C'est quoi ce traité entre l'UE et le Mercosur qui inquiÚte tant les agriculteurs français ? On vous résume le projet
La Commission européenne négocie en ce moment avec quatre pays d'Amérique latine un traité de libre-échange qui fait trembler la filiÚre bovine française.
L'Ă©change "bĆuf contre voitures" ne passe pas. Le projet d'accord de libre-Ă©change entre l'Union europĂ©enne et le Mercosur provoque la colĂšre et l'inquiĂ©tude des agriculteurs français. Ils manifestent dans plusieurs rĂ©gions de France, depuis plusieurs semaines, et certains ont profitĂ© du Salon de l'agriculture, samedi 24 fĂ©vrier, pour interpeller Emmanuel Macron sur le sujet. Mais de quoi s'agit-il exactement ?
D'abord, c'est quoi le Mercosur ?
Mercosur, c'est l'abrĂ©viation de MarchĂ© commun du Sud, "Mercado comĂșn del Sur" en espagnol. C'est une communautĂ© Ă©conomique qui regroupe quatre membres fondateurs : l'Argentine, le BrĂ©sil, le Paraguay et l'Uruguay. La Bolivie a entamĂ© un processus d'adhĂ©sion en 2012, mais attend toujours la ratification dĂ©finitive. D'autres pays sont considĂ©rĂ©s comme "associĂ©s" : le Chili, la Colombie, l'Equateur, le PĂ©rou. Le Venezuela a Ă©tĂ©Â suspendu en dĂ©cembre 2016, en raison de la crise qui dĂ©chire le pays depuis la violente rĂ©pression de manifestations d'opposants Ă Nicolas Maduro.
C'est le mĂȘme principe que l'Union europĂ©enne, mais l'intĂ©gration des pays est diffĂ©rente. CrĂ©Ă© en 1991, le Mercosur prĂ©voit la libre circulation des biens, des services et des personnes entre ses Etats membres, mais n'a pas de monnaie commune. C'est surtout "l'une des rĂ©gions les plus compĂ©titives au monde pour la viande bovine", explique Le Monde.
Et en quoi consiste cet accord avec l'UE ?
Il s'agit d'un projet d'accord de libre-Ă©change, comme le Tafta avec les Etats-Unis (toujours en cours de nĂ©gociations) et le Ceta avec le Canada (partiellement appliquĂ©). Et c'est un "serpent de mer", analyse Le Figaro. Depuis la fin des annĂ©es 1990, des cycles de nĂ©gociations sont ouverts, avant d'ĂȘtre interrompus par divers blocages.
Ce projet consiste Ă Â faciliter l'exportation de produits agricoles (le bĆuf, notamment) du Mercosur vers l'Union europĂ©enne. En retour, le Mercosur doit ouvrir le marchĂ© sud-amĂ©ricain aux voitures, produits pharmaceutiques, produits laitiers et vins europĂ©ens, et autoriser les sociĂ©tĂ©s de l'UE Ă rĂ©pondre aux appels d'offres publics. Les exportateurs europĂ©ens ont en ligne de mire un marchĂ© considĂ©rable de 260 millions d'habitants.
A l'heure actuelle, "des milliers de tonnes de produits d'AmĂ©rique du Sud s'exportent en Europe, mais ceux-ci sont soumis Ă d'importants droits de douane qui augmentent mĂ©caniquement leur prix et, donc, les rendent moins compĂ©titifs", explique Le Figaro. Les membres du Mercosur souhaitent ĂȘtre exemptĂ©s de ces taxes pour des produits "stratĂ©giques" comme le sucre, l'Ă©thanol ou encore la viande bovine.
Pourquoi les agriculteurs le redoutent-ils tant ?
Les agriculteurs europĂ©ens, Français en tĂȘte, sont trĂšs inquiets de la concurrence sud-amĂ©ricaine. "L'agriculture brĂ©silienne est une machine Ă exporter", selon Les Echos. C'est sur la viande bovine que se cristallisent les craintes des Ă©leveurs, dans un secteur dĂ©jĂ en crise. Pour eux, l'importation massive de viande bovine du Mercosur constituerait une concurrence dĂ©loyale et un risque sanitaire.
En l'Ă©tat actuel du projet, 99 000 tonnes de bĆuf supplĂ©mentaires pourraient entrer sur le marchĂ© europĂ©en, en plus des 240 000 tonnes que l'UE importe dĂ©jĂ du Mercosur (et des 60 000 tonnes prĂ©vues dans le cadre du Ceta). "Au total, ces importations du Canada et du Mercosur reprĂ©senteraient plus de la moitiĂ© de la production europĂ©enne de viande de bĆuf", prĂ©cise Le Figaro. Par consĂ©quent, la France "risque de perdre 20 Ă 25 000 exploitations" si l'Europe signe l'accord, assure Christiane Lambert, prĂ©sidente de la FNSEA.
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Les agriculteurs craignent en outre l'entrĂ©e sur le marchĂ© europĂ©en de denrĂ©es produites dans des conditions moins contraignantes, des viandes d'animaux nourris aux farines animales, aux OGM ou encore traitĂ©s aux hormones, entraĂźnant des prix plus bas et un potentiel risque sanitaire. Ce qui a contraint Emmanuel Macron a promettre, Ă plusieurs reprises qu'il n'y aurait "jamais de bĆuf aux hormones en France". "Il n'y aura aucune rĂ©duction de nos standards de qualitĂ©, sociaux, environnementaux, ou sanitaires Ă travers cette nĂ©gociation", a assurĂ© le chef de l'Etat aux centaines d'agriculteurs invitĂ©s Ă l'ElysĂ©e, Ă la veille de l'ouverture du Salon de l'agriculture.
La France semble tenir la ligne la plus ferme au sein de l'Union européenne. Au sein du gouvernement, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, estime d'ailleurs qu'"en l'état, ce traité n'est pas acceptable". "Il serait trop préjudiciable, notamment pour nos agriculteurs, et la France a des lignes rouges trÚs claires", a-t-il affirmé.
Et en Amérique latine, ça n'inquiÚte personne ?
Pour la Confédération générale du travail argentine, le projet d'accord n'est pas beaucoup plus satisfaisant. Le traité risque de "reprimariser" l'économie du pays, en favorisant sa production agricole tout en laissant entrer plus facilement les industriels européens sur son marché, explique Marita Gonzalez, conseillÚre en relations internationales du syndicat, à Telesur (en anglais).
En outre, "cela risque d'affaiblir le Mercosur", quand l'Argentine commencera Ă acheter Ă l'Europe ce qu'elle achĂšte aujourd'hui au BrĂ©sil, poursuit l'experte. Toujours Ă Telesur, l'Ă©conomiste Felisa Miceli, assure que "cette libĂ©ralisation commerciale annonce des fermetures massives d'entreprises".Â
C'est pour quand, cet accord ?
Fin janvier, le vice-prĂ©sident de la Commission europĂ©enne chargĂ© des Emplois, de la Croissance, des Investissements et de la CompĂ©titivitĂ©, Jyrki Katainen, avait dĂ©clarĂ© que les discussions Ă©taient entrĂ©es "dans la derniĂšre ligne droite", mais qu'elles n'avaient toujours pas abouti, notamment parce que la France estime que "le compte n'y est pas". Les nĂ©gociations sont toujours en cours Ă Asuncion, la capitale du Paraguay.Â
L'horloge tourne. "LâUE et le Mercosur veulent profiter du retrait relatif des AmĂ©ricains des grands accords mondiaux pour resserrer leurs liens et intensifier leurs Ă©changes", explique Le Monde. A tel point que le gouvernement français estime que "la Commission europĂ©enne charge trop la barque, en profitant du vide laissĂ© par le prĂ©sident des Etats-Unis pour signer Ă tour de bras des traitĂ©s avec le Japon, le Mercosur et bientĂŽt la Nouvelle-ZĂ©lande ou l'Australie", poursuit le quotidien.
Surtout, les négociateurs espÚrent trouver un accord avant la campagne présidentielle brésilienne, qui débute au printemps, et qui risque de repousser les discussions aux calendes grecques, en cas d'échec. D'autant qu'en 2019, les élections européennes prendront le relais.
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