Saône-et-Loire: ce que l'on sait de la mort d'un agriculteur tué par les gendarmes sur qui il fonçait
Jérôme Laronze, éleveur de bovins de 37 ans, a lancé son véhicule sur des militaires. Il était recherché depuis le 11 mai après un contrôle vétérinaire qui avait mal tourné.
Une cavale mortelle. Un agriculteur de 37 ans, recherché par les gendarmes depuis le 11 mai, a été tué par deux militaires, samedi 20 mai, alors qu'il leur fonçait dessus en voiture, à Sailly (Saône-et-Loire). Dix jours plus tôt, Jérôme Laronze avait déjà foncé sur les forces de l'ordre, qui accompagnaient les inspecteurs lors d'un contrôle vétérinaire dans sa ferme située à Trivy. Les deux gendarmes ont été placés en garde à vue. Franceinfo revient sur ce que l'on sait de ce drame.
Un premier contrôle qui dérape
Cet agriculteur du village de Trivy, célibataire et sans enfant, était recherché depuis le 11 mai, date du dernier contrôle de son exploitation. L'homme, dont la ferme est située au sommet d'une colline, avait foncé avec son tracteur sur les forces de l'ordre qui accompagnaient les inspecteurs des services vétérinaires de la direction départementale de la protection de la population (DDPP). "Ce monsieur n'allait pas bien, s'opposait aux services d'inspection sanitaire, il existait un gros contentieux depuis plusieurs années et ça allait de pire en pire. Il ne s'occupait plus trop de son cheptel et avait déjà été sanctionné pour défaut de soins sur ses bêtes", a expliqué la procureure de Mâcon, Karine Malara, qui doit tenir une conférence de presse lundi 22 mai.
"J'ai été averti de ses difficultés il y a un peu plus d'un an", confie dans Le Parisien Bernard Lacour, président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Saône-et-Loire. Ce jour-là, Jérôme Laronze était parvenu à prendre la fuite avec son tracteur avant de revenir chercher sa voiture et de disparaître de la circulation, précise le quotidien.
Une tentative d'interpellation qui tourne au drame
L'agriculteur avait été aperçu à plusieurs reprises sur la commune. Il s'était même entretenu par téléphone avec Le Journal de Saône-et-Loire, dénonçant "la solitude de l'agriculteur face aux contrôleurs. Je n'ai absolument pas l'intention de me suicider", avait-il conclu.
Samedi, il a été retrouvé en fin de journée de "manière fortuite", après qu'un habitant du petit village de Sailly, à 35 kilomètres de Trivy, dans les environs de Cluny, a signalé un homme circulant lentement autour du château avec des jumelles.
Deux patrouilles de gendarmes se sont alors rendues sur les lieux et l'une d'elles est tombée sur son véhicule. Les deux gendarmes sont descendus à pied et ont lancé les sommations, mais l'homme a foncé sur eux sur un étroit chemin de terre. Les militaires ont fait feu, touchant mortellement l'agriculteur. Selon Le Parisien, la balle tirée vers son véhicule a ricoché et sectionné une artère, provoquant une hémorragie fatale. Le Samu n'a pu le ranimer. Prévue dimanche à Dijon, l'autopsie devait déterminer le nombre de tirs qui ont touché l'agriculteur.
Les deux gendarmes, "choqués", en garde à vue
Les deux militaires, "très choqués" par les faits, selon le parquet, ont été brièvement hospitalisés. Ils ont ensuite été placés en garde à vue dimanche afin de "vérifier les responsabilités de chacun". "Il y a une infraction à vérifier qui est celle de 'violences avec armes ayant entraîné la mort'. (...) C'est le cadre juridique le plus protecteur puisqu'il y a le droit à un avocat et que les personnes sur lesquelles on travaille au sujet de leurs responsabilités sont gardées à disposition des enquêteurs", a tenu à préciser la procureure de Mâcon. "Ce n'est absolument pas une présomption de culpabilité", a souligné la magistrate, annonçant d'ores et déjà la prolongation de la garde à vue des militaires, lundi matin.
L'enquête a été confiée à l'inspection technique de la gendarmerie et les premières constatations ont été faites par la section de recherches de Dijon.
La Confédération paysanne demande un moratoire sur les contrôles
"Nous sommes choqués, nous sommes en colère. Il faut que toute la lumière soit faite sur ce drame", a réagi la Confédération paysanne dans un communiqué, intitulé "Justice pour Jérôme". "Nous souhaitons avant toute chose exprimer toute notre solidarité avec la famille de Jérôme."
Au-delà de l'acte en lui-même, la Confédération paysanne affirme qu'elle ne peut que "s'insurger devant les méthodes employées face à la détresse économique et humaine. Nous mettons ici en question, l’absence de prise en compte de la détresse des hommes, souvent seuls dans leur ferme, confrontés à l'humiliation d'un contrôle qui peut parfois faire agir les paysans au-delà de la raison".
L'organisation demande un moratoire sur les contrôles. "ll faut que le travail des paysans trouve une reconnaissance humaine et économique. Ce n’est qu’à ce moment que les normes et les contrôles retrouveront tout leur sens et serviront l’intérêt général."
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