Chômage : "François Hollande a raison de dire que ça va mieux"
Trois économistes analysent ce deuxième mois consécutif de baisse du nombre de demandeurs d'emploi. Une statistique inédite depuis début 2011 sur le front de l'emploi.
Cela n'était pas arrivé depuis cinq ans. Le chômage affiche un net recul deux mois de suite. Fin avril, le nombre de demandeurs d'emploi a retrouvé son niveau de l'hiver 2015, selon les chiffres publiés mercredi 25 mai par le ministère du Travail. Trois économistes livrent leurs analyses à francetv info.
Une tendance à la baisse se confirme
"Un tendance nette se dessine", affirme Henri Sterdyniak, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). "Depuis environ un an, la hausse du chômage a atteint un plafond, et depuis deux ou trois mois, le chômage est plutôt en train de baisser."
"Deux mois consécutifs de baisse, c'est un phénomène assez significatif", relève Matthieu Plane, économiste à l'OFCE qui pointe un autre indice révélateur : "Le nombre de demandeurs de catégorie A enregistre sa première baisse sur un an. On n'avait pas observé cela depuis septembre 2008 et la crise financière."
Et le ministère du Travail n'est pas le seul à annoncer cette bonne nouvelle. "Les chiffres de l'Insee indiquent une stabilisation voire une légère diminution", ajoute Alexandre Delaigue, professeur d'économie à l'université de Lille I et auteur du blog Classe Eco. Le taux de l'Insee a aussi entamé une légère baisse : après avoir atteint un pic au troisième trimestre 2015, à 10,2% de la population active en métropole, cet autre indicateur du chômage est repassé sous la barre des 10% en fin d'année, à 9,9%, et il s'est depuis stabilisé à ce niveau.
"La tendance qui se dessine est plutôt celle d'une baisse du chômage", abonde Matthieu. "Mais attention, cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas encore des mois de hausse."
La conjoncture économique est favorable
"Je n'ose pas dire, comme François Hollande, que 'ça va mieux', mais le contexte macro-économique est un peu plus favorable", explique Alexandre Delaigue. "Le prix du pétrole est bas et cela agit comme une baisse d'impôt, les gens ont pu reconstituer un peu leur bas de laine et consommer un peu. Les taux d'intérêts sont également bas et la politique monétaire de la Banque centrale européenne est favorable. Et en Europe, on n'assiste pas à des politiques de relance mais il y a beaucoup moins de politiques d'austérité budgétaire qu'auparavant", liste le professeur d'économie.
"La production industrielle française est sur un rythme positif de +1,6% par an qui tend à faire baisser le chômage au moins légèrement", poursuit Henri Sterdyniak. "S'ajoute à cela une politique extrêmement active en matière d'emploi qui accélère le mouvement et permet de passer d'une stabilisation du chômage à une baisse, grâce à des stages de formation pour les demandeurs d'emploi, des emplois aidés pour les jeunes et des aides à l'embauche pour les PME. Et il ne faut pas oublier les 40 milliards d'euros de cadeaux aux entreprises."
Outre la croissance qui est "relativement bonne", Matthieu Plane retient aussi un autre facteur : "la montée en charge du CICE et du pacte de responsabilité". "On part de très loin mais une reprise de l'investissement et de l'emploi commence à se dessiner", même s'"il faut quand même que l'accélération de la croissance se confirme pour une réelle embellie sur le front de l'emploi". Conclusion de l'économiste : "Sauf nouveau choc pas anticipé, cela serait étonnant que le chômage ne baisse pas en 2016". A moins d'imaginer "le scénario du pire", comme Alexandre Delaigue, avec un "Brexit" et la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine, auquel cas "la situation pourrait se dégrader".
"François Hollande a raison de dire que ça va mieux", conclut toutefois Henri Sterdyniak. "Ce n'est pas le grand bouleversement de la baisse du chômage du début des années 2000 ou d'avant la crise financière de 2007 mais ça va quand même un peu mieux."
La baisse serait-elle en trompe l'œil ?
"La baisse du chômage est un peu artificielle", tempère Henri Sterdyniak, "car elle est en partie due aux aides publiques à l'embauche. Cette politique donne un coup de fouet à la consommation et à l'économie qui aide à réduire le chômage, mais elle est coûteuse et ne sera pas reconduite éternellement."
Antoine Delaigue pointe aussi "les défauts inhérents aux statistiques de Pôle emploi". D'une part elles sont "soumises aux aléas politiques" et sont donc "très favorable au 'traitement statistique du chômage'". Elles sont d'ailleurs fournies par la Dares, le service des statistiques du ministère du Travail. "Le programme de formation des chômeurs mis en place par le gouvernement en début d'année permet de sortir les gens du chômage le temps de leur formation. Mais l'effet final est tout à fait indéterminé", fait remarquer le professeur d'économie qui souligne aussi que l'influence jouée par la politique de radiation de demandeurs d'emploi menée par Pôle emploi.
Enfin, un dernier facteur peu jouer, comme le révèle Matthieu Plane. La statistique fournie par la Dares pointe sur avril une hausse "inhabituellement forte" des "sorties pour défaut d'actualisation". Celle-ci pourrait s'expliquer, par un nombre de jours ouvrés plus faible en mai, mais aussi, sans doute, "un nombre significatif de personnes qui, retrouvant une activité, ont arrêté de s'inscrire à Pôle emploi".
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