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Notre-Dame-des-Landes : on vous explique pourquoi ça bloque toujours entre l'Etat et les zadistes

Dialogue impossible, flambée de violences... Quatre mois après l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la situation s'enlise dans le bocage nantais.

Article rédigé par franceinfo
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Sur le site de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), le 13 avril 2018. (FRED TANNEAU / AFP)

C'est un fait. Quatre mois après l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la situation n'a pas bougé d'un caillou dans le bocage nantais. Les zadistes, certes moins nombreux, sont toujours là. Quant aux opérations d'évacuation menées par les gendarmes depuis le lundi 9 avril, elles n'ont pas permis beaucoup plus que la démolition de quelques squats. Franceinfo vous explique pourquoi ça coince.

Parce que le dialogue semble impossible

La rencontre organisée mercredi 18 avril en préfecture de Loire-Atlantique en a été un nouvel exemple. Les deux heures de discussion entre les représentants de l'Etat et une délégation de zadistes ont débouché sur une impasse, notamment sur la question du formulaire simplifiée d’installation agricole. Les premiers demandaient un report de l'ultimatum fixé au lundi 23 avril. Hors de question, ont répondu les seconds, estimant avoir déjà fait un geste en proposant aux occupants cette procédure.

Présent autour de la table, Nicolas Hulot a exprimé un "sentiment de tristesse, de gâchis" et évoqué "une situation qui n'aurait pas dû prendre cette tournure". Le ministre de la Transition écologique et solidaire a une nouvelle fois appelé les opposants à saisir la "main du gouvernement".

Ne ratons pas la dernière étape, ne rentrons pas dans une spirale de posture, de confrontation, de violence. Ne confondons pas écologie et anarchie. Et passons maintenant à une autre étape.

Nicolas Hulot

en conférence de presse

Les relations entre les deux camps n'ont jamais été bonnes. Mais elles se sont fortement tendues, lundi 16 avril, lorsque les forces de l'ordre ont lancé au petit matin des opérations de démolition et d'expulsion. Résultat : plusieurs jours de violents affrontements et des dizaines de blessés au total de part et d'autre.

Par ailleurs, les occupants de la ZAD n'ont pas supporté les coups de pelleteuse, jugées aléatoires, des gendarmes. La destruction de la ferme des 100 Noms en est le symbole. Dominique Fresneau, l’un des porte-paroles de l’Acipa, la principale association ayant combattu le projet d’aéroport, ne cachait pas sa colère. Dans les colonnes du Monde, il fustigeait "les promesses en l’air" faites par les autorités. "Cela fait quelques mois que l’on discute avec la préfecture, bien sûr les projets n’étaient sans doute pas ciselés comme il faut puisqu’ils étaient portés collectivement, mais on était en voie d’amener des projets individuels, et ça a coupé court", regrettait-il.

Parce que les zadistes souhaitent rester dans la ZAD (et dans l'anonymat)

Cinq jours après le début des opérations d'évacuation et de démolition, la préfète de Loire-Atlantique a accepté de "laisser une dernière chance" aux zadistes. Vendredi 13 avril, Nicole Klein leur a présenté un "formulaire simplifié d’installation agricole" qu'ils sont invités à remplir et à déposer en préfecture au plus tard le lundi 23 avril.  

Il faut que j'aie des noms de gens qui, à terme, s'inscriront à la Mutualité sociale agricole, payeront l'eau et l'électricité, diront où ils sont et ce qu'ils veulent faire.

la préfète de Loire-Atlantique

en conférence de presse

Le document, qui tient sur une page, s'intitule "projet agricole de Notre-Dame-des-Landes, déclaration d'intention". Il comprend trois parties. Dans la première, le porteur du projet doit décliner son identité et son expérience professionnelle, notamment agricole. Dans la deuxième partie, il doit présenter de manière "succincte" les productions agricoles envisagées et leurs modes de commercialisation. Enfin, dans un tableau, il doit indiquer les références cadastrales et les surfaces correspondantes. Précision importante : à aucun moment une signature n'est demandée. 

Capture d\'écran du document intitulé \"projet agricole de Notre-Dame-des-Landes, déclaration d\'intention\" mis en place par l\'Etat à l\'adresse des zadistes, le 12 avril 2018.
Capture d'écran du document intitulé "projet agricole de Notre-Dame-des-Landes, déclaration d'intention" mis en place par l'Etat à l'adresse des zadistes, le 12 avril 2018. (PREFECTURE DE LOIRE-ATLANTIQUE)

Néanmoins, les zadistes n'appécient guère la méthode. Sur la forme, ils estiment que "cet ultimatum du 23 [avril], qui est un temps très très court (...) ressemble plus à un couperet" qu'à "des conditions pour un véritable dialogue". Et sur le fond, ils refusent de donner des informations personnelles (nom, prénom, âge, date de naissance, lieu de naissance, etc.), et préfèrent rester dans l'anonymat.

Parce que les zadistes semblent dépassés par... certains zadistes

Les opérations d'évacuation menées dans le bocage nantais ont eu une autre conséquence. Au fil des jours, des renforts ont rallié Notre-Dame-des-Landes pour donner "un coup de main" aux zadistes. De 250, leur nombre serait passé à 1 000, "et on continue d'accueillir des gens", se félicite un occupant de la ZAD à l'AFP. Ces renforts viennent même de l'étranger, selon une autre "Camille", anarchiste de 54 ans. "Il y a des Anglais, des Italiens, des Irlandais, des Espagnols", énumère-t-elle, heureuse de constater cette "grosse solidarité" et de cette "cohésion" recréée.

Mais, en aparté, certains reconnaissent être parfois débordés par des éléments "plus radicaux", "moins au fait de ce qui se dessine vraiment ici", "mais prêts à en découdre avec les forces de l'ordre", explique une zadiste à franceinfo.

C'est aussi ce que regrette Françoise Verchère, une des pionnières de la lutte anti-aéroport. Dans un entretien accordé à Ouest-France, elle ne mâche pas ses mots pour déplorer l’attitude de certains zadistes, "qui refusent toute concession avant d’avoir pu changer la face du monde".

Ils pensent que parce qu’ils ont gagné contre l’aéroport, tout est ouvert. Ils se figent dans une posture qui ne permet pas de négociation.

Françoise Verchère

à "Ouest-France"

"Penser qu’il n’y a que le méchant gouvernement qui matraque et les gentils zadistes, ça n’est pas tout à fait vrai, explique-t-elle, désabusée. Personne ne peut me suspecter d’être pro-gouvernement ni anti-zadiste. Mais je ne veux pas non plus que fassent la loi, sans la loi, les radicaux de la route des Chicanes avec lesquels je défie quiconque de passer une après-midi."

Cet enlisement n'a pas échappé au député Les Républicains Jean-Pierre Vigier, qui a pris la parole à l'Assemblée nationale, mercredi 18 avril.

Les zadistes profitent de votre faiblesse et sont chaque jour un peu plus nombreux à venir défier l'autorité de l'Etat.

Jean-Pierre Vigier, député LR

à l'Assemblée nationale

Piqué au vif, le chef du gouvernement, Edouard Philippe, lui a répondu que "les occupants illégaux" qui ne régulariseront pas leur situation "quitteront les lieux". C'est déjà ce que disait Emmanuel Macron lors d'une émission spéciale organisée par BFMTV et Mediapart, dimanche 15 avril. "A l’issue du délai du 23 avril, si les zadistes n’avaient pas déclaré leurs projets agricoles, tout ce qui doit être évacué sera évacué", assurait le chef de l'Etat. Un élu local ne voit aucune issue possible dans les pages d'Ouest-France : "Je crains un regain de violence et un enlisement catastrophique."

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