Projet de loi d'orientation sur l'agriculture : "intérêt général", formation et allègement des sanctions... Que contient le texte ?

Le gouvernement présente mercredi son texte en conseil des ministres pour réformer le secteur et répondre à la colère des agriculteurs après la mobilisation nationale du début de l'année.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une manifestation d'agriculteurs en colère à Paris, le 23 février 2024. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Dans les cartons depuis plus d'un an, le projet de loi du gouvernement sur l'agriculture est présenté mercredi 3 avril en Conseil des ministres, après quelques rebondissements. Du fait de la mobilisation des agriculteurs dès le mois de janvier et à la suite d'un Salon de l'agriculture houleux, l'exécutif l'a en effet retravaillé, au fil de nombreuses réunions avec les syndicats.

Si le gouvernement espère faire adopter ce texte avant l'été, il lui faudra toutefois convaincre une partie de l'opposition. Les syndicats, eux, font déjà part de leur déception : la FNSEA regrette un manque d'ambition sur la compétitivité, tout en s'attendant à de nombreux amendements au Parlement. Franceinfo vous résume les principales mesures du texte.

Reconnaître le caractère "d'intérêt général" de l'agriculture

Chahuté au Salon de l'agriculture, Emmanuel Macron s'est engagé fin février lors de cette visite à inscrire dans la loi le caractère "d'intérêt général majeur" de l'agriculture. Le premier article du texte va dans ce sens, faisant de la souveraineté alimentaire "un objectif structurant" des politiques publiques. Une mesure avant tout symbolique, voire "pédagogique", mais qui peut aussi avoir des conséquences concrètes. Elle signifie "que l'on va accompagner les agriculteurs avec des politiques publiques adaptées, des aides adaptées, des textes juridiques adaptés", a ainsi expliqué à franceinfo Carole Zakine, spécialiste du droit de l'environnement appliqué à l'agriculture.

Le gouvernement établit aussi un lien entre souveraineté agricole et "production durable de biomasse" et "décarbonation de l'économie", tandis qu'il définit la souveraineté alimentaire comme la capacité de la France à assurer son "approvisionnement alimentaire". Sur ce sujet, un rapport annuel devra être remis par l'exécutif au Parlement.

Des mesures pour faciliter la formation des agriculteurs

Le texte s'attaque aussi à la formation et à l'installation de futurs agriculteurs, alors qu'un tiers des exploitants pourrait partir à la retraite dans les dix prochaines années, selon le gouvernement. Il prévoit notamment la création d'un nouveau diplôme de niveau à bac+3, un "bachelor agro", et l'instauration d'un réseau nommé "France services agriculture". Il s'agira d'un guichet ou d'un point d'entrée unique pour les candidats à l'installation, sous l'égide des chambres d'agriculture.

Par ailleurs, chaque écolier devra bénéficier d'au moins une "action de découverte de l'agriculture", comme une visite de ferme.

Accélérer les projets d'irrigation et d'élevage

C'était l'un des autres engagements de l'exécutif en pleine fronde agricole. Le texte propose de créer une "présomption d'urgence" en cas de contentieux autour de la construction d'une réserve d'eau pour l'irrigation. Le gouvernement entend ainsi réduire les délais de procédures afin de "purger le contentieux en moins de dix mois".

Ce dispositif pourra aussi être invoqué pour des projets de bâtiments d'élevage, dont des installations agricoles "classées pour la protection de l'environnement". Cela concerne par exemple les grands élevages de porcs et de poulets qui font l'objet d'une autorisation des services de l'Etat en raison de leur potentiel impact environnemental.

Alléger les sanctions en cas de dommages à l'environnement

Alors que Bruxelles a déjà amoindri certaines normes environnementales pour répondre à la colère des agriculteurs européens, le gouvernement veut aussi adapter l'échelle des peines et remplacer des sanctions pénales par des sanctions administratives dans certains cas d'atteinte à l'environnement ou à la biodiversité. "On ne va pas envoyer un agriculteur en prison parce qu'il a taillé sa haie au mauvais moment", a résumé le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau. Il juge plus utile d'instituer des obligations de restauration écologique.

Le texte doit aussi contenir "une disposition sur les chiens de protection de troupeau". Les éleveurs demandent à être déchargés de responsabilité pénale et civile en cas de contentieux, par exemple si un chien a mordu un promeneur.

Simplifier la réglementation

Le texte entend aussi simplifier les textes de réglementation. "C'est un millefeuille réglementaire qui est complètement indigeste. (...) Rien que pour la haie, j'ai aujourd'hui 14 réglementations qui s'appliquent. (...) On ne sait plus ce qu'on a le droit de faire", dénonçait, fin janvier sur France 5, Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, syndicat majoritaire dans le secteur.

Sur ce sujet, l'exécutif veut unifier les normes dans une "réglementation unique". Le texte maintient l'interdiction de la destruction d'une haie, mais prévoit des conditions de dérogation à ce principe, par exemple en cas de replantation.

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