le même discours, ce qui ne veut pas dire qu'en interne une partie de ces syndicats n'approuveront pas ces ruptures conventionnelles collectives. Cela dépendra notamment du montant des indemnités de départs proposés par les directions.
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