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Réforme des retraites : moduler les cotisations sociales patronales en fonction de l'âge du salarié, la proposition controversée de l'institut Montaigne

Alors que les concertations entre syndicats et patronat se poursuivent, le think tank libéral met en avant une solution pour favoriser l'emploi des seniors. Mais cette mesure de modulation du coût du travail en fonction de l'âge aurait un effet très limité, notamment sur la pénibilité, affirme un économiste.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'institut Montaigne propose de baisser les cotisations sociales patronales pour les salariés de moins de trente ans et de plus de 50 ans. Photo d'illustration. (MONTY RAKUSEN / IMAGE SOURCE)

"C'est une proposition radicalement nouvelle, qui n'a jamais été tentée en France" prévient d'emblée l'institut Montaigne. En plein débat sur la réforme des retraites, le think tank libéral propose, lundi 24 octobre, de moduler le coût du travail en fonction de l'âge du salarié. C'est l'une des 16 propositions que le groupe de réflexion met sur la table alors que les concertations entre le gouvernement, les syndicats et les organisations patronales se poursuivent au ministère du Travail. Tout l'enjeu de ces discussions est de maintenir les seniors dans l'emploi et de prévenir l'usure au travail.

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L'objectif de l'Institut Montaigne, promet-il, est double : favoriser l'emploi des deux populations les plus en difficultés sur le marché du travail, les seniors et les jeunes. Concrètement, l'employeur paierait moins de cotisations sociales sur les salaires des moins de 30 ans et des plus de 55 ans. L'employeur en paierait plus, à l'inverse, sur les salaires des 30-55 ans, situés entre ces deux tranches d'âge. Cette proposition va plus loin que celles formulées par les organisations patronales, qui, à ce stade, réclament des baisses de cotisations ciblées uniquement sur les seniors, mais pas sur les jeunes.

Un risque de discrimination à l'embauche

L'idée peut paraître séduisante sur le papier, mais il y a plusieurs inconvénients. Dès lors qu'on fait varier les cotisations sociales en fonction de l'âge, il y a un risque de discrimination à l'embauche. Un salarié de 29 ans coûterait moins cher à l'employeur qu'un salarié de 31 ans. De la même façon, recruter un salarié de 56 ans coûterait moins cher qu'un de 54 ans. C'est ce qu'on appelle l'effet de seuil. 

Autre inconvénient : depuis 2003, les employeurs sont déjà totalement ou partiellement exonérés de cotisations sociales sur les salaires jusqu'à 1,6 fois le Smic. La portée de la proposition de l'institut Montaigne serait donc assez limitée. 

"On ne répond pas au véritable problème"

Faire varier les cotisations sociales en fonction de l'âge pourrait surtout favoriser les seniors en bonne santé et qui peuvent continuer à travailler. Cette mesure met de côté ceux qui sont éreintés par un métier pénible et se retrouvent difficulté, souligne Eric Heyer, économiste à l'OFCE : "Jouer sur les cotisations, ça me paraît être une idée qui ne marche pas réellement dans la mesure où de toute manière on comprend bien que l'emploi des seniors est un problème qui va au-delà du coût du travail et surtout [qu'on] doit distinguer le type de travail et la pénibilité au travail. On ne répond pas au véritable problème me semble-t-il : la possibilité d'encore exercer son métier."

"Ce n'est pas un problème de coût mais de pénibilité au travail et donc de formation pour essayer de former ces seniors, ces travailleurs à un autre métier qui serait plus adapté à leur âge." 

Eric Heyer, économiste à l'OFCE

à franceinfo

La deuxième phase de concertations sur l'emploi des seniors débute cette semaine au ministère du Travail. 

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