: Témoignages "Je me suis rendu compte qu'il fallait confronter la direction" : de plus en plus de salariés quittent leur entreprise avec une rupture conventionnelle
Le nombre de ruptures conventionnelles a battu des records au 1er trimestre 2024. C’est ce qui ressort d’un rapport de la Dares début juillet, le département des statistiques du ministère du Travail : 132 468 ruptures conventionnelles ont été signées, soit 2,3% de plus qu’au dernier trimestre 2023. Cette séparation à l’amiable est de plus en plus sollicitée, parfois à l’initiative du salarié lui-même.
Désaccords avec la direction, charge de travail, salaire trop bas : après 1 an et demi de CDI, Louise a décidé de quitter son entreprise, son premier emploi, à la fin du mois de février : "On m'a tout de suite conseillé de ne pas démissionner. On m'a dit : 'Il faut que tu négocies une rupture conventionnelle, c'est important pour toucher le chômage.' Je me suis rendu compte qu'il fallait confronter la direction et leur expliquer que je ne partirais pas tant que je n'aurais pas de rupture conventionnelle." La femme de 25 ans a finalement obtenu sa rupture conventionnelle environ 2 mois après sa demande.
"Comme tout outil, il est quelques fois abusivement utilisé"
À l’inverse, beaucoup de salariés ne l’ont pas demandé, mais l'entreprise leur a proposé, note Patricia Drevon, secrétaire confédérale Force Ouvrière. L'employeur évite ainsi, notamment, toutes les négociations collectives : "Si l'entreprise fait des ruptures conventionnelles avant, elle a sorti des salariés des effectifs sans avoir à les comptabiliser dans le cadre d'une procédure de sauvegarde de l'emploi."
Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH, l’association nationale des directeurs des ressources humaines, chargé notamment de l’emploi, tient à nuancer ce constat. "S'il y a plusieurs ruptures conventionnelles individuelles de suite, l'administration peut le requalifier en contractuels déguisés. Personne ne joue à ça !", s'exclame-t-il.
"En revanche, c'est vrai que des employeurs constatant qu'avec telle ou telle personne ça ne convient plus, plutôt que de les licencier ou de faire des trucs malsains, lui proposent de quitter l'entreprise avec une rupture conventionnelle. Et c'est là que les montants de l'indemnité sont un petit peu supérieurs", précise le président de l'ANDRH. "Comme tout outil, il est quelques fois abusivement utilisé", conclut Benoît Serre à propos du dispositif.
Un chiffre à relativiser
Mais ces chiffres sur la progression des ruptures conventionnelles sont à relativiser pour Olivier Guivarch, secrétaire national de la CFDT : "Plus 2,3% ça paraît beaucoup, mais on est à 132 500 ruptures conventionnelles pour 238 200 licenciements et on compte 478 000 démissions. Ce qui veut dire que le chiffre des ruptures conventionnelles n'est pas du tout préoccupant." La rupture conventionnelle reste, tout de même, le mode de séparation entre salarié et patron qui progresse le plus.
L’année dernière, le gouvernement avait tenté d’inverser la tendance en augmentant le forfait social des employeurs qui optaient pour cette formule, espérant ainsi réduire les inscriptions à France Travail.
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