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Crise des éleveurs : pourquoi la colère est venue de Normandie

Les agriculteurs ont organisé le blocus de Caen, dans le Calvados. Francetv info explique pourquoi la contestation a pris racine en Normandie, avant de s'étendre à d'autres territoires. 

Article rédigé par Florian Delafoi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des agriculteurs manifestent à 15km de Caen (Calvados) le 19 juillet 2015.  (MAXPPP)

La colère des agriculteurs est venue de Normandie. Les producteurs bloquent le périphérique de Caen (Calvados) depuis le lundi 20 juillet. Un blocus qui vise à dénoncer les prix trop faibles de la viande et du lait. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a décidé de se rendre sur place, mardi 21 juillet, pour échanger avec les éleveurs. Ce n'est pas un hasard si cette zone est devenue le symbole de la crise profonde qu'ils subissent. La Normandie est un territoire dont l'économie est très liée à l'activité agricole.

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Francetv info avance trois raisons qui expliquent pourquoi la colère se cristallise dans cette partie de l'Hexagone. 

15% du lait français vient de Normandie

La production de lait est importante en Normandie. Quinze pour cent du lait français est collecté et transformé dans des usines normandes, selon la Chambre d'agriculture régionale. Cela en fait le deuxième bassin laitier derrière le Grand-Ouest. A noter également que 16% du cheptel français de vaches laitières se situe sur ce territoire. Les exploitants agricoles subissent de plein fouet les conséquences de la fin des quotas laitiers qui permettaient, jusqu'au 1er avril 2015, de réguler les prix du lait. 

Particularité locale, les éleveurs sont plus dépendants des producteurs privés que la moyenne nationale. "Les deux tiers du lait normand vont chez des producteurs de lait à capitaux privés, et seulement un tiers chez des coopératives. Une grande proportion d'agriculteurs a le sentiment d'être affaiblie", explique Michel Lafont, le responsable du service économie de la Chambre d'agriculture régionale.

Selon ses chiffres, en 2014, les exploitations agricoles normandes affichaient un résultat annuel moyen de 33 000 euros. Ce qui, après paiement des charges, représente 10 000 euros de revenu annuel en moyenne. "Cela met une bonne partie du groupe en dessous du niveau de la mer", assure Michel Lafont. 

La viande bovine représente 680 millions d'euros

La Normandie est aussi une terre d'élevage. Parmi les éleveurs de bovins, 27% sont spécialisés en production de viande. Cette filière normande pesait 680 millions d'euros en 2011. La filière normande ne fait pas partie des régions les plus productrices (lien en PDF) de viande bovine, mais elle est, elle aussi, touchée par les faibles prix de vente de la viande. Une situation qui s'explique notamment par une production de viande bovine excédendaire, avance la Chambre d'agriculture de Normandie. Un surplus qui n'est pas en adéquation avec la consommation nationale, qui est en baisse constante depuis plusieurs années.

La région accueille aussi des entreprises de découpe et d'abattage. Des agriculteurs ont bloqué l'accès aux abattoirs du Neubourg (Haute-Normandie), lundi 20 juillet. Un blocus similaire a été mis en place devant celui d'Elivia installé à Villers-Bocage (Calvados). Les éleveurs reprochent aux transformateurs de ne pas appliquer l'accord du 17 juin qui prévoit une augmentation des prix de la viande. Les abattoirs sont, par ailleurs, impactés par cette nouvelle crise que traverse le monde agricole. La société Aim, qui possède un site dans le Calvados, a par exemple connu de graves difficultés économiques avant d'être reprise par ses salariés avec l'aide de l'Etat. 

Des exploitations au bord du gouffre

Du fait de la crise, plusieurs milliers d'agriculteurs sont au bord du gouffre. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a reconnu que 20 000 à 25 000 exploitations étaient en grande difficulté au niveau national. Il est difficile d'obtenir les données détaillées, département par département. Mais la Normandie, terre d'agriculture, est particulièrement impactée par la situation. "Un certain nombre d'éleveurs laitiers normands ont mis à la réforme leurs vaches laitières, c'est-à-dire qu'elles ont été transférées à l'abattoir pour leur viande. Cela a créé un engorgement dans la filière de la viande bovine", explique Thierry Pouch, le chef du service des études économiques de l'assemblée permanente des Chambres d'agriculture. 

Par ailleurs, en dix ans, la Basse-Normandie a perdu près de la moitié de ses exploitations agricoles, précise l'Insee

Et la contestation s'étend...

Le mouvement s'étend sur le territoire. Après le blocus de Caen, les éleveurs ont décidé de paralyser le Mont-Saint-Michel (Manche). Les agriculteurs du département se mobilisent également pour exprimer leur mécontentement. Une réunion entre des représentants de syndicats agricoles et de la grande distribution s'est tenue mardi après-midi à la Chambre d'agriculture, à Saint-Lô (Manche).

La Bretagne, grande région agricole, est aussi touchée par ce mouvement. Les agriculteurs ont bloqué la circulation à hauteur de Tramain (Côtes-d'Armor), dans le sens Saint-Brieuc-Rennes. Des déviations ont été mises en place, rapporte Ouest France. A Quimper (Finistère), la voie express a également été bloquée. Un ras-le-bol qui pourrait se généraliser et qui a obligé le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, à se rendre à la préfecture du Calvados, à Caen, pour discuter avec les manifestants. 

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