Disparition des abeilles : "C'est le monde des pollinisateurs qu'il faut sauver", estime un agronome
Christophe Gatineau s'inquiète du manque d'ambition politique pour protéger les abeilles, qui revient selon lui, "à sauver la biodiversité".
"C'est le monde des pollinisateurs qu'il faut sauver", a affirmé lundi 20 mai sur franceinfo l'agronome Christophe Gatineau, co-auteur avec Sylvie Corré de Éloge de l’abeille, alors que ce lundi est la journée mondiale des abeilles. "C'est l'ensemble de ces espèces sauvages qui nichent dans le sol qui sont en grave danger", alerte-t-il. Selon lui, il n'y a "aucun indicateur depuis 50 ans" montrant qu'on veuille sauver les abeilles. Il attend des décisions politiques fortes comme de "donner un statut juridique aux pollinisateurs".
franceinfo : Pourquoi la disparition de l'abeille est un sujet grave ?
Christophe Gatineau : C'est la disparition des abeilles qui est un sujet extrêmement grave. Les écosystèmes sont faits de telle manière que si une espèce disparaît, elle ne met pas en péril l'ensemble. Le monde des abeilles, ce n'est pas que l'abeille qui vit dans les ruches. Il y a un millier d'espèces d'abeilles en France. Il y a 20 000 espèces d'abeilles dans le monde. Au-delà des abeilles, c'est l'ensemble du monde des pollinisateurs en France qui est en grand danger. Les pollinisateurs, c'est un insecte sur quatre. Cela représente 10 000 espèces d'insectes qui, en France, sont en grande difficulté aujourd'hui. Dedans on va retrouver des pollinisateurs exceptionnels, comme certaines mouches par exemple. On a aussi des guêpes. Tout le monde connaît le bourdon. C'est une véritable abeille. Ils sont dans le même milieu, ils butinent les mêmes fleurs, ils peuvent s'entraider parfois. C'est surtout le bourdon qui va imiter les abeilles pour trouver les sources de nectar. Aujourd'hui, c'est l'ensemble de ces espèces sauvages qui nichent dans le sol qui sont en grave danger.
A quoi est due cette disparition ?
La disparition des insectes est due à tout sauf au hasard. Les raisons sont évidemment multifactorielles, comme les conditions agroenvironnementales. Il y a les problèmes de nourriture. Qu'est ce qui reste à manger pour tous ces pollinisateurs dans la nature ? Il reste ce qu'on appelle les grandes cultures industrielles. Ce n'est pas dans les forêts de sapins que les abeilles vont trouver de la nourriture. Elles vont en trouver encore dans les quelques forêts qui peut rester de châtaigniers. Mais la nourriture est de plus en plus rare. On va prendre un exemple très simple concret : les foins. Aujourd'hui, les agriculteurs vont faire deux ou trois coupes de foin. En fait ils font la coupe de foin avant la floraison. Il y a encore 50 ans, on coupait les foins après floraison. L'abeille pouvait trouver de la nourriture. Aujourd'hui, on a des apiculteurs qui, au mois de mai alors que normalement la nature explose de fleurs, leur donnent un apport sucré pour les nourrir et pour attendre les grandes miellées sur la ronce, sur le châtaignier, sur les quelques fleurs sauvages qui va rester au mois de juin et juillet. Les pesticides ont un impact sur l'effondrement des insectes en règle générale. Le glyphosate participe à l'effondrement des colonies.
Qu'est-ce qu'on peut faire pour tenter d'enrayer cette disparition ?
Tout simplement prendre des décisions politiques. La première décision politique c'est de donner un statut juridique aux insectes, aux pollinisateurs, aux collaborateurs ou aux auxiliaires de l'agriculteur et de l'agriculture durable. Sur les abeilles, sur les vers de terre, repose l'alimentation de demain. Une décision politique simple à prendre : interdire le glyphosate sur des plantes en floraison par exemple. C'est très facile et ça limiterait grandement l'impact sur l'apiculture. C'est très simple à prendre comme décision. On ne veut pas sauver les abeilles. Il n'y a aucun indicateur depuis 50 ans qui montre qu'on veuille sauver les abeilles ou les pollinisateurs. C'est vraiment le monde des pollinisateurs qu'il faut sauver, ou sauver le ver de terre, ou sauver en fin de compte la biodiversité.
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